Uncharted 4 : A Thief’s End

Lorsque l’on jette un regard sur l’image illustrant la quatrième aventure de Nathan Drake, on y remarque une noirceur latente. Son regard porté vers le sol, le choix de couleurs sombres l’entourant et son sous-titre « A Thief’s End » sont peut-être annonciateurs d’une fin peu réjouissante pour notre héros de l’impossible. Nous qui étions habitués au plaisir coupable d’une action non-stop sans réelle conséquence durable sur la vie de notre explorateur numérique préféré, est-ce une façon de nous dire que les choses vont prendre cette fois-ci une tournure plus lourde de sens ? Et par conséquent plus mature qu’un simple ensemble de scènes rocambolesques ? Il se trouve effectivement dans les interstices de cet épisode de magnifiques morceaux d’intimité qui viennent apporter un peu de fraîcheur et de vérité à une série jusque-là très premier degré. S’il reste un Uncharted de par sa multiplication des tours de force catastrophiques, ce quatrième opus s’est aussi avéré le plus touchant.

Beauté sauvage

Il serait bien difficile dans un premier temps de ne pas s’étendre sur la beauté du jeu de Naughty Dog. Depuis la toute première Playstation, le studio californien s’est fait coutumier de l’excellence technique de ses titres en exploitant toujours au mieux les capacités des machines sur lesquelles il opérait. Déjà en leur temps, les trois premiers Uncharted s’étaient posés comme des maîtres étalons du genre en remplissant nos mirettes de milles étoiles.

« A Thief’s End » se devait donc d’être à la hauteur de nos (hautes) espérances. Le résultat final est immédiatement impressionnant alors que l’on traverse autant de lieux que d’émerveillements successifs. Ses développeurs nous fournissent sur un plateau d’argent un dépaysement total en nous emmenant main dans la main en Italie, en Écosse ou bien encore à Madagascar. Uncharted 4 est une réussite technique incroyable qui ne se contente pas seulement d’un framerate incroyablement stable en toute occasion (ou presque) ou d’une accumulation de lumières, de brume et d’eau réalistes.

Outre le festival d’effets spéciaux, c’est réellement dans le plus petit des détails que sa beauté s’exprime le mieux. Il se dégage de son esthétique une sobriété sans fioriture évitant tout superflu visuel ostentatoire. Le souci est ici apporté dans le moindre élément même le plus insignifiant. Ce n’est peut-être pas grand chose pour vous, mais pour moi ça veut dire beaucoup de voir des petits pâtés de sable mouillé se former sous le poids d’une roulade de Nathan. Ou bien encore d’apercevoir des monceaux de pierre dégringoler d’une pente sous la force de ses glissades.

On en ressort d’un monde qui se veut plus vivant et présent. Ce n’est plus seulement une fenêtre sur un monde digitalisé qui se trouve devant nous, mais plutôt la sensation de toucher de doigt quelque chose de plus concret. Forcément, bien que parfois plus ouvert dans ses espaces, le jeu reste linéaire ce qui peut en quelque sorte faciliter la tâche quand il s’agit de les remplir avec efficacité. Néanmoins, ce n’est pas tout le monde qui serait capable de vous sortir un monde tel que celui-ci vous donnant cette sensation si rare qu’il pourrait réagir à votre présence.

Linéarité oblige, il ne faudra pas non plus s’attendre à ce que cette interactivité aille trop loin. S’il est toujours amusant de pouvoir interagir avec un lémurien pour le voir ensuite voler la pomme que venait d’acheter Nate – donc deux actions différentes que l’on peut choisir de faire et trouvant ainsi une corrélation dans leur finalité – il ne faut pas oublier que derrière un réalisateur agit dans l’ombre et tire les ficelles d’une histoire posée sur des rails. Uncharted restera à jamais Uncharted, même si la PS4 permet d’élargir la taille des environnements visités.

Sam et Nate sont sur un bateau pirate…

C’est donc toujours à ce mélange d’action et de narratif scripté auquel nous avons droit. Le scénario se ménage régulièrement quelques rebondissements, mais c’est surtout ailleurs que cette fois-ci il fera la différence. Bien que nous y soyons parfaitement introduit par un jeu de retours en arrière dans le temps, c’est un peu de nulle part que nous faisons connaissance avec Samuel, le frère aîné longtemps disparu de Nathan. Les tenants et aboutissants de ces retrouvailles nous seront heureusement parfaitement expliqués, mais c’est surtout les flashbacks sur certains moments spécifiques de leur enfance qui auront de la valeur pour nous.

C’est d’ailleurs sous la forme d’un tutoriel déguisé que nous aurons l’occasion d’observer les liens qui unissent les deux frères, de mieux comprendre leurs motivations dans cette nouvelle aventure, et, quelque part de rendre Nate plus humain et terre à terre. Ses fragilités et ses incertitudes vont nous apporter une nouvelle perspective sur un personnage qui n’est dès lors plus seulement ce beau gosse taquin amoureux de l’exploration et d’Histoire. Pour la plus petite histoire, c’est d’ailleurs sur un nouveau trésor qu’il se mettra en chasse en le cachant à Elena, avec laquelle il s’était marié depuis.

