Interview – Uncanny Games (OIO)

Ils nous ont offert OIO : The Game en nous prouvant par la même occasion que nous n’avions pas à faire à des petits développeurs de pacotille. C’est donc tout naturellement qu’ils se livrent à nous et reviennent sur leur aventure indépendante sans langue de bois. Venez découvrir les talents d’Uncanny Games !

Bonjour à vous et sincèrement, bravo pour OIO. Pouvez-vous nous raconter les rencontres, les idées, la naissance d’Uncanny Games ? Comment tout a commencé ?

Nous venons tous de Supinfogame Valenciennes, école qui forme à différents métiers de l’industrie du jeu vidéo. On s’est regroupé autour de notre projet de fin d’études : The Uncanny fish Hunt et ça s’est super bien passé. À la fin de nos études, on avait le choix entre postuler chacun de notre côté dans des studios déjà bien installés ou tenter notre chance ensemble. On s’est dit que c’était maintenant ou jamais, et nous voilà !

Avant de créer votre studio, avez-vous déjà essayé de proposer vos idées à de gros éditeurs où l’idée d’être indépendant a été une évidence pour vous ?

On s’est posé la question et on a déjà eu quelques occasions de montrer notre travail à des éditeurs, mais l’idée de voir le projet nous échapper nous a fait peur. Il faut dire aussi que les éditeurs sont pas très chauds de financer une team n’ayant jamais rien sorti, qui plus est avec des projets non-conventionnels. Tant qu’on peut, on restera complètement indépendant, mais si une proposition honnête nous est faite on y réfléchira sérieusement.

Avant OIO, il y a The Uncanny Fish Hunt. Pouvez-vous nous en parler en détail ?

Comme dit plus haut, c’est notre projet de fin d’études. Il est à l’état de prototype, mais c’est un jeu qui nous tient vraiment à cœur. C’est un peu le projet à la base de la création de Uncanny Games et un des objectifs de notre studio est de développer The Uncanny Fish Hunt. Le projet est énorme, surtout pour une équipe comme la nôtre, d’où le fait qu’on l’ai mis de côté pour l’instant en attendant d’avoir plus de moyens.

Rentrons dans le vif du sujet. OIO est un plateformer « simple », porté par une histoire très poétique. Impossible de ne pas penser à des titres comme Machinarium (malgré son style pointé cliqué) lorsqu’on découvre ce petit être de bois. Quelles ont été vos principales sources d’inspiration, autant pour l’univers que le gameplay ?

L’objectif principal du character design d’oio était de représenter toute une population en un seul personnage. Il nous fallait donc le rendre suffisamment attachant sans avoir une personnalité trop marquée. Nous nous sommes principalement inspirés de travaux d’artistes comme Jeff Soto ou encore Jeremy Fish.
On a essayé de créer un gameplay ainsi qu’un Look & Feel unique pour OIO, mais si on ne devait citer qu’une seule source d’inspiration, ce serait sans doute la série des oddworlds.

Aucune scène cinématique (si ce n’est en introduction) n’est présente en jeu mais pourtant, les niveaux racontent beaucoup de choses via les divers personnages figés qui semblent hanter les décors. Comment est venue l’idée de cette « narration » originale ?

Les personnages d’OIO ne parlent pas et n’écrivent pas, il était donc hors de question d’illustrer le scénario par des textes ou des conversations. On a également dû faire des choix en termes de temps de production. Raconter l’histoire via les décors et la fresque que le joueur débloque dans le menu nous a paru être un bon compromis. Une autre volonté était également de laisser un léger flou sur l’histoire. OIO se réveille d’un long coma et ne se rappelle plus de ce qui s’est passé, on a donc placé le joueur dans le même état d’esprit que l’avatar. Raconter pendant le jeu était également une volonté forte dès le début de la production.

OIO est assez simple d’accès ce qui est une bonne chose pour toucher tous les publics, mais force à une difficulté peu avancée (sans toutefois manquer d’intelligence dans ses puzzles) et à une durée de vie assez courte. Était-ce une volonté dès le départ ou une sorte de « dommage collatéral  » une fois le projet abouti ?

Au niveau de l’accessibilité, nous voulions proposer un jeu pour un public le plus large possible. Le jeu n’est pas simple, mais la progression reste fluide et sans accrocs. Les checkpoints sont là pour s’assurer que le joueur ne refait jamais un atelier déjà validé (tant que possible). Nous ne voulions pas que le joueur reste bloqué trop longtemps sur tel ou tel passage.
Au niveau de la durée de vie, on compte à peu près 3h de jeu pour le finir une première fois, un peu plus pour ceux qui veulent finir le jeu à 100% et obtenir tous les achievements. On aurait aimé en faire plus mais étant donné nos fonds de départ, il fallait respecter certains délais, et dans le temps (et l’argent) imparti, il était difficile d’en faire plus.

Quel est le sens des noms des niveaux de OIO ? J’ai beaucoup cherché et je cherche encore… (en espérant ne pas trop passer pour un inculte)

Cherche encore !

Le jeu ne propose aucune « élimination », aucun affrontement direct, aucune violence réellement visuelle. Un vrai défi ?

Le personnage n’est pas censé être fort et la violence n’est clairement pas le propos du jeu. C’est donc venu assez naturellement.

Le jeu est disponible sur Gamersgate, Impulse, Desura… Beaucoup se posent déjà la question : le jeu sera t’il bientôt disponible sur Steam ?

