Eador : Masters of the Broken World

Les jeux de stratégie au tour par tour ne sont pas légions par les temps qui courent. Aussi, la sortie de Eador : Masters of the Broken World était-elle attendue avec une certaine impatience. Le jeu développé par le studio russe Snowbird Games, à mi-chemin entre un Heroes of Might and Magic et un 4X (Civilization), a effectivement de quoi allécher le joueur…

Avertissement préalable

Avant d’entrer dans le vif du sujet, il convient de clarifier une chose. Si vous possédez déjà Eador : Genesis (du même studio, sorti en 2009), sachez que ce Masters of the Broken World n’en est qu’un remake. Il s’agit principalement d’une grosse mise à jour graphique, faisant entrer le jeu dans l’ère graphique moderne : Genesis était en 2D datée et dépourvu d’animations, Masters of the Broken World arrange tout ça. Côté gameplay, rien de neuf… si ce n’est l’arrivée (heureuse) des sauvegardes libres, curieusement absentes dans Genesis. Une mise à jour sympathique, donc, mais il ne faut pas oublier que Masters of the Broken World coûte quatre fois plus cher que son aîné. Vous voilà prévenus.

L’importance de l’argent

Le premier contact avec le jeu est délicat. Le monde se divise en nombreuses régions, qui sont autant de provinces à conquérir. Mais justement, ces conquêtes ne sont pas simples : il faut lever une armée, recruter des unités, équiper le héros qui les mènera, se jeter sur la région désirée… et espérer que l’on sera à la hauteur. On tombe rapidement sur plus fort que soi, et la retraite s’impose souvent comme le seul choix sensé. Parce qu’une unité qui tombe au combat coûte de l’argent. Parce qu’un héros décédé coûte de l’argent également, pour être ressuscité. Sans parler du coût de l’équipement, de la réparation de cet équipement, du coût d’entretien des troupes, du coût de construction des bâtiments, du coût des ressources telles que le bois ou les chevaux… Tout a un prix dans Eador, et l’argent ne rentre pas facilement. Et lorsqu’on voit qu’un bâtiment augmentant d’une pièce d’or par tour nos revenus en coûte vingt-cinq, on se dit qu’on va mettre un sacré bout de temps à le rentabiliser, pour un gain négligeable…

On se démène pourtant, on trouve des batailles abordables, on combat, on conquiert, on avance tant bien que mal. Loin de notre base les affrontements se font plus difficiles et si l’on en sort vainqueur, notre armée s’en trouve diminuée, surtout qu’au départ, le nombre d’unités que peut mener un héros est très limité. Et il faut revenir à la base pour recruter à nouveau des troupes inexpérimentées. Car si les unités, tout comme les héros, gagnent en expérience et voient donc leurs caractéristiques augmenter (voire une capacité spéciale se débloquer), cela ne suffit pas à les rendre réellement puissantes. Le héros ne peut pas traverser plus d’une région à la fois, et on se retrouve alors empêtré dans des allers-retours longs et fastidieux… Bien sûr on pourrait, comme dans un Heroes of Might and Magic, utiliser un autre héros comme caravane de ravitaillement (même si une telle solution serait longue également). Mais pour chaque héros recruté, le prix du suivant augmente drastiquement. A tel point qu’il est hors de question d’en avoir plus de… deux (du moins en début de partie, et pendant un long moment ensuite). Vraiment, la guerre est fastidieuse et son coût prohibitif…

Persévérons

Mais il ne faut pas s’arrêter à ce premier contact, qui voit le joueur quelque peu noyé dans les innombrables options du jeu : bâtiments, exploration, unités magique, de corps à corps, à distance (trois caractéristiques d’attaques distinctes, et autant pour la défense), équipement, compétences, gestion des régions annexées… Les informations à digérer sont nombreuses, et si les premiers instants sont compliqués, et bien c’est peut-être simplement qu’on ne les utilise pas toutes à bon escient. Après tout, il s’agit d’un jeu de stratégie, agissons en stratèges.

