Dream

Premier jeu du jeune studio anglais HyperSloth, composé de seulement trois personnes, Dream se présente comme une expérience en vue subjective, à mi-chemin entre le First Person Walker et le Puzzle Game, le tout baignant dans une ambiance – forcément – onirique.

La vie se rêve

Howard est un jeune homme un peu perdu. Il ne sait pas quoi faire de sa vie, il n’a pas conscience de ses propres passions (on ne croit pas à l’utilité de les poursuivre) et se sent vaguement imposteur, ayant hérité de la maison de son oncle, un auteur à succès décédé. Si la réalité du quotidien lui apparaît fade et dénuée de sens, il en va cependant tout autrement de ses rêves, que le joueur est invité à parcourir. Après tout, l’inconscient est bien souvent le siège des véritables réponses, de la vérité que l’on porte en soi. Les différents niveaux que l’on parcourt, représentant chacun un rêve différent, sont ainsi conçus de telle sorte qu’ils correspondent, dans une certaine mesure, à l’Interprétation des Rêves de Sigmund Freud. Quelques éléments à collecter, fragments de pages disséminés tout au long du jeu, viennent d’ailleurs révéler certains symboles, ainsi que leur signification. Cela reste bien évidemment vague et sujet à de multiples interprétations, mais le lien avec l’histoire d’Howard se fait aisément, et la narration peu explicite s’inscrit à merveille dans le thème du jeu : le cheminement au sein des rêves ne peut souffrir d’être trop précis.

Beauté onirique

C’est indéniablement le point fort de Dream : ses environnements variés, son travail sur la lumière, les couleurs, l’esthétique graphique dans sa globalité. Dream est un enchantement pour les yeux, ce qui est d’autant plus opportun que la mécanique principale du jeu réside dans l’exploration contemplative de ses décors. On parcourt les différents rêves sans avoir pourtant énormément d’objets à collecter, mais la découverte de leur beauté, d’éléments incongrus (comme cette console informatique en plein désert, où cette multitude de tuyaux qui strient les murs d’un complexe de bureaux), et l’atmosphère musicale très réussie suffisent à absorber le joueur.

Il faut toutefois apporter quelques nuances. L’absence de réelles choses à découvrir peut se faire pesante lors de certains niveaux répétitifs (le rêve des vacances dans un petit village sur pilotis, par exemple) : parfois, l’ambiance peut se retrouver quelque peu brisée par des environnements qui n’ont pas assez à dire. Ce n’est heureusement pas souvent le cas, et la plupart du temps Dream se traverse avec délectation (on traverse finalement plus qu’on n’explore). Le jeu est prévu pour être compatible avec l’Occulus Rift, et on imagine sans peine que le passage en réalité virtuelle apportera un plus… même si les développeurs de HyperSloth sont tombés dans un piège grossier et dommageable : il est possible de découvrir un rêve annexe (donc facultatif) qui consiste en un rollercoaster. Oui, exactement comme de nombreuses vidéos servant à la promotion de la réalité virtuelle : il s’agit d’une sorte de film sur rail, qui a en plus le mauvais goût de se dérouler dans le brouillard et de ne rien offrir qu’on ait déjà vu. Une fausse note décevante, même s’il serait injuste d’en faire un défaut rédhibitoire.

Un trait de génie

Il y a d’ailleurs un autre rêve annexe qui vient rattraper cela. Et avec brio. Il est en effet possible de se rendre dans un songe directement inspiré d’Escher et de ses constructions impossibles. On se retrouve alors parachuté au beau milieu de l’une d’elle, et il s’agit d’en gravir les multiples escaliers paradoxaux, la gravité n’étant plus alors une notion bien fiable : ce qui est le sol à un instant peut tout à fait devenir un mur une fois quelques marches gravies. La perte de repères, l’impression de vertige est bien présente, et tout cela en vue à la première personne ! Tout simplement fabuleux. Plus fabuleux encore, sans doute, est le level-design de ce niveau, qui nous montre, par sa construction, qu’il faut en substance gravir les escaliers et aller toujours plus « haut » (pour ce que ce terme signifie encore alors…). En dépit du sentiment d’égarement, l’environnement est conçu pour que le chemin à emprunter soit toujours évident, évitant une errance inutile et frustrante. Certes, il ne s’agit que d’un niveau bonus, que l’on traverse rapidement. Mais il justifie à lui seul qu’on s’essaie à Dream.

Puzzles

L’autre grande mécanique du jeu, ce sont les puzzles. Ils émaillent les rêves, permettent de progresser dans l’histoire ou de débloquer les rêves annexes. Les énigmes sont variées mais pas toujours très inspirées. On ne s’ennuie pas, mais on ne saute pas au plafond à chaque fois (bien que certains soient tout de même très réussis). Sans doute volontairement, les puzles sont globalement simples : on comprend vite ce qu’il faut faire, et l’exécution n’est pas spécialement compliquée. Cette absence de réelle difficulté s’accorde harmonieusement avec le principe de contemplation et de calme qui plane sur le jeu : en évitant de bloquer le joueur trop longtemps sur un problème, on le conserve tout entier dans l’univers onirique déployé autour de lui.

L’envers du rêve

Si l’on a évoqué jusqu’ici un caractère quelque peu inégal de Dream, parfois brillant et parfois moins, rien n’était suffisamment gênant ou raté pour plomber le jeu. Certains éléments viennent pourtant ternir le tableau. Au premier rang de ceux-ci, des bugs perturbent la traversée onirique. L’une des énigmes nécessite par exemple d’appuyer sur divers boutons, or certaines de ces boutons peuvent tout bonnement ne pas être reconnus par le curseur de la souris. Un autre puzzle repose sur des sons… qui peuvent ne pas se déclencher. Un redémarrage permet de régler le problème et de continuer à avancer, mais la manipulation n’enlève rien à la frustration ressentie. On peut au moins espérer que des patchs viendront corriger ces problèmes de façon définitive assez rapidement.

On peut également se montrer quelque peu déçu par la maniabilité générale du personnage, dont les sauts notamment sont peu pratiques. Ils n’ont que peu d’amplitude et sont peu précis, rendant inutilement compliquée la (heureusement seule) phase de plateforme proposée par le jeu. Un défaut certes non majeur, mais suffisamment évident pour ne pas pouvoir être ignoré, d’autant qu’il a le chic pour sortir le joueur de l’univers du jeu, pour le renvoyer justement à sa condition de joueur.

Conclusion

Dream est inégal. Il alterne les moments de grâce et d’autres plus conventionnels. Il s’appuie sur de bonnes idées (les cauchemars prennent par exemple place dans un environnement fortement lié à la réalité, rappelant la fadeur de cette dernière), mais n’apparaît pas toujours totalement convainquant dans leur exploitation (la narration utilise un principe de répétition qui part d’un bon sentiment mais s’avère un peu lourd). Plus grave, des bugs viennent quelque peu gâcher l’expérience de jeu. Pourtant, on ne peut s’empêcher d’éprouver de la bienveillance pour Dream. Parce qu’il offre une aventure contemplative très belle, parce qu’il sait se montrer original, parce ce niveau Escherien reste encore à l’esprit bien longtemps après avoir terminé le jeu. Un premier jeu très encourageant pour l’équipe de HyperSloth.

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