Teleglitch : Die More Edition

La mort est de partout, elle s’insinue en vous, elle ne vous lâche plus, et quand elle vous attrape, c’est la fin, goodbye, auf wiedersehen, hasta la vista. Voilà ce qui pourrait définir le roguelike, un genre de jeu vicieux où la mort est permanente, comme dans la vraie vie en fait, à ceci près que vous pouvez toujours y recommencer une nouvelle partie, mais depuis le début. C’est dans cette allégorie de la fragilité de nos existences vidéoludiques que Teleglitch se propose de nous emmener dans une aventure pleine de souffrance.

La théorie du vilain petit canard

Les roguelike n’ont jamais particulièrement brillé pour la beauté de leur parure, mais Teleglitch lui joue carrément dans une autre catégorie : celle du moche quasi abstrait. Un amas de pixel terne au choix de couleurs limité qui s’affaire dans une vue du dessus ne nous permettant pas non plus de nous extasier sur la qualité de ses animations réduites à leur plus grande simplicité. Au milieu de tout ça se trouve votre personnage, petit carré de couleur qui doit se battre contre d’autres petits morceaux de pixels qui lui veulent tout sauf du bien.

Ici, l’impossibilité de changer la résolution visiblement très basse et dans un 4:3 imposé comme à la bonne époque de nos écrans CRT, le framerate bloqué sur une trentaine de fps (ce qui n’est pas vraiment gênant), ou bien la multitude d’effets spéciaux donnent un aspect rétro et low-fi (basse fidélité) bienvenu. L’interface elle-même est austère au possible et semble d’un autre temps. On a parfois l’impression de revenir à cette époque lointaine des Atari VCS2600 ou Apple II.

D’un autre côté, on a les sons. Il y a tout d’abord ceux des monstres et de l’environnement qui font leur travail plus que correctement, mais on s’attardera plus sur les armes qui claquent de façon magistrale donnant une impression de puissance assez jouissive dès que l’on tire une rafale. Par contre, il n’y a aucune musique, ce qui est bien dommage pour l’ambiance qui devra se contenter de ce qu’il y a déjà pour fonctionner.

L’histoire elle-même est passionnante pour qui prendra le temps de lire les différents textes se trouvant dans les ordinateurs que vous trouverez au cours de votre aventure. Une histoire à base d’expérimentations ratées qui se raconte au travers de ces quelques journaux de bord. Et vous, vous êtes en mission sur cette planète perdue afin d’en découvrir le mystère dans un univers fortement inspiré par des fps cultes comme Doom ou Quake. Alors oui, c’est assez disgracieux visuellement parlant, mais pourtant ça fonctionne assez bien pour peu que l’on essaye de gratter un peu la surface. Une ambiance de solitude se dégage, renforcée par le gameplay dont je vais parler à la suite. La question est : est-ce que derrière la bête se cache la belle ?

A chacun de porter sa croix

Dans Teleglitch, les masochistes sont à l’honneur, car on ne fait que souffrir. Ce jeu est laborieux. Dès le premier niveau, la difficulté est particulièrement élevée. Et on y meurt encore et toujours plus. Vos ennemis sont rapides et parfois en très grand nombre et n’ont qu’un seul but : votre enterrement. Pourtant les premiers que l’on rencontre sont encore gérables de façon  »aisée » avec un peu de jugeote et de bons réflexes. Leurs déplacements sont prévisibles, et en jouant la fuite, il est possible de les avoir au corps à corps l’un après l’autre avec le couteau qui constitue l’arme de base. Mais par la suite les choses se corsent très très vite. De nouveaux monstres apparaissent, un peu plus rapides et surtout plus costauds, dans le sens où ils font beaucoup plus mal et surtout sont bien plus dur à éliminer. Et comme si l’enfer n’était pas suffisant, voilà que ces mutants se mettent à vous tirer dessus. Ce qui relevait du gérable devient alors une tâche de plus en plus ardue de par leur variété et leurs différentes attaques. Tout cela est bien pour la richesse du gameplay, mais bon dieu que c’est difficile !

