Interview – L'équipe de Dissolving Trails (Hits Playtime)

L’Institut de Création et d’Animation Numériques est encore à l’honneur aujourd’hui grâce à trois jeunes étudiants de cette école concourants eux aussi pour les Hits Playtime. Dissolving Trails est d’ors et déjà disponible en prototype sur le blog officiel et on ne peut que vous conseiller la lecture de cette interview à la bonne odeur de passion et de détermination…

Bonjour. Tout d’abord, pouvez-vous présenter l’équipe de développement ?

Nous avons tous participé au game design, étant tous les trois dans la même école (ICAN) en section game design, il nous semblait important de ne pas attitrer un membre du groupe à cette tâche.
Arnaud : Je me suis occupé de coordonner le projet et de la direction artistique.
Vincent : Je me suis chargé de formaliser le concept à l’écrit et j’ai assumé des tâches de conception/exécution graphique.
Romain : La programmation de notre système de jeu fut ma tâche principale.

Quel est le parcours de chacun et comment en êtes-vous venus à vouloir créer du jeu vidéo ?

Arnaud : Ayant eu ma première console pour le Noël de mes quatre ans et n’ayant jamais décroché depuis, on peut effectivement affirmer que le jeu vidéo tient une place importante dans ma vie. Ce n’est pourtant que très tardivement que j’ai réalisé que le jeu vidéo pouvait être un choix de carrière. (Système éducatif français oblige)
C’est donc après un BTS dans le management avorté que je me suis réorienté vers une année de prépa-art qui m’a finalement amené à rencontrer M. Amato, ancien directeur de l’ICAN, et de postuler dans cette école.
Vincent : J’ai un parcours pour le moins atypique. J’ai fait les prépas Maths Sup/Maths Spé puis un peu d’architecture ; je suis parti m’installer à Toronto, vivant de petits boulots, puis à mon retour en France, j’ai bossé un an le temps de me refaire une santé avant de reprendre mes études, à l’ICAN. Concernant mon choix d’orientation final, il est en somme le fruit de tout ce qui précède. J’ai pu véritablement choisir de manière « éclairée » une filière riche et dynamique dans un domaine en évolution permanente. Travailler sur des objets culturels aussi multiples et complexes que les jeux vidéo est pour moi un réel bonheur.
Romain : J’ai toujours adoré le principe des coulisses, le fait de ne montrer qu’une partie au public et de cacher les ficelles qui sont tirées derrière afin de produire ce petit effet magique. Je me suis orienté vers l’électrotechnique, mais c’est en découvrant la programmation pendant mon BTS où j’ai vraiment accroché : des lignes de commandes qui forment un programme, un jeu… Mais il manquait le jeu dans la formation. Voilà pourquoi j’ai atterri à l’ICAN.

Un petit mot sur votre école : quels sont ses points forts et les qualités requises pour s’y insérer le plus facilement possible ?