On aimerait bien, mais avec Steam c’est difficile de savoir. En tout cas, ce n’est pas faute d’essayer !

Êtes-vous déjà intéressé par des sorties sur Xbox Live Indie Games ou Appstore ? Vous destinez-vous uniquement au monde du PC et du Mac ?

Pour l’Appstore c’est en cours, mais le jeu est déjà disponible sur MAC via gamersgate et bientôt d’autres portails. Pour le XBLIG ou XBLA, il reste encore quelques inconnues au niveau de la compatibilité Unity3D (le moteur qu’on utilise). Mais c’est un de nos objectifs.

On m’en voudra si je ne vous pose pas la question : qu’en est-il de Linux ?

Petit rire nerveux d’un de nos programmeurs qui aimerait vraiment porter le jeu sur Linux, mais en partant de Unity3D, c’est assez compliqué. Mais si un jour c’est possible, on n’hésitera pas.

Quoi qu’il en soit, quels sont les moyens de distribution qui vous plaisent le plus ces temps-ci, en tant qu’indépendant ?

Steam reste un incontournable étant donné leur quasi-monopole. Les autres plateformes sont moins fréquentées, mais ont l’avantage d’être plus accessibles et ouvertes aux projets inconnus. En tout cas, l’essor de la distribution dématérialisée est un énorme plus pour le jeu indépendant et permet de mettre un jeu en vente avec un seul intermédiaire entre le développeur et le joueur. C’est tout bénef pour les développeurs qui touchent beaucoup (énormément) plus que sur un jeu en boite, mais également pour le joueur qui va payer beaucoup moins cher.

Finalement, être un studio indépendant Français, c’est faire face à quelles grosses principales difficultés ?

Les premiers à convaincre sont sans doute les banquiers et ca c’est pas toujours facile et dans des conditions assez rudes, étant donné qu’ils ont un énorme à priori sur le business du jeu vidéo. Il y a quelques aides par-ci par-là, mais la plupart du temps destinées au serious game. La plus grosse difficulté est donc de convaincre des personnes qui n’ont strictement aucune idée de ce qu’on fait.

Malgré tout, fiers de votre sortie ? Il y a t’il quelques petites choses que vous auriez aimé faire différemment ou finalement et est-ce qu’OIO est-il réellement le jeu que vous rêviez de créer ? 🙂

Il y a toujours des tonnes de choses qu’on aurait aimé faire. Mais au final, on est assez contents du résultat final. C’est encore à l’état de concept et on a besoin de faire quelques tests, mais on aimerait bien patcher OIO pour régler quelques bugs et en profiter pour offrir un peu de contenu supplémentaire type petits niveaux bonus. Je ne peux pas encore être très précis sur la quantité / type de gameplay proposé, mais l’idée est là et on est motivé pour booster un peu le jeu.

Quelle sera l’actualité future d’Uncanny Games ?

On planche sur plusieurs choses, éventuellement quelques contrats un peu plus petits pour renflouer les caisses rapidement. Les ventes d’OIO dans les prochains mois seront également décisives pour la suite. Nous allons aussi participer à différents événements tels que la Game Connection, dans le but de trouver des investisseurs ou des personnes intéressées par notre travail.

Une « suite », un jeu dans le même univers… Est-ce envisageable ?

On y réfléchit déjà. À voir en fonction du succès d’OIO, mais il y a des tonnes et des tonnes d’idées pour un éventuel OIO2.

Que pensez-vous de cette furieuse montée en flèche du jeu indépendant ces temps-ci ? Qu’en penser pour le futur de l’industrie vidéoludique ?

Il y a de moins en moins d’éditeurs prêts à prendre des risques et ils préfèrent se reposer sur des licences et des genres bien connus du grand public. En parallèle, la distribution dématérialisée permet justement aux petits studios de ne plus passer par la case éditeur. Le jeu indé apporte de la fraicheur et de nouvelles idées. Si le public suit, je crois que le jeu indépendant va vraiment décoller.

Vous reconnaissez-vous dans tout cet esprit « Indie » souvent fédérateur et regroupant pas mal de talents de tout bord ?

Dur à dire, on s’intéresse aussi beaucoup aux grosses productions et les jeux indés restent souvent très underground. Avant toute chose on veut se faire plaisir et faire des jeux qui nous tiennent à cœur. On espère que le jeu indépendant va sortir du préjugé jeu indé = petit jeu un peu foireux. La technique évoluant, il est aujourd’hui possible de faire des jeux indé qui en jettent bien. À voir comment tout ça évoluera.

Justement, quels sont les jeux indépendants qui vous ont complètement fait craquer ces derniers temps ?

Un peu vieux, mais on a adoré Braid. Edge, simple mais efficace. Super Meat Boy, hardcore et excellent. Dota, un des meilleurs jeu multi. Insanely Twited Shadow Planet, magnifique. Machinarium pour l’ambiance qui s’en dégage. Un paquet d’autres, mais on va pas y passer la journée !

Que diriez vous aux joueurs pour finir de les convaincre de se procurer OIO ?

Si l’aspect plateforme vous effraie sur PC, rappelez-vous que le jeu peut également être joué avec une manette Xbox360 !

Un dernier mot ?

On note aussi que le jeu est déjà largement piraté, ce qui nous fait un peu flipper. Dommage que même les petites productions soient mises dans le même sac que les gros jeux, on croyait les pirates un peu plus sélectifs, mais il n’en est rien.

Merci à l’équipe pour sa disponibilité !

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