Interview – Jérémie F. Bellanger (Meruvia)

L’homme derrière Meruvia n’est pas un débutant. Après plusieurs projets menés à leur terme, il a créé Aron premier du nom sur PC et Xbox Live Indie Games. Depuis, il voudrait bien trouver deux-trois financements pour sa suite (et vous pouvez l’aider). En attendant que toutes ces belles choses se fassent, nous lui avons posé quelques questions…

Commençons très simplement : par une petite présentation. Qui es-tu, quel est ton « cursus » et surtout, comment en es-tu venu à créer du jeu de façon indépendante ?

Bonjour. Alors, pour commencer, je m’appelle Jérémie F. Bellanger. Et pour les curieux, j’ai un Bac S suivi par un double cursus en linguistique-germanistique et en FLE (Français Langue Etrangère) niveau Master 2. Cela dit, je ne pense pas que cela puisse servir à grand-chose pour expliquer ma passion pour le jeu vidéo 😉 . En effet, j’ai toujours adoré les jeux vidéo, et ce n’est pas d’hier que j’ai commencé à créer mes propres jeux.

Meruvia, ça vient d’où exactement ?

Le nom du studio est en fait le nom du pays où se déroule l’action de mes jeux (Wiwi et Aron), c’est un pays imaginaire que j’ai inventé il y a déjà bien longtemps, quand j’écrivais encore des livres (j’ai commencé par écrire plusieurs livres avant de me lancer dans la création de jeux vidéo…)

On ne peut pas dire que tu débutes à proprement parler. Tu as déjà quelques jeux à ton actif. Peux-tu nous parler des Wiwi’s Adventures et de ce que ces projets ont apporté à la série des Aron ?

En effet, j’ai commencé à programmer mes premiers jeux, il y a 15 ans sur calculatrice graphique HP-48, en assembleur et RPL (langage HP). On peut d’ailleurs toujours les télécharger sur le site de Meruvia, mais ils ont bien vieilli ! Il faut s’imaginer qu’à l’époque, la version de base de la calculatrice n’avait que 32ko de mémoire !
J’ai recommencé à créer des jeux PC en tant qu’indépendant, il y a 2 ans et demi, bientôt 3, et depuis j’enchaîne les projets : il y a eu Roswyn & The Dragons, un Action-RPG qui n’est plus disponible, à cause de quelques soucis de collision (mais il proposait quand même 6-8h de jeu avec ses 999 niveaux 😉 ), la série des Wiwi’s Adventures I et II et enfin la série des Aron I et II.
Globalement, Roswyn m’a permis de me remettre dans le bain de la programmation. Mais c’est à partir de Wiwi’s Adventures I que j’ai commencé le développement du Meruvia Engine, le moteur qui fait tourner Wiwi 1 et 2 et Aron 1 et 2. Bien entendu, entre chaque jeu, le moteur évolue et s’améliore énormément. Il en est actuellement à la version 4.0.
Sinon au niveau personnages et histoire, il y a aussi un lien entre Aron et Wiwi, puisque Wiwi fait aussi partie des aventures d’Aron. On trouve aussi quelques clins d’œil à Roswyn dans Aron 2, pour ceux qui ont pu y jouer, mais ce n’est pas essentiel pour l’histoire.

Aron justement. D’où te vient ce personnage plus que sympathique ?

J’ai longtemps galéré avant de trouver ce personnage et il a eu de très nombreuses formes, qui ne me plaisaient pas. Au départ, ce devait être un guerrier, mais c’était un peu trop classique. Je me suis ensuite lancé dans le lapin-ninja, mais le personnage ne me semblait pas assez charismatique. Il n’a pourtant pas complètement disparu, puisque c’est maintenant le vendeur dans Aron 2 ! 😉
C’est ensuite que j’ai dessiné un mélange de dragon et de tortue (le fameux Torgon) et le résultat m’a plu et a aussi enthousiasmé tous ceux à qui je l’ai montré. J’ai donc décidé de le garder.

Le premier jeu s’est-il bien vendu sur Xbox Live Indie Games, finalement ? Es-tu content de cette plateforme ?

Le jeu ne s’est pas trop mal vendu tant qu’il était en tête de liste parmi les nouveautés, mais depuis, il s’en vend une quinzaine par mois, surtout aux USA et en Angleterre. Il y a très peu de ventes en France. Les français semblent encore bien attachés aux jeux en version boîte.
C’est le problème général de ce genre de plateforme, où les jeux se retrouvent bien souvent enterrés sous des tas de jeux plus ou moins réussis. Un autre problème du premier épisode d’Aron est que la version démo ne montre que le début du jeu, c’est-à-dire le moins intéressant puisque le personnage évolue par la suite pour devenir de plus en plus fort. Or, comme les gens testent le jeu sur ses 8 premières minutes, ils ne voient qu’un jeu de plateformes classique avec un personnage un peu « lourd », puisqu’il n’a pas encore de super saut ni de double saut. Ils ne savent pas trop à quoi s’attendre et passent alors à autre chose.
J’ai corrigé le tir pour Aron 2, puisqu’il faut nécessairement que ces 8 premières minutes de jeu soient excellentes et montrent ce que le jeu a à offrir. Aron 2 permet donc, dès le début, de visiter un village, de parler aux villageois et au vendeur, d’explorer le début des 5 grandes zones du jeu et même de conduire une moto et une voiture. Le personnage, lui-même, commence directement avec le double saut et la capacité de lancer des boules de feu et il rencontre rapidement Wiwi, pour que le joueur puisse tester les deux personnages.
Il reste bien entendu beaucoup de nouveautés de gameplay et d’évolutions à découvrir, mais le joueur en a déjà un bon aperçu.

