Interview : BD ou jeu vidéo ? Les deux pour Pantagrame !

Et si la bande-dessinée était mélangée à du jeu-vidéo pour proposer une expérience originale ? C’est ce que veut nous présenter Raphaël Lafarge, concepteur original nous proposant de découvrir des idées et son équipe dans cette petite discussion pleine de bonnes références à noter. Découvrons !


Raphael Lafarge
Raphael Lafarge
Raphael, tu as une idée folle : réaliser une BD interactive jouable. Explique-nous ton idée.

Le support Internet permet cette chose extraordinaire : mêler lecture et jeu. J’ai donc créé Pantagrame, une bande dessinée contenant des phases de jeu vidéo. Il y a une identité visuelle commune, une continuité entre la BD et le jeu. L’un ne va pas sans l’autre, et les deux éléments participent à leur manière à la construction dramatique !


Quelle est l’histoire de cette BD ?

Vitriol, un petit comique satanique, déteste la vie, déteste le monde entier. À l’aide de son pouvoir magique, il donne vie à des golems et s’engage dans une quête destructrice à la découverte d’une épée maléfique.

Certaines personnes vont essayer d’aider Vitriol, d’autres de l’arrêter. Ainsi commence une course-poursuite pleine d’action et de surprises !


Niveau2imagedepresentation_avecjovyCombien de personnes travaillent sur cette création originale ?

Trois. Je me charge de tout ce qui est graphismes et scénario, mais je ne pourrais rien faire sans Arkh, le programmeur, et Oraziel, la compositrice. Les deux sont des personnes extrêmement créatives, qui savent proposer leurs propres solutions aux problèmes rencontrés. Ce sont aussi des amitiés irremplaçables.

Il serait limité de considérer simplement Arkh comme « le programmeur ». Il a beaucoup donné à l’ADN artistique du projet, il a créé les lois de la physique du monde de Pantagrame, il a pensé aux technologies, il a suggéré énormément d’idées. C’est aussi et surtout le principal responsable du gameplay. Vous pouvez voir quelques-uns de ses anciens travaux ici : http://www.pantagrame.com/arkh/

Oraziel joue également un rôle primordial, elle a œuvré avec moi sur des projets antérieurs (notamment des courts métrages) et je n’ai jamais imaginé quelqu’un d’autres pour donner vie musicalement à cette histoire. Elle a un talent fou, vous pouvez écouter une de ses chansons ci-dessous…

Enfin, il faut remercier Bica, qui a mis sur le pied le site.


pantagrameboss2Comment cela se déroule exactement en jeu ?

On commence par lire les premiers comic strips, avec nos héros qui veulent rejoindre le musée attaqué par Vitriol. On « tourne les pages », en cliquant sur le strip suivant, et au strip 8, surprise ! À la place d’une BD fixe, il y a le niveau 1. On joue les personnages qui se rendent au musée ! Puis la lecture de la BD reprend, jusqu’au jeu suivant.


L’équilibre, avec tout cela, on le trouve comment ?

C’est toujours délicat, nous sommes sur la corde raide. Ce qu’il faut garder à l’esprit, c’est que certaines personnes sont intéressées par l’aspect jeu et pas par l’histoire, tandis que d’autres se plongent dans l’histoire mais n’ont pas assez d’entraînement en jeu vidéo pour triompher des niveaux. Ce travail m’a fait réaliser que paradoxalement, le support vidéoludique a quelque chose d’élitiste : il nécessite un investissement, une vraie concentration, et ses histoires se ferment à toute personne qui n’a pas les compétences pour triompher des épreuves que le jeu va introduire.

Pour le public « exclusivement joueur » ou « exclusivement lecteur », je me penche sur des solutions alternatives, mais ce n’est pas encore au point. Et la forme idéale, le « vrai » Pantagrame si vous voulez, c’est clairement l’hybride, lire + jouer. L’union des médias. J’ai conçu le projet ainsi et il doit être découvert ainsi. Ça me plaît que vous parliez d’équilibre, parce que c’est primordial. Il doit y avoir une juste proportion de lecture et de jeu. Mais plus que le 50/50, l’important est d’établir un rythme, et que les phases BD et JV soient justifiées par ce qui se passe dans l’histoire. La forme doit découler du fond. Quand les personnages sont en pleine introspection, il n’est pas question de laisser les commandes ! Et inversement, lorsqu’il y a un grand affrontement, celui-ci doit être joué, vécu en quelque sorte.


Niveau1imagedepresentationIl y aura des Boss, des niveaux et globalement une construction « classique » de jeu vidéo ?

Dans les grandes lignes, c’est une construction classique, oui ! Il y a un aspect tutorial dans les premiers niveaux, nous apprenons au joueur à se servir de ses pouvoirs avant de le jeter face au premier boss. Par la suite, de plus en plus d’éléments sont rajoutés, le gameplay s’enrichit et la difficulté augmente.

Cependant, il ne faut pas oublier le format hybride. Ces jeux ne se suffisent pas à eux-mêmes (notamment au niveau de l’ambiance), ils font partie d’un tout. Ils sont publiés épisodiquement et cela se reflète dans leur rythme : il y a par exemple beaucoup plus de boss qu’il n’y en aurait dans un jeu sans BD.

