Interview – L’équipe de Karmarrida (Nova Play 2014)

L’ICAN est de retour dans cette nouvelle interview d’une équipe d’étudiants en plein développement de leur projet de jeu pour le concours Nova Play organisé en ce début d’année 2014. Au programme : le royaume des morts, une corrida, un taureau et un joueur contrôlant des toréadors. Original ! Et pour leur blog, c’est par ici.

10147402_10203385347945309_1331973025_oBonjour à toute l’équipe. Commençons très simplement : pouvez-vous vous présenter à notre public, histoire de mieux vous connaître ?

Bonjour à tous. De gauche à droite sur la photo : Victor, 21 ans, est notre sound designer et modélisateur à ses heures. Aurélien, 20 ans, est game designer, de même que Corentin, 23 ans, également chef de projet. Nelcy, 21 ans, incarne notre pôle direction artistique et graphisme. Enfin, Thomas et Marc, respectivement 20 et 24 ans gèrent la programmation dans une cave obscure.
Nous sommes tous les six en troisième année à l’ICAN, section jeu vidéo.

Avez-vous déjà participé à de la création de jeu vidéo en groupe, dans le cadre d’un concours, ou est-ce la première fois ?

Nous avons participé à diverses gamejams, pas nécessairement avec le même groupe. C’est également la deuxième année que nous participons au Nova Play (anciennement Hits Playtime) ; nous avions été interviewés par Gamesidestory pour notre jeu de coopération Us, Robot.

Comment a démarré l’aventure ? C’est vous qui avez contacté les organisateurs ou le contraire ?

Ayant participé l’année dernière, nous guettions la nouvelle édition patiemment. A l’origine, c’est notre professeur de game design qui nous a poussé à participer au concours.

Parlez-nous de votre projet… Quel est-il et quelles sont ses originalités ?

Karmarrida est un jeu à quatre joueurs prenant place dans le royaume des morts, à l’occasion d’une cruelle corrida faisant office de purgatoire pour les pauvres toréadors (vous) jetés en pâture au taureau, contrôlé par un quatrième joueur. La seule échappatoire ? S’approcher suffisamment du taureau pour dérober son contrôle à l’adversaire, puis encorner consciencieusement tous vos opposants…sans vous faire voler le taureau à votre tour, bien sûr. Le gagnant est le dernier joueur à encore posséder des vies.

Si vous deviez ne choisir qu’une inspiration parmi tous les jeux que vous aimez, quelle serait celle qui définirait au mieux votre jeu à venir ?

Nous n’avons pas de grande inspiration à partir desquelles nous aurions itéré nos mécaniques de jeu, juste tout un tas de petits détails, de résolutions des questionnements de design, de rythme, d’idées de combinatoire, etc. Parmi ces influences, on peut compter le jeu de course Speedrunners et des classiques tels que Super Smash Bros. ou Bomberman.

Screen1

Que pensez-vous de ces quatre dernières années ayant franchement bousculé le milieu AAA du jeu vidéo avec la scène indé ?

L’évolution du milieu en ce sens est nous semble-t-il une bonne chose. Le modèle du AAA semble condamné à s’effondrer sur lui-même s’il ne change pas radicalement de direction très vite. L’escalade incessante des coûts de production a transformé une industrie créative en un climat frileux, craignant tout risque et tout écart des formules éprouvées, ou, au mieux, ne fonctionnant que par minuscules itérations à partir des grands succès récents. Une situation assez similaire au climat ayant précédé la crise de 1983…
L’explosion des indépendants a démontré deux choses très importantes : d’une part, que nous sommes encore très loin d’avoir exploré les limites de notre medium et qu’il faut des éclaireurs ayant le courage de le faire ; d’autre part, que les gros éditeurs n’ont pas le monopole de l’opportunisme et de la stagnation créative. Il suffit de jeter un œil à la page principale de Steam Greenlight pour s’en convaincre. Il est important de ne pas diaboliser les AAA ou au contraire de placer les indépendants sur un piédestal, les deux mondes gagnent à se nourrir l’un de l’autre.
Une évolution extrêmement positive est la multiplication des équipes indépendantes de taille moyenne, désormais monnaie courante, avec des entreprises telles que Klei, Telltale, Amplitude…

Qu’attendez-vous de ce concours, précisément ? L’apprentissage ? La mise en avant ? Le contact avec les autres équipes ?