As-tu déjà proposé certains de tes projets sur quelques portails du genre Desura, Steam, GamersGate, etc. ? Quelle fut leur réponse ?

J’ai déjà proposé Wiwi’s Adventures II et Aron’s Journey in Dreamland sur Steam, mais il faut que le jeu soit très connu et ait obtenu de dizaines de tests (positifs de préférence) sur de gros sites américains pour avoir une chance d’être sélectionné. Ce n’était malheureusement pas le cas, puisque j’avais un peu négligé le côté communication. C’est un point très important pour pouvoir faire connaître son jeu mais cela prend aussi énormément de temps et c’est ce qui pose généralement le plus problème aux développeurs indépendants. Pour bien faire, il faut choisir, ou créer des jeux, ou faire de la communication, mais c’est difficile de faire les deux en même temps, surtout quand on est seul comme moi (et qu’on travaille aussi à côté 😉 ).

On se doute bien qu’une telle indépendance n’est pas rentable de suite. Comment fais-tu pour financer tes projets, globalement ?

Comme je viens de le dire, j’ai un travail à côté, qui me permet de financer mes jeux. Pour l’instant, je n’ai pas touché un seul centime, quand bien même j’ai vendu près de 500 jeux (mais j’espère que ça va venir), et j’ai dû investir au moins 3000 euros en tout (achat du matériel informatique / Xbox, serveurs pour les sites web, licence Microsoft, achat de logiciels en version pro, etc.).
En effet, sur le Xbox Live Indie Games, on n’est payé qu’à partir du moment où l’on atteint 150$ de ventes et qu’on a bien rempli toutes les démarches administratives auprès du Trésor américain avec les formulaires W7 et W8 (pour les impôts), et il faut bien dire que c’est assez déroutant et compliqué quand on n’est pas américain… Et je ne suis pas le seul à avoir eu du mal avec ça ! 😛

Parlons d’ailleurs de ton « KissKissBankBank ». Pourquoi avoir finalement craqué et suivi l’exemple d’autres indépendants en faisant dans la recherche de financement auprès des joueurs ?

Tout simplement, parce que plus les projets du studio deviennent ambitieux, plus les frais augmentent et je ne pourrais pas continuer à investir comme ça infiniment, sans au moins rentrer un petit peu dans mes frais. Si j’en avais les moyens, j’embaucherais du monde pour créer de jeux encore plus impressionnants ! Mais pour l’instant, ce n’est pas possible et je remercie d’ailleurs Joshua Hatch qui a bien voulu composer d’excellentes musiques pour Aron 2 de façon bénévole.

Selon toi, est-ce autant « l’avenir » comme semblent nous l’affirmer certains « grands » talents du jeu vidéo ?

C’est peut-être l’avenir pour les jeux à licence déjà connus dont la seule évocation du nom suffit à faire tressaillir les foules mais, à mon avis, pour les nouveaux développeurs inconnus, le pari est aussi compliqué (voire plus) que convaincre un éditeur, puisqu’il faut là convaincre plusieurs centaines (milliers ?) de personnes… Cela dit, c’est une manière alternative de financer certains projets de niche qui ont leur public mais ne seraient pas assez rentables pour un éditeur lambda.

Parlons d’Aron 2 : Mysterious Troubles, ton prochain jeu. Il se veut plus complet, plus réussi encore que le premier épisode. À quoi devons-nous nous attendre exactement ?

Ce sera la suite directe du premier opus. On reprendra donc exactement là, où on a laissé Aron à la fin du premier jeu (je ne précise pas pour ne pas spoiler la fin du 1 😉 ). On en apprendra plus sur son histoire et le scénario alambiqué du 1er épisode s’expliquera de lui-même. Sinon, au niveau du gameplay, le jeu proposera toujours un monde ouvert, mais 2 fois plus grands avec des zones plus variées (paysages enneigés, marais brumeux, villes et châteaux, cavernes, donjons, forêts, et même une station orbitale !). Il faudra aussi environ 3 à 4 fois plus de temps pour finir le jeu, que pour le premier épisode.
Aron et Wiwi seront toujours jouables, et on pourra aussi diriger Arwell. Chaque personnage pourra acheter de l’équipement (potions, cœurs supplémentaires, épée, épée de feu, casque, etc…) et aura une maniabilité particulière. Sinon, j’ai supprimé l’inertie des personnages qu’on m’avait demandée après Wiwi 2 pour me la reprocher après Aron 1 😉 . 4 véhicules pourront aussi être conduits : une voiture, une moto, un bateau et une fusée, transformant parfois le jeu en shoot them up.

