INVERSUS

Il y a une chose que je trouve particulièrement intéressante dans le jeu vidéo, c’est l’abstraction. Elle est souvent la plus présente dans des jeux indépendants, pour des raisons simples : l’abstraction s’accompagne souvent de minimalisme. Cela se fait autant au niveau audio-visuel – de façon assez évidente – qu’au niveau des mécaniques de gameplay – notamment en ayant un nombre très limité de mécaniques autour desquelles le jeu est bâti. INVERSUS baigne autant dans l’abstraction que dans le minimalisme, ce dernier étant sans doute une conséquence d’être développé par une seule personne, Ryan Juckett dont c’est le premier jeu en indépendant après des années sur des jeux AAA.


20160809212336_1Un jeu écrit noir sur blanc

Dans INVERSUS, le joueur incarne un carré noir ou blanc qui ne peut se déplacer que sur les cases de couleur opposée, la couleur de celles-ci changeant lors du passage d’un tir.  C’est autour de ce concept simple – qui se révèle rapidement être très efficace – que se bâtit le jeu entier. En effet, l’abstraction règne dans INVERSUS : c’est ce concept qui va dicter tout la construction du jeu. Ainsi, les quelques mécaniques présentes dans le jeu se développent autour : certains ennemis vont être entièrement opposés au niveau des couleurs et capacités, d’autres vont seulement avancer en changeant la couleur des cases en opposition au joueur. Dans tous les cas, l’ennemi est le négatif du joueur : les deux ne peuvent se déplacer sur les mêmes cases et les tirs, changeant la couleur, vont entraver les déplacements ennemis, en faisant rapidement un jeu de contrôle de territoire. Graphiquement, le jeu est donc évidemment en noir et blanc, avec du rouge pour les divers power-ups et certains ennemis. Graphismes minimalistes obligent, tout n’est ici que formes géométriques : que ce soit le plateau composé de cases où l’on se déplace, le joueur et les ennemis représentés par des carrés, les power-ups par d’autres carrés plus petits ou les tirs par de simples traits. Les graphismes sont clairement là pour accompagner le gameplay et ça se voit dans le raisonnement derrière ceux-ci : ils montrent comment jouer et aident à se repérer dans ce monde en noir et blanc, distinguant instantanément les ennemis.

20160806213914_1Si le concept d’INVERSUS est aussi efficace, c’est bien parce qu’il est incroyablement fun après quelques secondes de prise en main. Il possède en plus de cela une certaine profondeur permettant de très rapidement devoir se retrouver à penser stratégie. Le jeu balance d’ailleurs très bien stratégie et purs réflexes, les deux étant nécessaires en jeu et reposant l’un sur l’autre. Cela se voit surtout dans le level design et les différents modes, qui ne sont en soi que des itérations du concept de base. Le jeu se sépare en deux modes : versus et arcade. Le premier, entièrement multijoueur, permet des affrontements entre joueurs en 1v1 ou 2v2, en local ou en ligne (ou les deux en même temps). Le but est ici d’éliminer le(s) joueur(s) ennemis afin de gagner un nombre de manches prédéterminé, le tout dans des niveaux toujours symétriques. Ceci permet un équilibrage évident, mettant ainsi l’accent sur les stratégies adoptées par les joueurs et les réflexes en suivant la mise en pratique. Le second mode de jeu, arcade, permet au joueur (ou bien à deux joueurs) d’affronter des vagues d’ennemis sans fin. C’est dans ce mode que le level design brille le plus, changeant complètement la façon de jouer à travers de simples détails. Certains niveaux vont ainsi se passer de bords, permettant de tirer d’un côté de l’écran pour en atteindre l’autre mais aussi assez troublant par le fait qu’on puisse voir son avatar et les ennemis de chaque côté de l’écran – tandis que d’autres varieront le type, l’ordre et le nombre des ennemis en les adaptant aux obstacles placés dans les niveaux. L’optique derrière le level design est toujours la même : tirer parti du gameplay au maximum tout en gardant l’aspect stratégique du jeu.


20160807234732_1Meurtre de masse en toute abstraction

L’abstraction est d’après moi ce qui rend INVERSUS aussi efficace et addictif. C’est elle qui permet de se concentrer sur le cœur du gameplay, étant donné que tout le reste est construit autour et fait de façon à le mettre en avant. Le fait que tout dans le jeu soit graphiquement représenté de façon abstraite et minimaliste par des formes géométriques permet aussi d’y imaginer ce que l’on veut. Le jeu pourrait avoir des skins par-dessus de divers thèmes. Des vaisseaux spatiaux et aliens fonctionneraient parfaitement, mais on pourrait aussi imaginer le même jeu dans un thème militaire ou bien avec des cellules/virus. L’absence de tout cela est néanmoins ce qui fait le plus de sens : l’ajout de contexte et d’ancrage dans une réalité rendrait le tout moins intéressant, ferait perdre un certain focus sur ce qui importe le plus et, paradoxalement, donne son identité propre au jeu. Par un simple jeu de couleurs, purement choisies pour accompagner le gameplay et rendre le tout jouable, INVERSUS se crée une identité visuelle épurée qui fonctionne parfaitement.


On pourrait penser cela comme un manque de contenu (même si au total, il y a plus d’une trentaine de niveaux), mais l’optique minimaliste d’INVERSUS le rend assez facile à prendre en main. Elle oriente le joueur vers la seule progression possible : dompter le concept et penser des stratégies adaptées à cet ensemble particulier de règles. INVERSUS est fun et offre un certain challenge dès les premières minutes de jeu, mais ne révèle tout son potentiel qu’en apprenant à maîtriser le gameplay. De façon assez magique, à chaque fois que l’on pense avoir enfin réussi, on débloque une nouvelle carte qui change de façon assez soudaine tout ce qu’on pensait avoir compris du jeu. Le tout est évidemment parfait et encore plus fun en multijoueur, tout en s’adaptant à tous les styles de jeu : duel entre deux joueurs, coopération contre l’intelligence artificielle ou coopération contre d’autres joueurs, que ce soit en local comme en ligne.

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