Underrail

Stygian Software nous invite à explorer son monde dévasté. Après sept années de développement et l’abandon de son ancienne désignation (Timelapse Vertigo) au profit d’un titre se passant d’explication puisqu’il pose le décor à lui seul : Underrail. Un jeu de rôles à la sauce Fallout accompagné de ses combats en tour par tour sur son lit d’exploration, le tout servi sur une vue isométrique en 2D. Moi, ça me donne faim, pas vous ?

Vous avez dit classique ?

Une fois de plus, l’humanité a poussé le mauvais bouton et déclenché une catastrophe obligeant les survivants à se réfugier sous terre dans des réseaux de galeries et des stations de métro afin d’échapper à l’extinction. Bien entendu, cette introduction pourrait vous faire penser à un Wasteland « Falloutien » de chez Metro 2033 et vous imagineriez tout de suite qu’il faudrait compter sur des combats entre factions plus ou moins humaines pour le contrôle des zones habitables et des ressources élémentaires nécessaires à la survie de l’homme. Ainsi, nous pourrions également penser que des goules et autres créatures mutantes et étranges peuplent les sous terrains et que l’homme a découvert des capacités hors du commun comme des pouvoir psychiques ? Bravo vous avez tapé juste !

C’est donc empli de cette pelletée de certitudes que vous lancerez votre création de personnage. La mise en bouche se fera avec un choix inédit car Underrail commence certes par vous suggérer divers niveaux de difficulté mais vous demandera également de quelle manière vous souhaitez gagner de l’expérience. Le premier des deux choix en la matière sont les « curiosités », un ensemble d’objets étranges et parfois même un peu crades que vous trouverez un peu partout y compris sur certains ennemis qui feront progressivement péter votre barre d’expérience afin de gagner des niveaux. Ce mode de jeu privilégie donc l’exploration vous permettant de vous en sortir sans avoir à hacher menu la totalité des créatures hostiles du jeu. Le deuxième choix ravira les puristes puisque qu’il se nomme « classique » et ce n’est pas pour rien, vous gagnerez de l’expérience en tuant des monstres, en utilisant vos aptitudes et en résolvant des quêtes.

S.P.E.C.I.A.L. ou pas.

Une feuille de personnage simple vous fait face, après avoir choisi votre tronche parmi les portraits proposés, vous lancerez un regard circonspect sur les caractéristiques de votre futur héros badass mais pas trop vu les gueules d’endives qui vous sont proposées. Un très sobre combo traditionnel de caractéristiques à l’ancienne (Force, Dextérité, Agilité) côtoie en bon voisin les compères Constitution, Perception, Volonté, le tout orchestré par l’intelligence réglementaire. Le système de combat et de statistiques de votre personnage ainsi que les mécaniques de jeux s’y rapportant sont parmi les plus pointus jamais vus. Alors, au risque de vous gonfler (mais c’est nécessaire), détaillons mes bons.

  • La force (mais non, pas celle-là) vous permettra de frimer sur la plage de la station de métro délabrée la plus proche et de soulever des armes taillées pour un Golgoth. Elle permet également de coller des pains dans la tronche de tout ce qui remue à portée de bras et d’intimider les pèlerins taillés comme des chips avec qui vous taillerez le bout de gras.
  • La dextérité, ma bonne dame, vous assure une bonne coordination entre vos yeux et vos mains ainsi que votre doigté (n’y pensez même pas, bande d’obsédés) à des fins de crochetage et de larcin ainsi que vos chances de coups critiques et votre initiative.
  • L’agilité quant à elle gère vos esquives, votre capacité à grimper ou vous faufiler dans l’ombre et vos points de déplacement. La constitution gère vos points de vie et d’endurance, votre résistance aux poisons et maladies ainsi que votre capacité à encaisser les torgnoles.
  • La perception vous permet de discerner les objets de loin, de trouver les passages secrets et autres portes dérobées ainsi que les pièges et l’utilisation des armes longue portée.
  • La volonté détermine votre force mentale, votre résistance psychique et vos talents de magie ainsi que la régénération de votre mana.
  • Enfin, l’intelligence régit vos facultés d’apprentissage et de raisonnement et vos aptitudes scientifiques et en bonus vous garantit également une régénération de mana accrue.