Chaque région peut être explorée, et il est possible de trouver en son sein de nombreux lieux. Ces lieux permettent de se battre, pour obtenir des récompenses, qu’il s’agisse d’or ou d’équipement. C’est d’ailleurs la meilleure source de revenus possible, surtout en début de map. Et bien sûr, cela permet également de monter de niveau. Les régions sont d’autant plus essentielles que certaines permettent de récolter une ressource particulière (bois, métal, chevaux, etc…), qui permet de faire baisser les prix de certaines unités ou certains bâtiments (ou plutôt, si on ne les possède pas il faut passer par un taux de change en or très désavantageux). Gérer ces ressources, gérer ses revenus est absolument essentiel. Il n’est pas rare de souhaiter sacrifier des troupes pour ne plus avoir à supporter leur coût d’entretien et ainsi dégager des fonds plus rapidement pour construire un bâtiment essentiel dans notre progression. Comme souvent en temps de guerre, l’argent a plus de valeur que les vies.

La gestion de la base est également capitale : les nombreuses constructions disponibles permettent de recruter de nouvelles créatures, d’apprendre de nouveaux sorts, d’acheter de nouveaux équipements, d’améliorer les troupes, d’augmenter les revenus financiers, d’améliorer le moral des citoyens… et certains bâtiments permettent même de construire dans les régions ! Voilà qui permet de bâtir des mines pour améliorer le rendement des régions productrices de métal, des moulins pour augmenter les rentrées d’argent des régions de plaine, des entrepôts pour réparer ses armes et en acheter de nouvelles sans repasser par la base, et même des avant-postes pour recruter des créatures, là aussi en évitant de revenir à la base.

Finalement, les défauts rébarbatifs entrevus lors des premières sessions s’estompent doucement au fur et à mesure que l’on apprend à maîtriser le jeu. Au moins sur le plan stratégique. Toutefois Eador maintient un rythme de jeu très lent, imposant de se battre constamment, de beaucoup explorer les provinces en début de partie, alors qu’on ne peut s’étendre et parfois même pas prendre part aux combats d’exploration tant notre armée manque encore de répondant. Certains tours de jeu s’égrènent sans qu’on n’y puisse rien faire, ce qui peut être frustrant lorsque les rentrées d’argent se font encore au compte-goutte, forçant le joueur à patienter… encore. Heureusement, le côté addictif du titre aide à supporter ce rythme, qui après tout nous rappelle que la guerre est aussi un jeu de patience et d’opportunités, qu’il faut savoir choisir quelles batailles peuvent être gagnées.

Le monde éclaté

Mais je n’ai pas encore parlé du scénario d’Eador : Masters of the Broken World. Celui-ci n’est pas inoubliable, mais a le mérite de parfaitement s’intégrer au game design. Sans entrer dans les détails, le monde d’Eador a été éclaté en morceaux suite à un cataclysme magique. Les éclats du monde flottent dans l’immensité astrale, et un certain nombre de demi-dieux, les Maîtres, tentent de les annexer à leur propre monde, afin de gagner en puissance. Aussi la structure du jeu est-elle la suivante : le joueur rejoint le plan astral et sélectionne l’un des éclats qui s’y trouvent. Ces derniers sont de différentes tailles, qui correspondent à la taille des maps sur lesquelles on combattra. Il est dommage de constater que d’une map à l’autre, il faut toujours tout recommencer à zéro. Bien sûr, il est possible de dépenser de l’énergie lors du choix de l’éclat pour démarrer la partie avec quelques bonus, mais c’est tout. Il faudra à chaque fois recruter un nouveau héros sans expérience dans un château vide en début de partie. Il en résulte une forte impression de répétitivité : chaque map se ressemble, et même si les régions y sont disposées de façon différentes, offrent des ressources différentes et si des montagnes ou cours d’eau viennent façonner quelques contraintes géographiques, après quelques parties le sentiment de toujours faire la même chose s’impose. D’autant qu’une fois que l’on a trouvé sa façon de jouer, on a tendance à souvent aborder les débuts de map de la même façon. En revanche un élément maintient la motivation : chaque éclat, une fois conquit, débloque de nouveaux bâtiments à construire pour les maps suivantes, et donc de nouvelles possibilités (meilleurs équipements, nouvelles unités plus puissantes, etc…). Mieux, ces bâtiments et améliorations sont visibles lors du choix de l’éclat à conquérir, permettant ainsi une sorte de méta-stratégie, au niveau astral, et une avancée dans le scénario non linéaire. Au bout d’un moment il devient même possible d’attaquer les autres Maîtres pour les écarter une bonne fois pour toutes de la course à la restauration d’Eador. A moins que l’on ne forge des alliances ? De nombreux dialogues permettent de faire connaissance avec ces personnages, étoffant l’aspect scénaristique du jeu de façon assez plaisante (mais la quantité de texte participe encore à la lenteur du jeu). Méfiance toutefois : certains Maîtres pourraient bien décider d’attaquer les premiers…