Pourquoi avoir craqué pour des véhicules, était-ce déjà une idée pour le premier épisode ou cela fait-il suite à une réelle envie de bousculer un peu le gameplay ?

En fait, je déteste les jeux qui ne renouvellent pas leur gameplay et finissent par devenir lassants. C’est pour ça, que j’essaye d’introduire très fréquemment une petite nouveauté qui va venir relancer l’intérêt. Cela peut-être un nouvel équipement à acquérir pour continuer l’aventure, un nouveau véhicule à conduire ou un piège machiavélique 😉  !
Pour les véhicules, l’idée n’est pas complètement nouvelle puisqu’Aron 1 se termine sur une course en wagon de mine, à toute allure. J’ai juste voulu recommencer l’expérience dans Aron 2, mais avec des véhicules plus variés. Je voulais aussi qu’on puisse rentrer et sortir de ces véhicules comme on le souhaite, pour vraiment avoir le contrôle et pas simplement lancer une séquence « véhicule » sans lien avec le reste du jeu comme dans beaucoup de jeux de plateformes classiques.

Y aura-t-il de nouveaux personnages à découvrir ?

Oui, comme je l’ai déjà dit, Arwell sera jouable cette fois-ci. Avec ses sauts très lunaires, elle pourra être très utile pendant les phases de plateformes pures. Cependant, elle paye son agilité par un certain handicap au niveau du combat puisqu’elle ne crache pas de boules de feu comme Aron. Il faudra donc switcher intelligemment entre les personnages pour se sortir de toutes les situations délicates ! 😉
Sinon, de très nombreux PNJs (Personnages non-joueurs) font aussi leur apparition un peu partout et offriront leur aide aux héros (ou raconteront simplement leur vie). En tout, la version finale du jeu devrait contenir à peu près 175 fichiers de dialogues soit entre le double et le triple du premier !

Une version Preview d’environ 45 minutes est déjà disponible sur ton site officiel. Pourquoi une telle proposition de qualité envers les joueurs ?

J’ai toujours proposé une démo de mes jeux aux joueurs. Mon but a toujours été, avant tout, qu’on joue à mes jeux. Wiwi’s Adventures 1 et 2 sont d’ailleurs disponibles en entier et gratuitement sur PC !
Les 50 premiers membres du site à s’être inscrits ont même pu télécharger la démo bêta fermée d’Aron 2 qui se met à jour automatiquement à chaque avancée du projet. Eux profitent du jeu complet en avant-première et en échange ils m’offrent de précieuses informations pour améliorer et débuguer le jeu. C’est un échange avec les joueurs que je trouve très intéressant sinon primordial, et qui peut se faire dans le cadre du jeu indépendant.

Pour quand Aron 2 est-il prévu, si tout se passe bien ?

Aron 2 devrait normalement d’abord sortir sur Xbox 360 courant mai-juin 2012. En fait, le jeu est quasiment terminé, mais il reste la longue étape de débogage PC/Xbox 360, qui implique de finir le jeu plusieurs fois en essayant de le faire planter au maximum (ce qui ne doit jamais arriver au joueur, en principe – donc il faut s’en assurer avant 😉 ). Microsoft impose d’ailleurs toute une série de tests auxquels le jeu doit survivre (comme arracher un Memory Unit pendant que le jeu sauvegarde dessus par exemple 😛 ). Ensuite, il faut passer l’étape du peer review sur le site de Microsoft, où les développeurs testent les jeux les uns des autres pour s’assurer que tout fonctionne conformément à une liste précise. Une fois le jeu validé, il est publié sur le Xbox Live Indie Games ! Mais cela prend au minimum un bon mois.
Maintenant, la version PC devrait suivre avec un peu de retard, et elle dépendra principalement du résultat de la collecte de fonds. Si le jeu trouve son public, la version PC devrait être localisée en français, offrir plus d’options, et contenir une deuxième quête supplémentaire, plus hardcore, avec de nouvelles zones à visiter, la suite de l’histoire, de nouveaux items, etc…
Si la collecte de fonds échoue, il n’y aura peut-être pas de version PC, ou alors un simple portage Xbox 360 avec les options nécessaires au PC (mappage des touches, plein écran, qualité des graphismes pour les petites configs, etc…)

En tous les cas, je te souhaite une bonne fin de développement, une très bonne continuation et une belle réussite pour ta recherche de financement ! Un petit mot pour nos visiteurs ?

Merci à toi pour cette interview, à laquelle j’ai répondu avec un réel plaisir. J’espère avoir les fonds suffisants pour continuer à créer des jeux, car c’est ce que j’adore faire. Et je voudrais inviter tous les visiteurs que cela intéresse à se rendre sur www.meruvia.fr, à s’inscrire sur le site et à venir discuter ou échanger avec moi sur les forums. C’est toujours un véritable plaisir de connaître de nouveaux membres et d’avoir leur point de vue. A bientôt !

0 réflexion au sujet de « Interview – Jérémie F. Bellanger (Meruvia) »

Laisser un commentaire