De cet entrecroisement de lignes narratives, on peut en ressortir quelques unes réellement importantes. Finalement, la recherche de la fortune du pirate Henry Avery devient assez vite secondaire. Elle devient même symbolique du mal qui a rongé pendant longtemps Nathan, et qui ronge encore plus son frère. Cette fièvre de l’or et de l’inconnu, cette recherche de gloire et de reconnaissance, seront la base de leurs problèmes plutôt que cette ribambelle de mercenaires et de grands méchants loups que nous aurons à abattre.

A plusieurs occasions, le scénario du jeu s’amuse à nous rappeler l’absurdité de toute cette entreprise et de ses dangers permanents. Naughty Dog se mort lui-même la queue en faisant une introspection sur leur travail passé. Non pas pour répudier celui-ci, mais plutôt comme l’envie de faire un bilan de réalité. Il semblerait bien qu’après The Last of Us, ils aient eu besoin de réfléchir. Uncharted 4 transpire de tous ses pores l’inspiration qu’aura eu la dernière production du studio sur celle-ci.

C’est ainsi que l’on découvre des petits aménagements de temps dans l’espace du jeu qui vont nous permettre d’apprécier des échanges verbaux plus posés entre les différents protagonistes du jeu. Sully mis à part, nous assisterons à quelque bribes de conversations plus naturelles et sincères entre Nate et Sam. De cette façon, ce dernier agira comme un miroir déformé des démons qui habitent Nathan Drake depuis longtemps. Comme cette insatisfaction à vouloir se contenter d’une vie calme en banlieue. Il se verra ainsi confronté à lui-même au travers des obsessions de son frère qui sont aussi les siennes.

Par contre, quand il se trouve en présence d’Elena, Nathan se révèle tout autre. Avec elle, il se met plus facilement à nu et nous fait montre de ses réels sentiments. Il en ressort un discours pertinent sur le côté absurde de ses cabrioles fantasques. Elena en est devenu l’ancre qui le rattache au monde réel. Une fois de plus, on ne peut s’empêcher de penser à l’influence de  The Last of Us sur la manière de traiter un personnage entièrement et pas en seulement en surface. Nous sommes de fait très loin des précédents volets qui géraient la chose de manière finalement très superficielle. Comme tout bon blockbuster le ferait d’ailleurs.

La fin d’un voleur

Mais Uncharted restera toujours Uncharted, et il reste difficile de ne pas s’émerveiller au même titre que Sam et Nate quand nous apercevons un nouveau décor grandiose dans lequel la nature a repris ce qui lui revenait de droit après le passage lointain de l’homme. La découverte autant que l’exploration font aussi partie intégrante du plaisir procuré par ce genre de jeu. C’est d’ailleurs toujours le cas ici. Les qualités esthétiques et techniques de celui-ci lui permettant d’aller toujours plus loin pour nous épater.

On notera tout de même la tentative de varier un peu plus les situations, en rendant notamment les énigmes un peu plus pointues qu’à l’accoutumée. Les rixes armées sont aussi un peu plus subtiles avec l’ajout d’une mécanique de type infiltration. L’environnement a aussi toujours quelque chose à nous dire. Ainsi, quand on fait la rencontre d’un endroit ouvert et parsemé d’éléments idéalement placés pour s’y mettre en couverture, nous comprenons que l’action ne doit pas être très loin. Un fonctionnement classique et redondant dans la série, mais c’est ainsi que le jeu nous parle et nous explique quoi faire.

Bref, les tentatives pour rendre le jeu tout aussi amusant que plus pertinent et vrai dans ses dialogues sont là. Ce n’est pas une révolution mais une évolution dans la continuité qui aura énormément bénéficié des expériences acquises sur les titres précédents du studio. Les échanges entre Elena, Nate Sam, Sully et même leurs adversaires sont toujours intéressants et plein de sens. Le jeu arrive même à s’aménager quelques moments plus calmes et reposés pour laisser le temps de décanter ce qui sera à venir.

Il se trouve même qu’il n’est pas avare quand il s’agit de nous apporter des instants purement intimes sans réelle valeur ludique. Uncharted 4 c’est aussi une histoire qui se raconte et s’apprécie pleinement, ce qui demande parfois de laisser la manette se reposer. Ce principe aura ses adeptes et ses contraires, mais force est d’avouer que le résultat est dans le cas présent très réussi à tous les niveaux. Il en va du crève-cœur que l’on peut ressentir alors que les crédits de la fin se déroule sur fond noir.

Uncharted 4 : A Thief’s End est peut-être l’épisode le plus mélancolique de tous. Il faut dire qu’il marque la fin d’une époque. Celle d’une saga qui vient se terminer en ayant fait le bilan de son passé. Le traitement des personnages et les relations qu’ils entretiennent entre eux a énormément bénéficié de ce que The Last of Us a pu apporté dans la balance. On en ressort du coup encore plus attaché à Nate, Elena et cie qu’auparavant ce qui nous arrache d’autant plus le cœur de leur dire au revoir dans ce qui est sans doute la plus impressionnante de leur aventure servie par une esthétique et une technique exceptionnelle.

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