Interview – The Game Bakers (SQUIDS)

Ils sont jeunes, anciens d’Ubisoft et se sont lancés dans la création indépendante avec leur premier jeu : Squids. Couronné de succès, pour l’instant 1er du Top des achats AppStore, leur jeu à poulpes semble attirer le chaland. Une réponse méritée à une passion bien retranscrite. Emeric Thoa, l’un des deux piliers de The Game Bakers, revient sur cette création…

Bonjour à vous. Pour commencer, quelle est la petite histoire de création de The Game Bakers ?

Audrey et moi avons travaillé pendant plusieurs années chez Ubisoft, elle comme producer et moi comme game designer sur des gros AAA comme Tom Clancy EndWar, Splinter Cell ou Ghost Recon. L’année dernière nous avons décidé de nous lancer en tant que studio indépendant pour développer nos propres jeux. Dans la presse, on a tendance à dire qu’on est des « vétérans » du jeu vidéo… mais on est jeunes en réalité !

Quelle est la plus pure raison de votre départ du milieu des grosses productions, qui vous amène aujourd’hui à une création plus personnelle ?

D’abord il y a une raison d’opportunité. Avec le marché des plateformes mobiles et la distribution digitale en plein boom, c’est tentant de se lancer en indépendant. J’étais trop jeune lors de la bulle internet des années 98-2000, je ne voulais pas rater ça une deuxième fois ! Mais la vraie raison pour Audrey aussi bien que pour les autres membres de l’équipe et moi, c’est l’envie de faire nos propres jeux. C’est aussi très rafraichissant de pouvoir faire un jeu avec une équipe de 5-6 sur une période d’un an. Nos précédents jeux prenaient 4 ans à une équipe de 200 personnes. C’est bien, mais aujourd’hui j’ai plus de plaisir à travailler en petite équipe indépendante. 

Dans le milieu de l’indépendant, impossible de parler de vous sans penser à Swing Swing Submarine composé de deux créateurs venant eux aussi d’Ubisoft. Comment expliquez-vous un tel vivier de talent dans cette société ? (d’autres n’ont pas cette chance)

Je connais bien Swing Swing Submarine, car nous avons travaillé dans la même équipe avec William et Guillaume. Ils sont super, et nous sommes super, mais je pense que le talent n’est pas une exclusivité. Il y a énormément de talent. Partout, dans toutes les sociétés. Ce qui distingue Swing Swing ou The Game Bakers c’est sans doute le passage à l’action. J’ai eu l’occasion de donner quelques cours de design et j’ai toujours dit aux étudiants « vous voulez travailler dans le jeu vidéo ? faites des jeux. Le soir, le week-end, le midi. Faites des jeux de plateau avec du carton. Des jeux texte en HTML, des jeux en flash, des jeux de roles… Créer des jeux, faites les partager. La différence aujourd’hui ne se fait pas sur le CV mais sur le portfolio, sur le concret. ». L’expérience Ubisoft nous a aidé énormément, mais notre plus grande force est sans doute d’avoir su quitter la compagnie, plutôt que le simple talent.

Parlons de Squids, votre premier jeu. L’aspect « dessin animé du dimanche matin » est-il volontaire, du point de vue des personnages, de l’univers ? On retrouve un peu le génie des quelques créations Disney des années 90 (Duck Tales, Mystermask… Eux aussi dessinés par des Français, par ailleurs !)

(Rire) Je ne sais pas si c’est un compliment, mais étant un grand fan de dessin animés du dimanche matin, je vais le prendre comme ça ! Faire un jeu en 2D avec un traitement frais et coloré était une volonté dès le début. La qualité finale, digne d’un Disney ;-), est le résultat du travail de notre directeur artistique Jérôme Renéaume, qui pour le coup ne manque pas de talent ! Je trouve qu’aujourd’hui, sur mobile, d’un point de vue technique comme d’un point de « cible », les jeux et les joueurs sont mieux avec de la 2D. Mais c’est en train de changer. 

Votre première plateforme ciblée est l’iOS. Qu’est-ce qui vous a le plus attiré sur cette plateforme ?

Presque tout est attirant sur iOS aujourd’hui. Il y a une grosse base installée d’iPhone et d’iPod, qui s’étend de jours en jours, les capacités sont énormes et surtout le controle tactile est un excellent moyen de toucher un grand nombre de joueurs. Une des envies que l’on avait était de renouer avec des gens qui jouaient quand ils avaient 16 ans mais qui ont arrêté de jouer aux jeu vidéo avec l’entrée dans la vie active, ou la fac. Ces gens aujourd’hui ont des iPhone et se remettent à jouer. Nous avions envie de leur dire « tu as aimé Angry Birds mais après 200 niveaux tu trouves que c’est toujours un peu la même chose ? Regarde SQUIDS, comme ça sent bon le jeu de ton enfance. ». SQUIDS est un peu comme cette super marque de cookies avec les grosses pépites de chocolat. C’est un produit moderne avec le beau packaging en supermarché, mais ça a le même goût que les cookie de mamie.

