Domina

Jouer les gladiateurs est toujours très risqué dans le monde du jeu vidéo puisque de mémoire, rares sont les bons concepts du genre qui nous ont été proposés. Avec Domina, DolphinBarn tente de mettre l’accent sur la gestion d’un Ludus. Que faut-il en retenir ?



Ab initio

Que vous soyez nourris aux textes, au Spartacus de Kubrick ou à la série éponyme qui a joué la carte du gore bien avant Game of Thrones à la télévision, nul doute que vous allez vous y retrouver dans ce Domina bien bourrin. L’idée est de proposer la gestion d’un Ludus, sorte d’écurie de gladiateurs/esclaves que vous allez devoir entraîner. Vous allez devoir gérer quatre types de ressources : l’argent, la nourriture, l’eau et le vin. Si l’argent sert absolument à tout (forcer un entraîneur à apprendre de nouvelles capacités à vos troupes, acheter de l’équipement à vos gladiateurs, participer à des combats à paris), la nourriture et l’eau sont surtout nécessaire à la survie de tous vos esclaves. Le vin, lui, est un moyen de graisser copieusement la patte au magistrat et à l’homme d’église qui vous suivent dans votre destinée.

Plus vous les avez dans votre camp, plus vos combats seront aidés. Il faut alors les amadouer mais aussi accepter certaines concessions, via quelques événements aléatoires textuels à choix multiples. En plus de cette phase de brossage dans le sens du poil, il faudra aussi recruter jusqu’à trois professionnels : comme un espion pour choper des rumeurs et les revendre au plus offrant ou organiser des combats illégaux, un docteur pour mieux soigner vos troupes ou encore un architecte pour améliorer votre Ludus. Tous ont un vrai potentiel d’amélioration de votre partie, mais vous ne pouvez en choisir que trois parmi la petite demi-douzaine. Il faut donc savoir où on met les pieds.



Certamen bonum certavi

Le but du jeu est de parvenir à battre trois grands champions parmi la dizaine proposée sur une carte du monde. Pour ce faire, il va falloir améliorer au mieux les niveaux des gladiateurs qui composent votre Ludus. Vous avez un an pour battre trois champions et tenter le combat final, massif. Si vous le gagnez, vous aurez le droit à une (très petit et décevante) fin. Mais pour y parvenir, un compteur de jours est mis en place : chacune de vos actions auprès de vos serviteurs (ceux que vous embauchez, mais aussi votre entraîneur) se fera en un certain nombre de jours. Régulièrement, des combats vous seront alors proposés en arène, avec des règles plus ou moins sympathiques selon que vous entretenez de bonnes relations avec l’homme d’église et le magistrat. Des lions, un gladiateur enchaîné, la foule qui vous envoie une arme pour vous aider… De l’aléatoire en fonction de vos actions est à prévoir.

C’est précisément lors des combats que Domina sort ses arguments les plus évidents : si le pixel art est mignon, la musique tabasse violemment et restera sans doute comme l’une des meilleurs OST qui donne la pêche de cette année de jeux indépendants. En fin de combat (automatique par défaut, que vous pouvez contrôler péniblement au clavier/souris si vous achetez la bonne action auprès de l’entraîneur de votre Ludus), vous aurez le droit de partager sur les réseaux sociaux un Instant Replay de vos dernières actions.



Auri mediocritas

Seulement voilà : Domina, avec ses idées de génie, son esthétique accueillante, ses compositions motivantes, son principe tentant, ne parvient jamais à décoller de son concept de « clicker amélioré ». Tout cela à cause de deux choses très importantes qui le poignardent dans le dos à chaque instant.

Tout d’abord, l’aléatoire du jeu est absolument immonde. Rien ne se passe jamais comme prévu et le jeu prend un malin plaisir à vous placer des gladiateurs trop forts devant vous (ou trop faibles, rapportant moins d’argent par exemple). Les événements, certains combats, les chances de réussite de l’espion et de ses vols d’armes et de rumeurs, tout cela est absolument hasardeux comme un combat à bout portant face à un Alien de XCOM 2. Le fait de ne jamais pouvoir sauvegarder force le joueur à tenter le diable à chaque instant, alors qu’il faut au moins trois bonnes heures pour terminer une partie. C’est illogique et totalement suicidaire de la part des développeurs.

Le second souci, plus terrible encore, c’est que Domina est sorti sous forme d’Early Access camouflé. Cette critique est écrite à partir de la version 1.0.4 du jeu. Il y a eu trois grosses mises à jour en trois jours : on peut glorifier les développeurs et se dire que leur support est excellent, le problème c’est qu’ils corrigent des soucis qui n’ont rien à faire dans une sortie finale (surtout après de longs mois de beta test). À la sortie, l’espion réussissait toutes ses actions, cassant l’économie du jeu. Actuellement, par exemple,  lorsque vous perdez en arène, il vous suffit de matraquer le clic gauche de la souris et la touche Espace pour tricher et être épargné facilement. Tout cela fait beaucoup de peine à découvrir, puisque ces petits défauts mis bout à bout nous sortent non seulement du jeu, mais ne donnent pas vraiment envie d’y revenir.


Sans sauvegarde, encore blindé de bugs, Domina est surtout pavé de bonnes intentions mais ne parvient pas à captiver sur le long terme ni même à paraître assez juste envers le joueur pour être jouable. Nul doute qu’au fil des jours, des mois, le jeu sera amélioré. Mais il ne restera qu’un jeu de gestion très banal, à deux doigts du jeu à clics, dont on ne retiendra finalement que sa bande son incroyable de puissance. Tout le contraire du jeu lui-même.

Laisser un commentaire