Wolfenstein II : The New Colossus

Je vous parle d’un temps où les consoles étaient devenues bien plus importantes que nos PC. Un temps où le FPS se nommait Call of Duty, Battlefield, Halo et autres gameplay à la manette. Un temps où l’on oubliait la frénésie des arènes, les barres de vie qui descendent, les pétoires qui violentent l’ennemi et la musique qui tabasse nos tympans sur le rythme de nos sauvegardes rapides. Wolfenstein : The New Order était un prologue à un retour vers un passé où le nazi était le bon ennemi à abattre. Cette suite fait la même chose et encore davantage…



Retour sur un Nouvel Ordre

Dans l’épisode précèdent, B.J. Blazkowicz nous racontait son épopée dans une Histoire qui tourne mal : les nazis ont gagné la guerre et conquis la plupart des territoires. Dans le but de débarrasser le monde du « Boucher », un général nazi particulièrement haut placé, notre héros a entrepris un joli voyage en pleine résistance, rencontré des individus particulièrement charismatiques et perdu quelques camarades sur le champ de bataille. Violent mais malin, choquant mais toujours à propos, Wolfenstein manquait toutefois d’aller au bout de sa folie pour convaincre de sa volonté de nous raconter quelque chose. Voilà sur quoi on attendait plus que tout cette suite : sur son scénario et sa mise en scène.

Wolfenstein II : The New Colossus vous plonge dans des Etats-Unis d’Amérique particulièrement mal en point : les nazis dominent les lieux après avoir annihilé Manhattan à la bombe nucléaire. Notre héros commence son histoire juste après la fin du premier épisode : il est au bout de sa vie et il ne lui reste plus beaucoup de temps à vivre. Alors, autant l’occuper à tuer un maximum de nazis !

Riche en situations très variées, Wolfenstein II est une véritable histoire à part entière entrecoupée de gros moments de shoot à l’ancienne, comme seul Doom (lui aussi chez Bethesda) aura su nous en offrir ces dernières années. Avant de plonger dans le gameplay, continuons un peu avec la narration : si vous êtes là pour flinguer tout ce qui bouge, alors vous serez surpris de la place qu’ont les personnages (aucun n’est mis de côté) et les cinématiques. Les lieux sont variés, certaines scènes se permettent une réalisation digne d’un Tarantino. Les développeurs.euses de chez Machine Games ont un but précis : vous raconter quelque chose. C’est réussi.



Erzähle eine Geschichte

Une ambiance, des couleurs, une réalisation, de la mise en scène, du son, les musiques du génie Mick Gordon, tout est là pour vous mettre dans un bain (de sang) absolument prenant sur la longueur. Du début à la fin, l’histoire de Blazkowicz passe par tous les sentiments et se révèle à la fois complètement dingue (le jeu est souvent en pleine Série B) et furieusement raccord avec notre époque.

Politisé malgré lui (les développeurs assurent ne pas avoir voulu passer de message dans leur jeu, croyons-les sur parole avec quelques clins d’œil), Wolfenstein II est une création parfaite pour tous ceux qui cherchent à se défouler de l’actualité. Proposant des messages plus profonds qu’ils n’y paraissent entre deux têtes explosées, Wolfenstein II est aussi la première œuvre à gros budget qui parle ouvertement de racisme avec autant de réalisme. Mieux encore : nous avons le droit à un personnage obèse qui n’est pas débile, qui se révèle intelligent et qui en plus d’être associé à l’ennemi peine à trouver sa place au sein du groupe de résistants. C’est tellement malin ! Dommage qu’il ait fallu attendre 2017 pour voir ça et éviter le cliché du gros qui se goinfre à longueur de temps et joue les boulets/bouffons de service (Coucou F.E.A.R, au passage), tout en profitant de personnages féminins extrêmement forts.

Le jeu en entier est fait de ces petites surprises : sous couvert d’un scénario complètement fou en plein conflit dystopique nazi, il se permet des leçons de morale, des discussions intelligentes qu’on ne voyait pas venir. Bon, maintenant, on parle du gameplay ?



Du sang, partout, tout le temps

Wolfenstein II est mature, brutal, sans tabou. Il se permet tout et cela rend service au gameplay qui se veut aussi jouissif que l’étaient les FPS d’une époque désormais révolue. Plusieurs armes sont au rendez-vous : pistolet (avec silencieux si vous y placez la bonne amélioration lors de vos fouilles intensives de niveaux), mitraillettes, concasseurs de nazis, fusils lasers, lance-grenades, j’en passe et des plus percutants. Pour finir de vous faire baver, sachez que la plupart de ces armes peuvent être tenues en double, une dans chaque main, histoire de doubler leur efficacité en dépit d’une visée précise au clic droit. Choisis ta façon de jouer, camarade.

On retrouve un système de vie basé sur deux jauges, la santé et l’armure, qui peuvent être augmentées via des artefacts au sol. A l’ancienne. Alors ça ne flotte pas comme par magie et il faut appuyer sur la bonne touche/sur le bon bouton pour obtenir tout ce soin qui traîne, mais c’est toujours un bon vieux principe d’époque de retrouvé… Et ça marche très bien. Les ennemis morts lâchent des munitions, des armes, mais aussi des bouts d’armure à récupérer pour se goinfrer de protection. Le meilleur des FPS des années 90 rejoint les bonnes idées d’aujourd’hui.

