NieR : Automata

Les jeux fous sont souvent proposés cachés, sur une sombre page Itch.io ou dans les tréfonds de Steam. Rares sont ceux qui peuvent se targuer d’être célèbres mais NieR premier du nom a eu son moment de gloire. Assez repoussant, au système de combat bancal, ce jeu de 2010 a par ses idées et son histoire captivé et choqué beaucoup de joueurs. Taro Yoko, le créateur de la série mais aussi des Drakengard, s’est donné la peine d’aller rencontrer des gens de talent pour corriger le tir dans un second jeu.



2B free

Si je vous dis Metal Gear Rising : Revengeance, Vanquish et surtout Bayonetta, forcément vous reconnaîtrez le studio japonais Platinum Games qui entre quelques jeux de commande pour Activision enchaîne les jeux de qualité. C’est avec ce studio que Taro Yoko s’est allié, sous le giron de Square Enix, pour nous proposer une suite spirituelle du premier NieR. Dans ce nouveau jeu, l’histoire est d’entrée captivante : vous jouez une androïde de l’unité YoRHa, nommée 2B, débarquant sur Terre pour casser des robots, des machines qui ont envahi la planète. N’importe qui ayant déjà terminé le jeu trouvera ce petit synopsis très loin de la réalité et il aura raison, mais il n’est pas question que je vous révèle quoi que ce soit à propos du scénario de NieR. Si ce n’est qu’il est aussi fou que génial, à l’image de son créateur sans doute.

Avant d’entrer dans le vif du sujet avec le système de combat, les quêtes, le monde libre, il faut avant-tout signifier que NieR : Automata n’est pas un jeu classique. Ce titre va jouer avec le joueur de façon extrêmement intéressante en brisant souvent le quatrième mur, en mettant par exemple en scène de façon tout à fait logique un simple passage obligé dans les options comme ce moment où vous réglez la luminosité de votre écran. Des passages comme celui-ci, il y en a plein dans NieR : Automata. Cela ne s’arrête pas là.

26 fins différentes sont à débloquer dans le jeu, dont 3 principales et deux autres annexes mais puissamment liées au scénario. Il va falloir terminer au moins trois fois le jeu pour en découvrir toute l’histoire. Sans rien révéler de scénaristique, disons que si la première et la seconde partie sont très identiques à quelques moments près, le troisième run chamboulera complètement votre vision de l’univers et prolongera l’expérience. On se rappelle un peu de la façon qu’avait Kojima de nous manipuler dans Metal Gear Solid : The Phantom Pain et on se rapproche beaucoup de ce genre d’idées.

Les 21 autres fins sont soit des gags, soit des décisions du joueur qui virent au drame. À chaque fin débloquée, le jeu revient au menu principal : vous pouvez alors recharger votre partie pour reprendre là ou vous avez sauvegardé la dernière fois. Cette idée est non-seulement osée, mais elle permet aussi une dynamique particulière pour le joueur qui, lors des choix, des situations, ne pourra jamais se contenter d’un simple Game Over. Nous reviendrons sur le fond du jeu.



La mécanique des fluidités

NieR Automata c’est la rencontre d’une multitude de genres. Tout commence avec une phase de shoot’em up vertical, se transformant rapidement en top-down shooter puis passant au gameplay « principal » (s’il est possible d’en définir un) avec un style exploration/combat sur une Terre d’un futur très lointain. La végétation a pris le dessus sur les immeubles, désormais en ruines. Dans ce groupe de petites zones libres interconnectées, vous allez pouvoir chevaucher des sangliers et des cerfs (une activité des plus originales) en passant d’une quête à l’autre qu’elles soient principales ou annexes. L’histoire se met rapidement en place et vous n’allez plus quitter cet endroit pendant un très long moment.

Le monde est peuplé de machines, de simples boites de conserve dont les différentes formes ne sont pensées que dans un but guerrier : cette machine possède un bouclier, une autre est posée sur une turbine pour pouvoir voler, cette dernière prend la forme d’une sorte de kangourou pour être plus efficace en combat. La taille de certaines est impressionnante et rapidement, les combats s’enchaînent avec prestance. On découvre ce que Platinum Games sait faire de mieux : un système de baston juste et sublime, qui picore d’ailleurs allègrement dans les idées de leurs précédents jeux.

Vous vous battez avec deux armes au choix (parmi les nombreuses à retrouver dans ce monde dévasté, tout à fait comme dans la série des Drakengard du même Taro Yoko, pour les connaisseurs). Inutile de détailler davantage le système de combat tant celui-ci est amusant à découvrir, mais sachez surtout que votre androïde 2B sera suivie d’un petit drone capable lui aussi de se défendre : c’est la partie « shoot’em up’ du jeu. Lorsque vos assaillants vous font face, ils frappent au corps à corps mais peuvent aussi tirer des boulettes d’énergie. Deux couleurs de boulettes sont affichées à l’écran et l’une peut être détruire par les tirs de votre drone, à enclencher avec la gâchette de votre manette. Ajoutez une autre gâchette pour des esquives magnifiques (pourvu que vous les activiez au bon moment) et vous avez votre système de combat original et mélangeant parfaitement deux genres pourtant très différents.