Pour tirer profit de l’aspect épisodique, nous permettons au joueur d’incarner plusieurs personnages successivement. Chacun possède un pouvoir unique et peut interagir avec l’environnement à sa manière.


En plus de ce projet, parle-nous de Tourmaline…

Tourmaline (alias le projet Topaze) est un jeu vidéo 3D en cours de développement. Contrairement à Pantagrame, la structure de Tourmaline est ENTIÈREMENT classique, très académique. L’approche n’a rien d’expérimental, il s’agit ici de livrer une expérience entière, quasi naturaliste. Tourmaline n’est qu’un jeu vidéo. De A à Z l’histoire sera narrée par le biais du jeu. Une mise en scène très brute.

En 3D, nous découvrirons un versant différent de cet univers, plus abrupt, dépaysant. Des jungles embrumées, de grands canyons de craie blanche, des cités souterraines, des sociétés nomades…

Pour Tourmaline, c’est Laurier Richard, auteur-rice BD, illustrateur-rice, qui fait la charte graphique. L’identité visuelle est entièrement de son fait. Je voulais m’éloigner du pixel art de Pantagrame, et pour cela le mieux à faire était de m’associer avec un-e dessinateur-rice professionnel-le, avec son propre style. Comme moi, Laurier est non-binaire et engagé-e dans nombre de luttes progressistes. Je savais donc que je pouvais lui faire confiance par rapport aux thèmes LGBTQIA+, pour assurer une meilleure représentation de divers groupes marginalisés, et enfin pour s’éloigner d’un certain ethnocentrisme. Le courant est tout de suite passé. Et, au-delà de ces questions idéologiques, j’adore son univers, ses illustrations, ses BDs, je voulais absolument travailler avec ol. Je vous invite à découvrir son blog : http://fibres-noires.blogspot.fr/

Nous avons été rejoint-e-s par Mathieu Seddas, graphiste et ami de longue date. Mathieu a un sens extraordinaire du speed painting et des couleurs. Les premiers tests ont été concluants. Mathieu a donc commencé à travailler sur les décors et sur l’aspect graphique. Il a récemment été interviewé par Radio G, vous pouvez trouver une retranscription ici : http://www.pantagrame.com/pantagrame/pressreview/interview_mathieu_imajnere.pdf Le travail de Mathieu est disponible sur son site : http://mathieuseddas.fr/

Ce projet me transporte… Je dois me retenir pour ne pas trop en dire !


Vous financez tout cela comment, finalement ?

La publicité, d’abord. Les donations Paypal, ensuite. Et pour finir, il existe des produits dérivés Pantagrame ! Livrets, posters, figurines, badges, T-shirts, tout ça est d’abord testé en convention avant de rejoindre la boutique en ligne. C’est un modèle économique qui permet l’accès gratuit à l’ensemble du contenu.


On peut imaginer la venue d’une campagne de financement participatif ?

Tout à fait ! Vous avez découvert notre plan diabolique. Pantagrame peut pour l’heure se passer du financement participatif, mais ce sera une nécessité pour Tourmaline. À projet ambitieux, moyens ambitieux.


Un exemple de Strip BD

Quels sont vos modèles, autant en BD qu’en jeu ?

Ma référence absolue est Winsor McCay, un auteur de bande dessinée des années 1900. Et Scott McCloud, plus actuel, pour son analyse de l’art séquentiel. McCay et McCloud ont été à l’origine du choix d’une charte graphique simplifiée et rigoureuse.

En sprite comic, j’admire énormément ce qu’ont fait Dan Miller et Sean Howard, respectivement dans Kid Radd et Une Modeste Destinée. Kid Radd, en particulier, est incroyable : dix ans avant Les Mondes de Ralph, Dan Miller aborde tous les thèmes du film de Disney et au-delà, extrapole, multiplie les idées géniales et les thèmes philosophiques…

Michelle Czajkowski, Milkydayy et Andrew Hussie m’ont montré qu’un webcomic pouvait briser le moule d’une continuité figée pour intégrer un autre média.

En ce qui concerne les inspirations vidéoludiques… Dans les ancêtres, la série Ultima est incroyable dans son traitement de l’éthique. Puis il y a Another World, Myst, Heart of Darkness, MediEvil, L’Odyssée d’Abe… Silent Hill et Soul Reaver en particulier sont des inspirations primordiales. Beaucoup plus récemment, la série Demon’s Souls/Dark Souls/Bloodborne a été un choc. Quand, dans nos niveaux, vous trouvez des objets dont les descriptions suggèrent fortement un univers plus vaste, des contrées lointaines, c’est du pur Dark Souls.

Nous étudions autant d’influences que possible, afin de mieux comprendre les possibilités du support et celles de la narration en général, afin de mettre en place des cultures crédibles. Nous souhaitons offrir un travail accessible, mais également rafraîchissant, atypique.

Pour en savoir plus, découvrez le site officiel du projet : http://www.pantagrame.com


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