Arnaud : Je pense que c’est école offre réellement une des meilleures formations à l’heure actuelle des métiers du jeu vidéo tels que le game design, le level design… J’apprécie particulièrement la qualité du corps enseignant. En gros je ne regrette vraiment pas mon choix.
Pour s’y insérer le plus facilement possible il faut déjà avoir la passion du jeu vidéo et la culture qui va avec. Il ne faut surtout pas attendre d’éventuellement intégrer l’école pour commencer à monter des projets de son côté. C’est le véritable atout d’un postulant : venir avec des projets, montrer sa détermination.
Romain : Le corps enseignant est d’excellente qualité (avec ses irrégularités, personne n’est parfait), les locaux sont plutôt bien positionnés et le matériel est là (nous sommes là pour créer des jeux vidéo, il faut du matériel). La formation est très bien décomposée et développe tous les aspects associés au jeu vidéo (matières théoriques, techniques, marketing, contraintes associées à la production / réalisation, etc.).
Pour pouvoir pleinement profiter de cette formation, il faut être conscient qu’elle vous forme au métier de game design et vous devrez donc sortir avec deux compétences : inventer des concepts ergonomiques et écrire des documents afin de communiquer votre idée, votre volonté, à l’équipe technique qui va la réaliser. Mais avant d’avoir cette équipe technique, vous allez devoir accomplir vous-même toutes les étapes de création d’un jeu. Ces étapes peuvent aller de la programmation à la modélisation d’objets en 3D, leur animation, leur intégration, créer une bande-son originale, des bruitages, des interfaces de jeu, des textures d’objets ou encore de programmer entièrement le système de votre jeu.
Vincent : Au risque de répéter ce que mes compères ont déjà cité, je me dois de saluer encore la qualité du corps professoral de l’ICAN. Nous avons la chance de bénéficier d’une formation d’une qualité exceptionnelle grâce à eux et ils font tous montre d’un réel désir, et plaisir, de transmettre leur savoir tout en restant très disponibles. Bien sûr il y a parfois quelques accrocs administratifs puisque rien ne peut être parfait, mais dès ma première année je me suis dit « j’ai vraiment choisi la bonne école ». Après je pense que pour s’intégrer il faut avoir conscience du fait que le jeu vidéo est un domaine très exigeant qui n’est clairement pas fait pour les fumistes. Il faut être motivé et prêt à bosser sérieusement ce qui, honnêtement, n’est pas difficile lorsqu’on porte nos projets perso à maturité. Je terminerai par trois qualités qui me semblent importantes pour mettre pleinement à profit ce que l’ICAN nous apporte : ouverture d’esprit, curiosité et sens des responsabilités.

Être étudiant dans le monde du jeu vidéo, c’est aussi idyllique qu’on le pense ?

Arnaud : Pour répondre à cette question récurrente, j’ai une anecdote.
Pendant une période de rush intensive Vincent, Romain et moi enchainions les nuits courtes voir blanches et il m’arrivait de râler. À la fin de la dernière nuit blanche, je suis sorti pour m’acheter de quoi déjeuner et c’est alors qu’en surprenant une conversation d’étudiants parlant de leurs partiels je me suis souvenu de la chance que j’avais de pouvoir consacrer tout mon temps à ma passion. C’est une véritable chance d’étudier dans ce monde même si ce n’est pas rose tous les jours.
Vincent : Alors, comme je le disais, c’est beaucoup de boulot et de sérieux. Mais… toute cette énergie étant mobilisée à la réalisation de projets qui nous tiennent à cœur, on le fait presque volontiers. En tant qu’étudiant il nous arrive très (trop) souvent de faire des nuits très très courtes (en particulier quand on a tendance, comme moi, à apprécier le calme de la nuit pour travailler plus efficacement) ou de passer des vacances entières, 10h par jour, à bosser sur un jeu… Au final, le résultat est si gratifiant qu’on s’en accommode très bien 😀
Romain : On nous forme pour un métier. Nous ne sommes pas là pour jouer au jeu vidéo. A chaque étape nous avons de nouveaux problèmes qui viennent s’ajouter à la liste. Les compétences de notre équipe nous offrent autant de liberté de création comme elles nous limitent dans la réalisation. Une communication fluide entre les membres est la clef, mais ne s’obtient pas facilement. Mais Bon Dieu… on fait des jeux vidéo !

Parlez-nous de Dissolving Trails. Quel en est le concept ?

Arnaud : Dissolving Trails c’est un shoot them up à scrolling vertical un peu particulier, à vrai dire c’est l’enfant illégitime du manic et du rail shooter.
Son action prend place dans un univers coloré avec pour pitch :
« Le jeu est sensé se dérouler dans un non-lieu, entre rêve et cauchemar. Comme un voyage dans un esprit vagabondant au gré de pensées plus ou moins obscures, le joueur progresse au sein de ces idées mises en images et sons et tente de raison garder en ne se laissant pas piéger dans cette virtualité. »
Au travers de ce concept nous voulions proposer une autre interprétation des manic shooters à la CAVE (DoDonPachi, Espgaluda…) et tenter de prouver que le genre pouvait se renouveler.
Vincent : je pense que la réponse d’Arnaud se suffit à elle-même et si ça ne vous suffit pas je vous invite à y jouer, tout simplement ! C’est sur le blog que ça se passe 😉
Romain : Tout pareil (lol).