Enfin il faut signaler qu’en cours de jeu, de nombreux évènements aléatoires viennent pimenter la partie. Certaines régions se révoltent et redeviennent indépendantes, à moins qu’on ait engagé des gardes pour mater la rébellion. Certaines ressources particulières voient leur cours baisser, ou augmenter au contraire. Des tremblements de terre peuvent frapper une région, la famine peut tomber sur une autre tandis qu’une épidémie ravage une troisième… et bien d’autres choses. De plus, très régulièrement le joueur peut choisir comment réagir face à certaines situations : faire pendre un agitateur, dépenser des ressources pour résoudre des problèmes régionaux, ordonner à des aventuriers de céder la moitié de leur butin, négocier avec les ennemis… Tout cela se répète inlassablement, mais il y a une telle variété que l’ensemble reste plutôt intéressant à jouer. La guerre n’est jamais parfaitement maîtrisée : il se passe toujours quelque chose, quelque part.

Conclusion

Eador est un jeu de stratégie prenant. Bourré de bugs à sa sortie, ces derniers ont rapidement été corrigés et la mouture actuelle est relativement correcte, même s’il arrive encore régulièrement de planter le jeu lorsqu’on navigue dans le volet de construction des bâtiments (mais les sauvegardes automatiques limitent les effets désastreux). Le jeu est profond, propose énormément d’options permettant de choisir sa façon de jouer, dans un univers fantasy agréable. L’étendue stratégique s’étale sur trois plans : du combat sur le champ de bataille aux choix des éclats à conquérir dans le plan astral, en passant par la gestion des régions sur la map. Une vaste gamme qui plaira aux amateurs de tour par tour. Attention toutefois, le rythme du jeu plutôt lent et l’obligation de mener des dizaines et des dizaines de combats y compris sur les plus petits éclats pourraient en rebuter certains.

Enfin quelques mots sur le multi, un peu à la ramasse pour le moment : le online n’est pas encore fonctionnel (mais ça devrait arriver), et le mode hot seat ne permet pour l’instant que de faire des combats avec des héros que l’on build exprès (pas de map ni d’exploration, quoi).

4 réflexions au sujet de “Eador : Masters of the Broken World”

  1. J’ai pris aussi. Le jeu a l’air très profond. Il y a beaucoup de combats. J’apprend les patterns du jeu mais y’a pas mal de potentiel. J’ai pas encore trouvé qu’il y avait de gros bugs.

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  2. En fait le principal bug que j’ai rencontré (mais de façon très récurrente), c’est lorsqu’on cherche à construire un bâtiment. LEs bâtiments prérequis sont affichés à droite dans la fenêtre, et on peut cliquer dessus pour accéder à leur construction. Très régulièrement, ce clic entraîne un crash du jeu. A un moment, on a des sueurs à chaque fois qu’on s’apprête à cliquer de cette façon ^^

    En dehors de ça le jeu est stable, j’ai eu quelques problèmes de freeze lors de combats, mais ça se comptait sur les doigts d’une main.

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