The Bunker

A l’époque où la réalité virtuelle commence à faire son trou dans notre petit monde, retrouver un titre ayant pour utilisation principale la vidéo a de quoi nous faire retourner en arrière. Je me souviens encore avec émotion de mes heures passées et repassées sur le jeu d’aventure X-Files. Dans un registre plus dirigiste, The Bunker s’offre à nous en vingt-quatre images par seconde dans un récit introspectif, celui d’un enfant devenu homme qui n’a jamais connu le soleil.



Enterrés vivants

The Bunker est une réalité alternative à la nôtre. Celle d’un monde où la chanson Russians de Sting aurait eu tort, ou encore celle d’une planète sujette à la folie guerrière d’une Amérique gonflée d’orgueil. Sans jamais réellement pointer du doigt un quelconque responsable de leur désarroi, c’est perdu quelque part dans la région de l’Essex en Angleterre que notre héros, John, va naître. Six pieds sous terre, dans un bunker militaire du gouvernement britannique, alors que pendant la période correspondant à notre Guerre Froide, des explosions nucléaires font rage un peu partout.

Cinquante huit survivants plus une nouvelle tête vont donc habiter pendant les prochaines décennies les entrailles de leur nouvelle maison de béton. Suite à ce départ catastrophique et emballant, on se retrouve une trentaine d’années plus tard. On y retrouve notre nouveau-né devenu adulte, au chevet de sa mère mourante. Une séquence émotion plus tard, c’est dans le quotidien rassurant de sa routine instaurée par cette dernière que le ton devient plus calme. Médicaments, s’assurer de son niveau de radiation, utiliser la radio pour peut-être y trouver la présence d’un quelconque signal extérieur, vérifier sur l’ordinateur l’état des installations du bunker et ensuite lire à sa défunte mère un livre.

Une routine redondante et réconfortante pour un homme qui nous donnera l’impression de toujours être un enfant. Chose évidente étant donné que ce dernier aura vécu tout ce que sa vie a compté de jours jusque-là dans l’ignorance du monde extérieur en n’ayant pour écosystème que celui restreint des adultes habitant le bunker comme lui. Un enfant sur-protégé par une mère aimante qui devait souffrir pour lui d’être enfermé dans un tel endroit dénué de presque tout espoir d’en ressortir un jour. Une mère qui ne voulait que le meilleur pour son fils et fit tout pour le préparer à survivre sans elle.

Mais un jour, cet amour maternel ne fut plus suffisant quand le première avarie détourna notre gars de sa routine rassurante. Une avarie qui le mit face à l’inconnu et à sa destinée d’être humain. C’est alors que son histoire commence vraiment, entrecoupée de scènes de son passé qui lui reviendront comme autant de souvenirs refoulés dans son inconscient. Alors que chaque pas l’amenant vers la libération supposée de ce tombeau le rapprocheront également d’une vérité enfouie.



« Tu seras un homme, mon fils »

Côté interactivité, on reste modeste. Quelques clics et autres actions contextuelles forment l’essentiel de ce film interactif. Ce passéisme imposé au joueur et le manque de choix proposés dans l’évolution d’un scénario linéaire en rebuteront sans doute certains. Pour les plus souples et amateurs d’ambiance réussie, The Bunker a de quoi leur offrir quelques petites heures intenses émotionnellement. Le scénario n’est pas le plus novateur qui soit, en se focalisant principalement sur les émotions de sa population au travers de quelques individus parfaitement identifiés. Il ne les juge pas non plus sur les quelques aspects moraux qu’il abordera.

On y retrouve alors un enfant devenu homme au travers de cicatrices passées qui vont se ré-ouvrir sur la fin comme autant de fantômes sortis du placard qui serait son cerveau. Tout en gardant une certaine fragilité infantile. La dernière partie mélange ainsi de la souffrance physique et mentale dans une tension assortie d’un sentiment horrifique. Quelque part, cette extirpation du bunker est aussi un voyage mental dans l’esprit de John. C’est là où d’ailleurs se trouve la plus grande force du titre. Sa capacité à créer une ambiance unique servie par ces lieux inquiétants associés à un rythme plutôt bien dosé pour la majeure partie et une atmosphère unique que la lumière, les ombres et la musique servent du mieux possible.

Il faut dire que ses concepteurs sont allés tourner dans un véritable bunker militaire. On ne peut rêver mieux niveau authenticité. Adam Brown dans le rôle de John adulte et Sarah Greene dans celui de sa mère y jouent aussi beaucoup dans l’attachement que l’on peut ressentir vis à vis de leur histoire. Le reste du casting est loin non plus d’être en retrait. Globalement, cette réalisation cinématographique et interactive ne démérite en rien avec cette qualité propre aux productions britanniques qui apportent toujours grand soin à développer correctement leurs personnages.

On regrettera peut-être qu’il n’ait pu aller plus loin en essayant de décortiquer plus en détails son microcosme souterrain. Ou simplement celui de s’épancher plus longtemps sur l’isolement et la solitude de John. Tout s’emballe en définitive très vite dans une forme d’escalade de l’intensité qui n’amorce que quelques temps de pause sous la forme de flashbacks introspectifs. Ce manque de ménagement et cette envie de se concentrer sur une des histoires possibles du bunker pourrait laisser sur sa faim. Heureusement, une fois rentré dedans, cette aventure ne démérite pas en se faisant le temps d’un moment plaisante et entraînante en gérant son temps avec une certaine efficacité.


The Bunker est une aventure cinématographique interactive qui joue principalement sur la qualité du jeu de ses acteurs, son scénario intelligent et parfois éprouvant, ainsi que sa mise en scène servie par une photo efficace qui avec ses décors authentiques apporte une ambiance très particulière à son ensemble. Le rythme est parfaitement ménagé du début à la fin pour un résultat prenant qui saura plaire aux amoureux du genre. On regrettera juste que l’interactivité y soit si limitée et que son histoire n’aille pas plus loin tant son sujet aurait permis d’explorer encore plus les relations entre êtres humains. Un titre unique à bien des égards qui mérite malgré tout que vous y jetiez un regard.


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