Quels outils et quel moteur de jeu utilisez-vous pour votre projet ?

Arnaud : Pour les graphismes, nous avons longuement hésité entre du vectoriel et du bitmap pour finalement opter pour le premier. Nous avons réalisé les assets graphiques sous Illustrator.
Vincent : On utilise aussi du papier, des crayons… c’est dans les vieux pots…
Romain : Le jeu est programmé en ActionScript 3, le langage de script proposé par Adobe pour Flash. J’utilise en plus la bibliothèque Flixel qui est une couche supplémentaire afin d’optimiser notre projet.

Quelles sont vos inspirations principales, qu’elles soient vidéoludiques ou non ?

Arnaud : Pour ce qui est des inspirations, nous avons voulu les chercher ailleurs que dans le secteur du jeu vidéo pour essayer de proposer quelque chose de différent.
Vincent : Les inspirations sont très variées sur ce projet. Nous avons été inspirés par des dessinateurs tels que Jean Giraud a.k.a. Moebius ou Hayao Miyasaki, mais aussi par des artistes modernes et contemporains tels que Giorgio de Chirico, Theo van Doesburg, les frères Chapman ou Nathalie Djurberg. Il est important de savoir se nourrir de tout ce que la Culture a à nous offrir. C’est la source de tant de découvertes, de plaisirs et d’émotions et il est tout naturel que des créateurs de jeux s’en inspirent.
Romain : Nous avons cherché à mélanger la contrainte liée au déplacement (notion assez angoissante) et l’équilibre entre la puissance de notre avatar et le nombre d’ennemis à l’écran : plus il y a d’ennemis, plus le joueur est en danger, mais ses armes sont bien plus dévastatrices.

Quel est le plus grand défi à surmonter lorsqu’on se lance dans la création de jeu vidéo, en totale indépendance ?

Arnaud : Un des plus grands défis lorsqu’on se lance dans la création de jeu vidéo réside dans l’organisation et la façon dont les différentes spécialités (level designers, codeurs, graphistes…) vont réussir à s’organiser pour disposer des bons éléments aux bons moments. Par exemple, il nous est arrivé de perdre beaucoup de temps à attendre qu’un élément soit intégré pour pouvoir continuer à avancer. La réalisation d’un planning détaillé avant de commencer la phase de production s’est avéré indispensable (ce qui nous a manqué sur les premiers projets). Il permet d’anticiper les problèmes. Il n’empêche que dans le jeu vidéo ne pensez pas terminer un projet sans encombre.
Romain : Les contraintes et les capacités de l’équipe. Que peut-on réaliser ? En combien de temps ? Quelles technologies sont maitrisées ? Qu’essayons-nous de proposer aux joueurs ? Savoir répondre à ces questions et réussir à atteindre l’objectif premier (l’expérience voulue) est le plus grand défi.
Vincent : Jongler avec nos savoir-faire propres lorsque des tâches, pour lesquelles nous ne disposons d’aucune expérience personnelle, doivent être accomplies s’avère plutôt compliqué. Après j’ajouterai au rang des difficultés le fait de toujours courir après la montre quand on ne maîtrise pas encore la gestion de production ou que des impératifs extérieurs viennent perturber un planning établi en amont ! Et puis sinon, Arnaud et Romain ont bien couvert la question.

Quelle est l’originalité première, l’élément de votre jeu qui vous semble être assez important pour faire toute la différence face à la rude concurrence ?

Arnaud : Notre jeu se résume à deux éléments : la gestion de flux et la création de réactions en chaine. Ces deux éléments ont toujours été à la base du projet et je suis assez fier de constater que le cap a été conservé. Je pense que cela suffit à rendre notre jeu intéressant. Je suis particulièrement heureux du système de scoring complexe qui donne une grande rejouabilité et qui pousse à la compétition. C’est d’ailleurs amusant de constater que c’est la première chose que les gens m’annoncent quand je leur demande des retours.

Comment abordez-vous ce concours : plutôt sereinement, comme un sympathique challenge, ou il y a t’il une véritable pression derrière toute la bonne humeur que vous communiquez sur votre blog ?