Il n’est pas question ici de vous détailler tous les tenants et aboutissants de ce système de jeu, il n’est par exemple même pas question des attaques « finales » ou de toutes les possibilités de combo proposées. Pour cela, il va falloir se plonger dans le jeu : toute cette découverte fait partie intégrante de l’univers de NieR : Automata, que le joueur va devoir apprivoiser pour mieux jouer.



Absorbe cela, c’est mon corps

Plutôt qu’une interface d’équipement classique, NieR : Automata propose de collecter des puces électroniques. Celles-ci peuvent être placées dans un espace de stockage légèrement extensible chez un marchand en particulier. Vous avez moins d’une centaine de slots disponibles et dans ceux-ci, vous allez devoir stocker les puces qui vous intéressent davantage. Le HUD est lui-même décomposé en puce et si, par exemple, voir les informations de ciblage ou d’expérience, voire votre barre de vie (pour les plus fous) ne vous semble pas nécessaire, vous gagnerez un peu d’espace pour y stocker des multiplicateur d’expérience, de l’auto-régénération, des soins automatiques puisant dans votre inventaire et surtout des puces permettant d’améliorer votre façon de vous battre : contres, parades, attaques finales et autres amusantes possibilités sont proposées. Il est vraiment possible de se constituer une logique de combat totalement différente entre plusieurs joueurs.

A noter que ces puces prennent un certain nombre d’espace de stockage et qu’on trouve là une réelle envie de « looter » des puces sur les ennemis et dans les coffres du jeu pour trouver celles qui seront les plus puissantes tout en consommant le moins d’espace. Il est aussi possible d’en fusionner plusieurs du même niveau pour en augmenter l’efficacité.

Si vous mourrez, alors c’est la panique : votre corps est au sol et vous réapparaissez à votre dernier point de sauvegarde avec un nouveau corps vide de toutes ces puces. Il vous faudra revenir à votre point de défaite et récupérer votre corps pour tout récupérer (souvent en douce, façon Sam Fisher avec les mains moites et une concentration de tous les instants sur les mouvements des ennemis alentours). Une idée intéressante intervient alors si vous êtes connecté au réseau : votre corps est enregistré et s’affichera chez d’autres joueurs, comme le leur chez vous. La partie sera jonchée de cadavres à certains endroits. Vous pouvez alors « absorber » ces corps pour gagner quelques bonus temporaires et un peu d’argent, mais aussi en faire un allié qui se battre à vos côtés. A chaque fois que l’on prie pour un joueur, celui-ci gagne une petite récompense à sa prochaine connexion dans le jeu. C’est beau.



Le cœur (électronique) du sujet

La peur d’en dire trop est évidente dans cette critique mais il va bien falloir vous convaincre que ce NieR : Automata est une merveille. Ça y est, c’est dit. Maintenant, il faut vous expliquer cela sans pour autant révéler quoi que ce soit du jeu et cela ne va pas être une sinécure. Mais soyons courageux, tentons l’impossible.

NieR : Automata est un jeu techniquement en retrait face aux productions actuelles. On sent clairement son envie première de sortir sur PlayStation 3 et ce ne sont pas ses textures pixelisées à outrance, ses découpages de blocs à l’arrache et ses très nombreux murs invisibles qui viendront prouver le contraire. Techniquement, c’est un jeu PS3. C’est un fait. Il n’empêche que ses nombreuses beautés sont autre part.

Visuellement tout d’abord, on assiste à un monde dévasté particulièrement attirant, malgré tout ce qu’il propose de glauque, de triste, d’impossible à sauver. En jouant avec les filtres et la lumière, les développeurs cachent les faiblesses techniques avec une direction artistique osée. Au quartier général des androïdes, par exemple, tout est absolument gris. Choix artistique assumé, cela supprime aussi toute humanité à ce qui se rapproche pourtant le plus des humains dans ce jeu. Et cette idée est d’autant plus forte qu’elle est un écho à un scénario de grande qualité. Tout cela sur une couleur, sur un seul filtre cache-misère. Imaginez alors ce que vous pourrez penser de certains éclairages précis, de la façon dont NieR : Automata vous laisse imaginer un désert ample et sans fin (alors que la carte est tout petite) juste avec ces artifices réussis.

