Narcosis

Les indés du studio franco-californien Honor Code nous livrent enfin leur premier jeu : Narcosis. Parti d’un projet étudiant, l’ambition du titre a rapidement pris de l’ampleur pour finalement se présenter tel qu’un jeu d’horreur offrant de nouvelles sensations. Profondeurs abyssales, solitude, manque d’oxygène avec de surcroît un support VR pour une immersion totale, on se laisse tenter par le menu. Vous reprendrez bien un peu de sashimis de calamars et de salade wakame ?



Sous pression

Dans l’océan pacifique, alors qu’une équipe de scientifiques s’affaire dans une base sous-marine, vous incarnez un scaphandrier en mission à l’extérieur et arpentez le sol marin. La profondeur est telle que seule l’obscurité et un silence sourd ne règne. Lorsque le sol se met à trembler sous vos pas, le petit cocon de sécurité que forme autour de vous ce scaphandre dernier cri semble bien fragile. Séparé de votre coéquipier et loin de la base, c’est n’est qu’à force de persévérance et de sang-froid que vous échapperez à la mort lente qui vous attend.

Ce scénario anxiogène est très bien servi par une narration qui sait se faire discrète quand il le faut. Car bien souvent les mots sont inutiles et l’on comprend l’histoire tragique qui se déroule sous nos yeux lorsqu’au détour d’un couloir de la base inondée nous découvrons le cadavre d’un coéquipier surprit par le tremblement de terre. Les petits biopics et les objets personnels des scientifiques que l’on peut collecter nous en apprennent plus sur leur travail et leur passé, de quoi éprouver de l’empathie et surtout de créer une histoire réaliste comme on pourrait lire un fait divers tragique un matin, en ouvrant son journal. Sans en dire trop, le scénario quasi-convenu sur le papier prend une autre dimension une fois plongés dans le jeu et le final intelligent nous glisse l’idée que Narcosis ne ferait pas si pâle figure s’il était adapté à l’écran.



Aux commandes d’un cercueil ambulant

Comme le fait habillement remarquer le narrateur, se retrouver dans un scaphandre est un peu comme être dans un cercueil ambulant. On s’en rend très vite compte une fois le jeu en main : les sensations sont très réalistes. Le pas lourd, vous vous déplacez avec peine sous la demi-tonne du scaphandre et ce rythme lent participe à l’atmosphère anxiogène du jeu. On voudrait courir, s’enfuir mais on est retenu prisonnier par une masse qui paradoxalement est la seule chose qui nous permet de survivre. Armé uniquement d’un petit couteau et de quelques fusées éclairantes, on se retrouve totalement impuissant face à aux forces naturelles et à la faune qui nous entoure. Niveau immersion, même sans casque VR, on a tout bon, toutefois quelques phases du jeu viennent nous sortir de notre torpeur en nous faisant voir les limites du gameplay.

Bien qu’on note un effort de renouvellement tout au long du jeu (plateformes, exploration, combat, infiltration), Narcosis reste dirigiste dans la progression qu’il propose. Les phases en intérieur sont presque exclusivement linéaires a contrario des phases en extérieur où ce sera plutôt le manque de direction qui viendra nous déconcerter. Le jeu nous a tenu par la main pour ensuite nous laisser brutalement libres, alors on tâtonne et on peste car la réserve d’oxygène s’épuise. On recommence plusieurs fois jusqu’à trouver le bon chemin puis on recommence à nouveau car l’oxygène s’est consommée avant le checkpoint. Là arrive la phase de plateforme qui vient ajouter de la lourdeur dans nos déplacements car notre propulseur doit se recharger à chaque saut. Réaliste mais tout de même assez lourd pour que la maniabilité déplaise aux joueurs les moins patients.



Se noyer de l’intérieur

La tension, bien installée par le pitch de départ, s’accroît par quelques rencontres avec la faune locale. De légers jumpscares sont à prévoir face aux calamars cracheurs d’encre récalcitrants. Rien de bien méchant si on sait utiliser son couteau à temps. Ce qui est plus grave sera les conséquences de la panique qui brûle nos réserves d’oxygène. Si le scaphandre protège celui qui s’y trouve de la pression et autres dangers du plancher océanique, il ne pourra cependant rien pour le protéger de lui même. Lorsque la santé mentale de notre personnage semble s’étioler c’est comme s’il se noyait de l’intérieur : la panique le consume au point de lui faire perdre le contrôle de ses sens. Comment trouver une sortie lorsque notre vue baisse au point de progresser à l’aveugle ? Cela s’ajoutant à l’obscurité des abysses nous sommes clairement handicapés par le gameplay. Seule solution, trouver une issue vers un lieu plus sûr et le faire très rapidement.

Visuellement parlant, Narcosis offre des décors soignés et un jeu techniquement au point. Les intérieurs ont bénéficié d’un travail assidu visant à les rendre crédibles avec des posters, des bibelots ou des livres dans les cabines de l’équipage. Les extérieurs restent majoritairement très sombres mais la flore, qui illumine notre avancée de ses lueurs colorées et la faune, aussi belle que menaçante, apportent un réel surplus de réalisme au titre. Le scaphandre, quant à lui, répond aux mêmes exigences de crédibilité et doit prendre toute sa dimension une fois testé en VR.


En somme, Narcosis est un huis clos cinématographique qui sait créer une ambiance oppressante sans pour autant en faire des tonnes. Narration discrète, silence des profondeurs, tout est là pour vous faire ressentir la solitude de votre personnage. Le soin apporté aux détails donne sa pleine dimension à cette histoire tragique à laquelle on aurait pu rester hermétique si le parti-pris de l’horreur à renfort de jumpscares avait été privilégié. Ici, la charge psychologique est forte et la barrière entre la folie et la réalité est bien mince. Il faut cependant nuancer quelque peu le propos car on n’a pas affaire à un « perfect » et on n’échappe pas à la lourdeur de certaines phases de jeu. L’aventure est courte et compense en étant intense ; après 4h de jeu, on ne regrette pas de pouvoir à nouveau respirer !

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