Arnaud : Nous abordons le concours comme une vraie chance de comparer notre jeu aux réalisations d’étudiants d’autres écoles et ainsi de progresser. Le challenge supplémentaire étant que nous avons un autre jeu à développer exactement au même moment et à présenter face à un jury. Ce qui nous fait un total de deux jeux en six mois pour trois personnes. La tâche était difficile, mais rendait le challenge encore plus attirant. J’en profite pour glisser ici un lien vers le trailer vidéo de notre autre réalisation parallèle. Il en restera le plaisir qu’est de tenir un dev’blog sur le monde.fr et de s’ouvrir à un public varié.
Vincent : Il était important pour nous de mettre à profit ce cadre de concours pour finaliser et sérieusement améliorer notre projet et son prototype jouable. L’idée directrice était d’aboutir à un résultat adapté au public du concours et qui délivre une expérience de jeu aussi fidèle que possible à ce que nous avions en tête. Nous sommes très content du résultat obtenu même si nous déplorons au final le fait que peu de gens semblent lire les articles de blog et s’intéresser véritablement aux jeux présentés.
Romain : Le concours est très intéressant malgré la première phase de « sélection » aux « J’aime » sur Facebook qui ne reflète en rien les qualités des créateurs ou de leur création. C’est une mise en scène qui m’a appris que la communication et les capacités à répandre une nouvelle peuvent être capitales pour la survie d’un projet qui en vaut la peine.

Êtes-vous content de la mise en avant des Hits Playtime par les différents médias (spécialisés ou non) ou pensez-vous qu’il y a encore de gros progrès à faire de ce point de vue ?

Arnaud : Je pense qu’il y a toujours des progrès à faire, mais nous sommes déjà si heureux d’avoir intégré la deuxième promotion des Hits Playtime et de pouvoir promouvoir la création étudiante dans les différents médias.
Vincent : Je pense que ce concours est une magnifique initiative. Il est certes très jeune, mais il est bon de donner de la visibilité à ce secteur en France afin de démocratiser le jeu vidéo et de mettre en lumière tout le potentiel de ces objets culturels interactifs. Même si on ne peut que déplorer le fait que ce concours reste pour le moment très peu visible pour les personnes extérieures au secteur, cela reste une main tendue et, à cet égard, on ne peut que féliciter LeMonde.fr
Romain : Bof.

Soufflons un peu : quels sont vos “jeux de chevet” aujourd’hui ?

Arnaud : En ce moment je joue principalement à des jeux de combats 2D (Street Fighter 4 et Skullgirls principalement) j’ai aussi particulièrement apprécié Catherine, jeu que j’ai trouvé très rafraîchissant. Bien entendu je passe aussi pas mal de mon temps libre avec mes compères sur Diablo III.
Vincent : Ah ce n’est pas très original, mais je passe souvent mon temps libre sur Diablo III. Autrement je joue à l’excellent Chrono Trigger sur ma Nintendo DS. Et puis je me plais aussi beaucoup sur I Am Alive et Minecraft.
Romain : Tribes Ascend et Diablo III mais j’aime bien faire des pauses en allant sur Brogue ou encore Dwarf Fortress.

Et vos jeux cultes ?

Arnaud : ayant passé beaucoup de ma jeunesse dans une salle d’arcade qui a malheureusement fermé depuis, remplacée par une supérette… Je suis un grand fan de jeux de combats, de shoot them up et autres House of the Dead… Comment parler de jeu culte sans évoquer Sonic The Hedgehog 2 que j’ai eu avec ma première console.
Vincent : C’est une liste très personnelle évidemment mais je garde un souvenir impérissable du premier Prince of Persia que j’ai découvert très jeune (j’avais 5 ans !). Je me dois aussi de citer Ico qui est une vraie merveille et Half Life 2 sur lequel je m’éclate toujours autant depuis 2004. Il y a d’autres jeux cultes à mes yeux, mais je me limite ici à trois (et puis comme ça j’évite la redondance) !
Romain : Metroid Fusion, Portal, Braid.

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