Si Wolfenstein II fait mieux que son premier épisode (voilà, c’est dit), on en retrouve néanmoins un des principaux défauts : un level-design pas toujours parfait. La plupart des niveaux sont absolument géniaux à jouer et on sent l’amour qu’ont les développeurs pour les vieux FPS et leurs couloirs à nombreux embranchements. On s’y perd comme en 40 et cela fait du bien. Dommage que certains niveaux (Manhattan entre autres) s’emmêlent un peu les pinceaux entre atmosphère grisâtre et construction à niveaux un peu répétitive. Le premier épisode avait aussi ce souci avec son moment au Musée (sans trop révéler de choses, les vrais comprendront). Il faut croire que c’est le prix à payer pour profiter de l’expertise pour le reste vraiment jouissive de Machine Games.

En jeu, vous allez exploser de l’ennemi : les têtes, les jambes, les animations vous feront ce plaisir de réagir à ce que vous faites en faisant gémir, trébucher, tituber les ennemis touchés mais pas encore tués. Si vous tentez de vous infiltrer, alors vous en aurez pour votre argent visuellement : se débarrasser d’un ennemi discrètement, c’est lui couper un bras, les jambes, lui planter un couteau directement dans le cerveau… Par contre, ne comptez pas sur l’intelligence artificielle pour rendre ces phases vraiment justes.



Qu’ils sont cons, ces nazis !

Si elle n’est pas des plus stupides, l’intelligence artificielle des ennemis de Wolfenstein II est quand même sacrément décevante pour ceux qui veulent tenter de les piéger ou de s’infiltrer. Le principe d’alerte est simple : des commandants sont cachés parmi les troupes et peuvent sonner l’alerte au cas où vous seriez détecté. Ces commandants tués, même repéré vous ne ferez pas venir de renforts. Autant vous dire qu’ils sont une cible de choix en entrant dans une nouvelle zone, surtout qu’ils possèdent tous une carte codée « Enigma » dont on reparlera plus tard.

Si vous jouez bourrin, le problème ne se posera pas : vous allez tenter de les tuer discrètement et à la première alarme, vous sortirez le double Sturmgewehr pour vous débarrasser de vos haineux assaillants et profiterez de ce moment de jouissance extrême où frapper du nazi a du bon, surtout à la chaîne. Si vous êtes du genre à vouloir tenter l’infiltration à 100%, par contre, bon courage… L’I.A ne vous aidera en rien. Elle foncera vers vous comme si elle savait parfaitement où vous vous trouvez, sans parler des gros robots bien violents qui sont bien difficile à esquiver même à quatre pattes dans le noir. Paradoxalement, il lui arrivera de passer devant vous sans vous voir, sans aucune raison logique. Wolfenstein II propose le choix de l’infiltration, mais c’est bien la seule chose qu’il ne fait pas vraiment bien.



Deux parties, deux expériences

En plus de proposer une aventure qui tourne autour de douze heures de scénario en ligne bien droite, Wolfenstein II gonfle sa durée de vie de façon honorable de plusieurs façons. Tout d’abord avec un quartier général aux nombreux protagonistes qu’on aimera rapidement aller voir pour discuter et découvrir des scènes annexes intéressantes, des dialogues de qualité souvent drôles et jamais inutiles (un peu à la Bioware, dans l’idée). On accrochera très rapidement à ces personnages charismatiques. A noter que le jeu reprend votre sauvegarde de New Order et que vos choix et votre destinée auront des conséquences sur votre partie : en fonction de ceux-ci, les personnages principaux changent et leurs interactions aussi. Avec des choix différents lors de Wolfenstein : New Order, ce Wolfenstein II n’a pas deux parties identiques. Un très bon point pour les discussions entre joueurs, toujours passionnantes.

L’autre moyen de s’amuser toujours davantage, ce sont les codes Enigma. Ceux-ci se trouvent sur les commandos à tuer pendant les missions du scénario et une fois décodés à la base (via un mini-jeux d’assemblage de symboles assez simple) ils vous permettront de vous rendre dans les zones déjà visitées pour y tuer un officier nazi. En plus de proposer un petit défi face à une troupe ennemi précise, cette chasse à l’homme a deux autres points forts : elle reprend l’exact niveau déjà parcouru, permettant d’aller à la recherche des nombreux bonus à récolter sans refaire le scénario, mais elle est souvent l’objet d’une petite situation plaisante qui rend la mission moins quelconque que prévu. Cela étend souvent l’univers et des missions annexes pour vos coéquipiers y seront aussi présentes, histoire de toujours bien faire. Bref : Wolfenstein II mérite vraiment de trouver son public et d’être apprécié à la hauteur du spectacle gore, intelligent et jouissif qu’il propose.


Je crois que ce test assez dithyrambique vous donne un bon aperçu de ce qu’est Wolfenstein II. Une pépite, un jeu inespéré, une œuvre osée et percutante qui tente de proposer un jeu vidéo violent mais intelligent. Jouissif mais réfléchi. L’expérience est de qualité, exploser du nazi n’a jamais été aussi fun et bien mis en scène. Tout le monde y trouvera son compte du moment qu’il a le cœur bien accroché. Car c’est aussi un jeu sans tabous visuels, qui frappe aussi là où ça fait mal dans les dialogues. Je ne sais pas si c’est l’air nauséabond d’aujourd’hui ou bien le vrai génie de Machine Games qui rend ce titre aussi bon, mais vous ne devriez vraiment pas passer à côté.

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