Un choix qui pose déjà l’ambiance, ce jeu est exigeant, il va vous demander de faire vos preuves et ce dès la création de personnage, pas de place pour le tâtonnement sous peine de devoir reroll la queue entre les jambes ! La variété des interactions entre vos caractéristiques et l’environnement vous obligera à calculer soigneusement vos points sur votre feuille de personnage et d’envisager très tôt de vous spécialiser afin de ne pas butter sur certains passages ou votre hypothétique polyvalence se changera instantanément en inaptitude globale.

Une fois vos attributs choisis, il vous faudra choisir vos aptitudes, et bien entendu elles sont liées à vos caractéristiques de base, on y trouve encore une fois du classique mais du bon. Des aptitudes offensives concernant l’armement et le combat. D’autres plus utilitaires ou liées à la manufacture, car oui il y a du craft, et pas du basique en plus. Histoire de couronner le tout, un système de magie baptisé « psi » vous permettra de lancer des sorts de contrôle ou de dégâts et n’envisagez pas l’archimagie d’entrée de jeu car cette classe est difficile à monter et très réaliste dans sa conception, un peu comme des pouvoirs psychokinétiques qui se révèlent progressivement, ce n’est donc pas la peine de chercher des parchemins ou des sorts de boules de feu, on est plus proche de la migraine violente ou de la suggestion et de la domination mentale que des sorts de mage, tout est dans la tête ou dans les implants, docteur.

Le système de combat s’articule autour de deux piliers, l’action et le déplacement. Il s’agit de tour par tour en fonction de l’initiative, là vous gérez vos points de déplacement indépendamment des points d’action. C’est donc un savant mélange de puissance statistique et de distance que l’environnement vient faciliter ou compliquer d’un adversaire à l’autre (et également en fonction de leur nombre car lorsque plusieurs créatures d’un même type vous attaquent elles bénéficient d’un buff de groupe, les fumiers) suivant le lieu de l’affrontement avec du lancer de dés requérant plus votre talent que la chance, même si celle-ci peut parfois vous vomir littéralement dessus par moment et saloper vos belles actions, du bon combat à l’ancienne quoi.

Malgré des graphismes très bas de plafond et une bande son low-cost parfois banale voire burlesque, l’immersion en phase d’exploration est vraiment prenante. Il vous faudra avancer prudemment et furtivement la plupart du temps ou vous retrouver en miette de multiples manières. Cette exploration mêlée d’infiltration forcée est riche en choix, vous pouvez passer par des passages dérobés, des conduits de ventilation, des gaines techniques et interagir avec l’environnement en fonction de votre personnage et de ses capacités. Mais également grâce aux outils que vous fabriquerez ou achèterez à prix d’or ou tout simplement par le renseignement et l’investigation auprès des personnages non joueurs du coin à coups de corruption ou de persuasion qui, pour une fois, ne sera pas liée à votre belle gueule mais à votre intelligence, ce qui m’a toujours paru plus logique. Le commerce est également un bon point puisque les marchands n’achèteront que les objets qui les intéressent, ce qui force à l’exploration et au craft afin de faire de l’argent et il vous faudra négocier.

À la dure, sors ta boussole et tes outils de trappeur.