Un jeu assez long, plutôt bien fourni artistiquement, vendu à 0,79 € sur l’AppStore… C’est réellement rentable ?

A court terme, probablement pas. Mais nous avons des objectifs bien plus ambitieux que gagner quelques euros sur l’appstore (rire démoniaque). Nous aimerions que SQUIDS devienne plus qu’un jeu. L’univers est riche, les personnages attachants… pourquoi pas une BD, un dessin-animé, ou des jouets pour le bain ? Une grosse bouée poulpe pour la plage… 

Quelles sont les plateformes que vous visez désormais ? Pensez-vous déjà à conquérir Steam, le Xbox Live Arcade et autres milieux plus rentables encore ?

Nous sommes déjà en train de travailler sur les versions Android, PC, Mac. Et nous discutons avec des éditeurs pour les versions XBLA et PSN, mais rien n’est sûr pour l’instant, comme pour Nintendo. La rentabilité n’est pas dans notre ligne de mire, mais l’envie d’être présent sur toutes les plateformes et toucher le plus de joueurs possible est notre premier objectif. C’est ce qui se transformera en rentabilité et nous permettra de continuer à faire vivre The Game Bakers.

Attention, longue question : Avez vous choisi de développer un moteur en 2D par « facilité » ou via une envie personnelle de démonter n’importe quel jeu 3D sur l’AppStore avec votre niveau à dos de tortue qui, une fois « dézoomé », fait décrocher la mâchoire des amoureux de belles animations ?

En réalité, la 2D n’est pas plus simple à produire que la 3D. C’est plutôt l’inverse. La 3D a énormément d’avantages, c’est pour ça que la plupart des gens l’utilisent. Le choix de la 2D a été fait par envie personnelle mais surtout parce que la 3D n’est pas satisfaisante sur mobile, ou en tous cas ne l’était pas il y a un an. Dur de citer 10 beaux jeux en 3D sur iPhone, une fois qu’on a parlé d’Infinity Blade. Il y a des jeux qui font de la technique, mais en terme de direction artistique, la 3D a encore du mal à se démarquer. Mais ça va venir.

Plus sérieusement, la 2D a t’elle de beaux jours devant elle, selon vous ?

Sans aucun doute. La 2D ne va jamais disparaitre. C’est comme les dessins animés et les films d’animation « 3D ». Les méthodes de production changent, mais l’esthétique sera toujours présente. Mais jusqu’ici, la 2D était quasi-dominante sur iPhone, avec beaucoup de jeu au rendu un peu « flash ». Je pense que ça va changer cette année et que la 3D va reprendre le pas. Mais la 2D ne va pas disparaitre.

Pouvez-vous nous parler des musiques, sublimes et de son compositeur, surement génial ? A mon sens, l’utilisation de différents sons marins (dauphin, baleine) dans ces compositions donne réellement du charme au tout. Un pur délice.

C’est vrai que c’est encore quelqu’un qui a beaucoup de talent ! Quand nous avons intégré les musiques dans le jeu pour la première fois, ça a tout changé. Ce n’est pas pour rien qu’on parle d’habillage sonore, avant, le jeu était tout nu. Nous sommes particulièrement contents du résultat qui est parfaitement en ligne avec notre intention initiale, et Romain Gauthier, le compositeur, est quelqu’un d’adorable avec qui il est super agréable de travailler. Pour les amateurs, des extraits sont à l’écoute sur soundcloud.

Peut-on espérer voir sortir une petite OST sur la toile ?

Oui, nous allons sortir l’OST sur iTunes dès que possible.

La conclusion du jeu est abominable, amenant très joliment sur un artwork et une musique nous faisant croire au meilleur et ne nous laissant finalement qu’une dernière ultime question de la plus haute importance à vous poser : À quand la suite des aventures de mon petit préféré Sammo et de ses amis ?

Nous travaillons actuellement d’arrache pied sur une version iPad universelle accompagnée… roulements de tambour… d’un mode multijoueur ! Nous avons aussi des nouveaux personnages, casques et niveaux dans les tuyaux pour des updates en attendant la suite des aventures de Steev, Clint, Sammo et Vahine, pour l’année prochaine sans doute. 

Et qu’en est-il des aventures à venir de The Game Bakers ?

J’aimerais répondre « un mois de farniente aux maldives pour toute l’équipe », mais c’est trop risqué, ces îles vont bientôt disparaitre sous l’eau et je laisse cette partie du monde à nos Squids. Nous avons bien l’intention de soutenir SQUIDS de toutes nos forces avec les updates, les versions et de nouveaux jeux dans cette univers, et nous réfléchissons tranquillement en parallèle à de nouveaux projets, si le succès de SQUIDS nous permet de continuer.

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