Manette en main, NieR : Automata est d’une beauté presque parfaite. Tout est fluide, précis, impeccable de logique et rapidement il va falloir augmenter la difficulté du jeu au fil de sa maîtrise du gameplay pour équilibrer son apprentissage avec la force des ennemis. Cette modification de difficulté apportera beaucoup aux différents publics que NieR : Automata peut tenter d’apprivoiser : ceux qui aiment se battre sans complications placeront le jeu en Facile (où des puces d’inventaire viendront faire tout le boulot de tir, de contre, d’attaque, de parade absolument automatiquement) pendant que les forcenés du pad pourront supprimer toute l’interface du jeu et se battre en Hardcore tout en maîtrisant au mieux leurs armes. Un bonheur qu’il faut néanmoins apprivoiser, puisque rester trop longtemps en un niveau de difficulté trop fort/trop faible peut gâcher l’expérience selon le profil du joueur.



Tellement de choses à découvrir

C’est aussi une sublime transformation de jeu à chaque nouvelle scène : certains passages vont même se jouer en 2.5D en imitant des moments de Castlevania très bourrin. Les phases en shoot’em up révéleront aussi quelques surprises qu’il est impossible d’expliquer ici, mais sachez qu’un second run sera nécessaire pour découvrir toutes les parcelles de gameplay du jeu. Même en troisième partie, on découvre une « rage » permettant à son androïde de passer en mode Berserk le temps de quelques instants.

Avant de pouvoir utiliser cette fonctionnalité, il faudra donc environ vingt heures de jeu : une quinzaine pour le premier run, cinq tout au plus pour le second (sauf si vous faites les quêtes annexes). L’histoire se termine pleinement en trois actes, en quarante heures environ. Comptez le double pour tout compléter.

Sur PS4 Pro, le jeu est d’une fluidité agréable. Sur une console « normale » par contre, on a le droit à quelques ralentissements de passage entre les zones. Les combats, eux, sont fluides et précis malgré tout. Sur PC, le lancement fut compliqué et nombre de bonnes bécanes ont du voir leurs paramètres graphiques à la baisse dans les options faute d’optimisation. Les trois images ci-dessous sont tirées d’une version PC du jeu tournant au minimum. À vous de vous faire votre avis en comparaison avec les screens PS4 semés tout au long de cette critique.


La condition machine

NieR : Automata est un grand jeu parce qu’il sait parler au joueur, à sa culture, à sa condition d’être humain. Il nous narre un futur désastreux peuplé d’androïdes combattant des machines pour une cause qui nous parle terriblement (dès l’introduction du jeu, vous vous sentirez impliqué dans cette histoire). Les conséquences sont évidentes et typiques de ces jeux japonais cultes des années 2000 qui nous hantent encore actuellement : on parvient à s’attacher à des personnages fait de boulons et de tôle, on découvre des références humaines à travers des situations particulières, on nous met face à des parallèles évidents à notre société aujourd’hui et cela sans jamais en voir les grosses ficelles, les clichés habituels. Ce n’est pas simplement malin, c’est du vrai génie.

La culture y prend alors une place particulière, puisque nombre de protagonistes auront un nom résonnant avec notre monde. Pascal, Beauvoir, Sartre et les autres seront des personnages importants qui tireront partie de vraies légendes de notre époque pour exprimer des émotions particulières.

Enfin, il s’agit de signaler que NieR : Automata se réduirait à une œuvre bien moins grandiose si les compositions de Keiichi Okabe n’étaient pas présentes pour sublimer le tout. On tient là l’une des OST les plus incroyables depuis longtemps : chants et musiques s’entremêlent dans un melting-pot d’idées sonores, de tentatives originales de donner une véritable âme à tout ce beau monde mécanique. Derrière ce cœur morcelé et trop souvent mis à jour d’androïdes et de robots qui se cherchent une raison d’exister, c’est la musique du jeu qui leur fait office d’âme. Elle met en exergue chacun de leurs émois, toutes leurs pensées les plus profondes.


NieR : Automata est la preuve que le Japon n’a pas dit son dernier mot en terme de créativité, il est une œuvre unique qui pioche des idées dans tout ce que le jeu vidéo moderne peut proposer et ce, sans jamais oublier de raconter quelque chose de puissant. Malgré une technique en retard de cinq années, NieR : Automata propose une histoire originale aux personnages forts, au gameplay jouissif, le tout musicalement sublimé. Le joueur n’a alors plus qu’à chavirer devant ce spectacle de désolation maudit, d’une tristesse pure, de celles que l’on retiendra longtemps.

1 réflexion au sujet de « NieR : Automata »

  1. D’habitude, je ne suis pas une fan des jeux d’action de ce genre. Toutefois, le graphisme est vraiment magnifique. Comme je ne voulais pas passer à côté, j’ai donc pris l’édition collector, que je ne regrette absolument pas !

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