Pas de carte ni de journal de quête, juste un bloc-notes et roule ma poule. L’orientation se fait avec une boussole dans un monde qui vous laisse totalement libre de vos mouvements et vous suivrez vos quêtes de mémoire ou noterez les grandes lignes dans un calepin (à la main les gars, le jeu ne le fera pas pour vous), cela ne plaira pas à tout le monde, moi j’ai adoré dessiner des cartes de niveaux entiers sur du papier, cela m’a rappelé des souvenirs des années 90. Le système de craft fera appel à vos talents de récupération dans les lieux que vous visiterez ainsi qu’à vos caractéristiques et aux recettes que vous apprendrez auprès de ceux qui ont le savoir-faire ou des plans sur clé USB que vous trouverez dans les ruines des anciennes installations d’avant la pseudo-fin du monde.

Vous pourrez tout construire vous-même : médicaments si vous êtes biologiste ou chimiste (et gaffe aux bourdes, ça peut vous péter à la tronche), des armes et des armures ainsi que des pièges si vous êtes bon en mécanique et en couture ainsi que des outils avancés permettant de hacker des terminaux ou des portes si vous êtes bon en informatique. On dispose d’un petit appartement dès le début du jeu avec ce qu’il vous faut de stockage et de confort pour vivre et fabriquer ou réparer votre équipement qui a une durée de vie et consomme des piles pour certains comme les outils électroniques ou les armes à décharges électriques, un travail colossal de la part des développeurs qui devrait faire rougir de honte certains studios avec leur craft premier âge.

Et là, c’est le drame.

Il fallait bien qu’un gros point sombre vienne coller un coup de pompe dans l’entrejambe de cette petite perle… La narration et le background ainsi que la lisibilité des combats. Ne cherchez pas une histoire originale et pleine de rebondissement ni une écriture inspirée, on est dans un schéma de quêtes stériles et convenues. Il y a parfois des dialogues qui vous arracheront un sourire mais globalement cela reste médiocre. Entre les personnages sans charisme et les piètres tentatives de Stygian de poser le décor façon jeu de rôles papier, on se noie dans une histoire insipide bourrée de clichés et d’emprunts mal tournés picorés par moments sur divers univers comme Cyberpunk, Fallout, Metro 2033 ou encore Shadowrun sans jamais être original ou même juste bien écrit.

Le héros quant à lui n’a pas de raison d’être ni de raison de s’impliquer dans les quêtes et la vacuité de son existence vient raisonner contre ce monde sous-terrain immense et froid sans but, ni même un début d’explication. Les dialogues et la pauvreté des possibilités qui vous sont offertes d’influencer le monde sont autant de frustration et d’incompréhension quand on les compare à la très grande diversité de solutions qui vous est offerte dans ce jeu pour résoudre un problème lié à l’exploration ou au combat, un peu comme si Underrail était une voiture parfaite mais incapable de tourner. Le dernier point noir est la lisibilité des combats, il est laborieux de cibler un ennemi à travers le décor en deux dimensions, il n’y a aucune démarcation entre les ennemis qui sont à peine visibles en transparence quand ils sont collés à un mur. Un point qui aurait pu être aisément corrigé en s’inspirant tout simplement de Fallout qui gérait très bien la transparence des éléments et vous offrait une ligne rouge bien visible autour des créatures afin de les cibler.

Underrail reste pour moi un titre très valable tant le côté tactique des combats en tour par tour est pointu et l’exploration prenante et amusante. Ce côté investigation et infiltration plus que dominant le sauve de sa pauvreté visuelle et acoustique et parvient même à faire oublier une histoire convenue et d’une fadeur à pleurer ainsi que le manque de choix de dialogue. On ne s’étonnera pas si les développeurs n’ont pas les moyens de traduire leur jeu, mais la communauté francophone travaille déjà sur une traduction pour les anglophobes. Si les mecs de Stygian avaient eu plus de moyens scénaristiques, ce titre aurait explosé la tronche de tous les triple A dans la catégorie RPG/infiltration. Reste tout de même que ce titre détient une liberté d’action et un énorme potentiel de rejouabilité et qu’il gagne à être joué et connu et franchement à 15 balles (prix officiel), vous ne vous sentirez pas volé, d’autant plus que le jeu a droit régulièrement à des correctifs et améliorations.

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