Il n’y pas d’objectifs compliqués à réaliser, le seul étant de se rendre d’un point A, l’entrée, à un point B, la sortie. La construction des niveaux est assez complexe avec son dédale de chemins dont un seul vous mènera au téléporteur salvateur qui vous fera passer au niveau suivant. La progression est lente, car on ne voit que ce que notre personnage voit, le noir couvrant tout ce qui se trouve en dehors de notre champ de vision et rendant tendu un peu plus chaque passage, car on ne sait jamais ce que le moindre couloir peut cacher. Dans ce cas, le naïf utilisera dans un premier temps le pistolet 9mm, qui lui a été alloué au début du jeu, pour se défendre à la moindre rencontre avec les créatures qui rôdent un peu partout. Bien mal lui en a pris quand il se rendra compte qu’il ne lui restera plus rien si ce n’est sa lame à l’allonge dérisoire pour se défendre ! Mais c’est cela aussi Teleglitch, un jeu qui se veut un mur que le joueur se doit d’apprendre à franchir. Et il est grand ce mur. Chaque mort est l’occasion de se remettre en question et de tester de nouvelles choses. Le naïf deviendra homme et commencera à utiliser plus souvent son couteau pour se défaire des hostiles les plus faibles, préférant préserver ses précieuses munitions pour les plus coriaces d’entre eux.

Une savante gestion de l’inventaire constituera la première pierre afin d’espérer tenir plus de deux minutes et enfin voir le bout du premier niveau. Oui rien que ça. La force de ce jeu est de pousser le joueur à apprendre de ses erreurs, quelque chose qui cependant demande beaucoup de persévérance. Pour vous y aider, il faudra explorer chaque recoin, nécessaire pour y trouver quelques rares denrées ou bien quelques uns des passages secrets, comme à l’ancienne, renfermant parfois de trop rares surprises. Chaque munition compte, chaque kit de soins également, et même chaque détritus. Si ces derniers semblent inutiles dans en premier temps, très vite ils trouvent un intérêt grâce au système de crafting. La pression d’une touche suffit pour l’activer et automatiquement les possibilités de combinaisons qui nous sont offertes sont affichées à l’écran. Un roulement de la molette de votre souris suffit pour passer d’une possibilité à l’autre, et un clic gauche pour assembler le tout. L’avantage de ce système est de pouvoir associer deux bombes pour en faire une plus puissante, ou combiner un autre objet à vos armes pour les rendre encore plus létales. Mais dès lors, un choix stratégique s’impose. Si crafter un processeur à votre 9mm en fera une arme automatique qui tirera plus vite, cela veut aussi dire que vous perdrez vos balles plus rapidement. Il devient évident qu’il faudra faire un choix. Augmenter sa cadence de tir au risque de vider bien trop vite son chargeur au détriment d’une arme plus lente qui permettait de caler plus tranquillement chaque balle dans vos adversaires. A chacun de faire ses choix et de n’en vouloir qu’à lui même quand la grande faucheuse se présentera à lui.

This is the end

Teleglitch n’est clairement pas un simple shooter où on tire dans tous les sens. S’il en a l’odeur, il n’a rien à voir avec les fps dont il pourrait s’inspirer. Il s’agit clairement d’un roguelike dans toute sa beauté et son horreur. Il faudra avancer avec prudence car c’est un jeu de survie et d’exploration et pas uniquement un jeu d’action.

Tout n’est cependant pas rose. Outre la difficulté évoquée plus haut, on pourra regretter l’absence de sauvegarde en cours de partie, ce qui obligera la joueur à terminer le niveau, seul moment où sauvegarder vous est proposé avec l’obligation de quitter le jeu ensuite. Contraignant à bien des égards d’autant plus que finir ne serait-ce qu’un niveau relève de la gageure. Impossible dans ce cas de faire une petite partie vite fait. Heureusement, en arrivant au niveau cinq vous pourrez repartir dès le niveau trois dans une nouvelle partie, et ainsi de suite jusqu’à terminer la dizaine de niveaux qui composent le jeu. L’autre reproche concerne le viseur du personnage qui consiste en un petit tas de pixels blancs. Parfois dans le feu de l’action, il est difficilement repérable, ce qui posera problème aux moins attentifs d’entre nous, mais là je chipote. Ma dernière inquiétude porte plutôt le côté parfois répétitif de devoir constamment recommencer certains niveaux. Heureusement, le côté semi-procédural de ceux-ci les rends à la fois familiers et différents à chaque partie. Mais difficile comme il est, ce jeu n’est pas à mettre entre toutes les mains. Il rebutera sans aucun doute les joueurs les plus casual, voire même certains hardcore gamers, car la tâche à accomplir pour le finir relève quasiment de l’impossible pour le commun des mortels. Et c’est sans parler de l’aspect visuel peu engageant et qui n’invite pas à l’émerveillement de tous les instants.

Il s’agit là d’un titre exigeant pour joueur tenace. Si c’est votre cas, alors votre bonheur vous attend peut-être dans la douleur.

(Test réalisé sur la Die More Edition ce qui veut dire une IA plus hargneuse, des niveaux, des armes, des items et des morceaux d’histoire en plus par rapport à l’original)

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