Le principal attrait du concours pour nous est clairement la visibilité. Nous entrons sur le marché du travail dans moins de six mois, et faire parler de soi dans une telle industrie semble essentiel. Une autre raison de notre participation est la possibilité de faire jouer le prototype à un panel de joueurs relativement étendu. Il y a toujours quelque chose d’extrêmement libérateur (et d’effrayant, on ne va pas se mentir) dans le fait de livrer son bébé à un public plus large que la simple brochette de testeurs et de proches habituelle.

Vous êtes élèves dans une école de jeu vidéo. Pouvez-vous davantage nous décrire votre rythme d’étudiant, pour les plus jeunes qui voudraient suivre votre exemple ?

L’ICAN a la particularité de mêler projets (deux en seconde année, un seul en troisième année) et cours théoriques et pratiques. Cette méthode a l’avantage de permettre des remises en question permanentes au fil de l’apprentissage de nouvelles notions, de ne pas rester sur ses acquis. Il est extrêmement bénéfique de faire évoluer sa vision des choses au fil d’un même projet, de le nourrir d’influences en perpétuelle évolution pour éviter la stagnation créative. Cela évite aussi de lâcher les étudiants dans l’enfer de la création d’un jeu sans retours permanents de l’équipe pédagogique.
En contrepartie, cela signifie que 95% de l’avancement du projet proprement dit se fait sur le temps libre. Cela pose des soucis d’emploi du temps entre les différents membres de l’équipe, de motivation parfois, et il est également plus difficile de se réunir physiquement en dehors des cours. Il est en effet difficile d’en vouloir aux membres du groupe devant effectuer quatre heures de trajet aller-retour pour se rendre à l’école, de rechigner à se déplacer s’ils n’y sont pas forcés.
Le travail se fait donc en général en bloc, par conversation Skype et entre 20h et 10h du matin ! Mais les horaires délirants font partie du charme de ces études, on reparlera avec nostalgie de nos nuits blanches en équipe dans dix ans.

Screen3Quel moteur et outils utilisez-vous, exactement ?

La programmation se fait intégralement sous Unity 3D, le travail graphique sous 3dsMax, Photoshop et Illustrator.
Le game design n’utilise d’autre outil un cerveau fonctionnel et divers logiciels de traitement de texte. Le travail ne consiste pas simplement, comme beaucoup de gens l’imaginent, à lancer des idées géniales et à les faire réaliser par ses petites abeilles. Il s’agit de formaliser l’ensemble des mécaniques de jeu en un système à la fois fonctionnel, amusant et facilement communicable aux différents membres de l’équipe (graphistes, programmeurs, etc.).
Cela passe par des tableaux, des graphiques, des flowcharts tirés de diverses théories du game design, qui semblent presque illisibles pour un œil non-exercé. Le game design n’étant pas une discipline aux codes universels, les outils utilisés sont extrêmement idiosyncratiques, et varient souvent d’un designer à l’autre.

Et à quoi vous jouez pour vous détendre entre deux séances de travail acharné ?

Aurélien : Je suis en ce moment sur Banished, un city-builder médiéval.
Corentin : En général, des jeux exigeants qui ne m’offrent rien sur un plateau, type XCOM, les Rogue-like ou les jeux de mon dieu, Edmund McMillen. J’attends forcément avec une grande impatience la sortie de Dark Souls 2, dans quelques jours.
Thomas : Je viens d’effectuer d’une traite la saga Mass Effect (le meilleur univers vidéoludique de SF à mon avis) et j’y rejoue régulièrement en multijoueur. Sinon, des jeux comme The Binding of Isaac par petites sessions quand j’ai moins de temps.
Marc : En général, je joue beaucoup à des beat’em all, comme les Devil May Cry dont je suis fan, ou encore Dust: An Elysian Tail qui est vraiment excellent. Sinon en ce moment je joue pas mal à Final Fantasy XIV : A Realm Reborn, qui contrairement à l’idée que je m’en faisais au début, est plutôt cool. (j’assume et je vous *beeeeep*)

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