Moss

Lorsque les premières images de Moss furent diffusées à l’occasion du dernier E3, le jeu avait l’air sympathique. Mignon, proposant une expérience VR non basée sur une vue à la première personne, du shoot ou une ambiance horrifique, le titre de Polyarc s’annonçait rafraîchissant. On était loin de se douter de la claque qu’il allait mettre.



Pensé pour la VR

C’est pourtant bien l’effet qu’il fait une fois lancé : une véritable baffe. Bon, peut-être pas dès les tous premiers instants, car Moss s’ouvre en réalité sur un passage narratif très statique, où l’on tourne les pages d’un livre tandis qu’une voix off nous narre le contexte du jeu : une guerre menée jadis contre un serpent maléfique, une relique perdue, l’exode du peuple des souris, la menace du retour du terrible Sarfog. Rien de bien extraordinaire jusque-là. Alors on tourne la dernière page, et nous voilà enfin propulsé dans le monde de Moss.

C’est peu dire que l’on se trouve alors subjugué par la beauté du jeu de Polyarc. Dans une forêt, à hauteur de souris, on voit débarquer Quill, l’héroïne du jeu, magnifiquement animée. Les premiers instants sont scriptés : un oiseau nous fonce dessus pour l’ambiance, Quill ramasse une pierre mystérieuse et se tourne vers le joueur, dont elle perçoit la présence. C’est beau, et on a l’impression de pouvoir tenir Quill au creux de la main. Cet enchantement graphique est dû à un travail admirable autour du fait même de proposer un jeu conçu pour la VR. Si certains jeux se reposent parfois facilement sur les atouts évidents de cette dernière (immersion à la première personne ou angoisse, qui sont naturellement décuplés par le casque) en se contentant de placer le joueur dans le jeu, Moss mène une véritable réflexion sur l’utilisation du système. La direction artistique, exemplaire, évite de proposer des textures trop fines afin de ne pas tomber dans des affichages flous disgracieux. Le jeu s’organise en une succession de tableaux courts, que l’on embrasse totalement du regard : là encore, on évite ainsi des effets de flou ou des complications techniques dus à une trop grande quantité d’éléments à calculer, tout en permettant la mise en place d’un univers détaillé. Voilà qui mène à un rendu incomparable, dont on ne peut se rendre compte en regardant les trailers et screenshots, « à plat ». Ces images ne rendent pas justice à la qualité graphique du jeu, le passage en réalité virtuelle donnant une dimension toute autre, encore renforcée par la qualité d’animation de Quill, et par le contexte même de Moss, qui permet de jouer sur deux échelles : au monde à taille de souris (qui rappellera le jeu de plateau Mice & Mystics), s’ajoute le monde « réel », celui qui serait foulé par les humains. Ce cadre supérieur, qui n’apparaît ici que comme élément de décor, encapsule le joueur dans un gigantisme impressionnant ; l’arrière-plan, où apparaissent des biches, ou des vestiges d’une bataille, participe à l’ambiance, à l’immersion, à la magie de ce monde virtuel. Chaque tableau est alors un nouvel émerveillement, la qualité des détails et des lumières frappant immanquablement, de même que celle des effets de profondeur. Moss est tout simplement perpétuellement magnifique.



Le gameplay n’est pas en reste

Polyarc a donc frappé un grand coup en proposant une immersion enchanteresse inégalée en VR, qui plus est en optant pour un jeu à la troisième personne (encore pas si fréquent en réalité virtuelle). Côté gameplay… et bien, ce n’est pas mal non plus. Moss se présente tout d’abord comme un plateformer 3D ; on saute, on grimpe, et très rapidement une dimension puzzle vient s’ajouter, tirant partie des spécificités de la VR.

Il faut savoir que le joueur est placé en face de chaque tableau : l’action se déroule ainsi devant lui, sans déplacement et mouvements de caméra. Aucun risque de motion sickness, donc. Le joueur voit généralement tout le tableau d’un coup d’œil, et si ce n’est pas le cas il n’a qu’à tourner naturellement  la tête pour voir le reste ; voilà qui permet un contrôle optimal de Quill, dirigée de façon classique à la manette PS4. Pour autant, les puzzles font appel au joueur lui-même, qui doit interagir avec certains éléments de décor afin les déplacer. Pour cela, il suffit d’utiliser le motion gaming, toujours avec la dualshock. La manette se retrouve ainsi utilisée conjointement pour deux gameplays différents et complémentaires, symbolisant alors l’union du joueur et de Quill, leur coopération totale. C’est simple et bien pensé. Le gameplay purement VR ne s’arrête d’ailleurs pas au motion gaming, puisque Moss comprend également un aspect exploration, par le biais de parchemins à collecter. Presque chaque niveau en contient un, et ils permettent de mettre en évidence 3 types de mécanique de jeu. D’abord la simple plateforme, lorsqu’ils sont clairement visibles et accessibles : il suffit de se rendre à près d’eux pour les récupérer. Ensuite la partie puzzle, lorsque le chemin pour y parvenir nécessite le déplacement de certains éléments. Enfin, et c’est sans doute le plus intéressant, certains sont cachés. Or, puisque déplacer Quill ne déplace pas la caméra, c’est le joueur lui-même qui doit bouger pour trouver ces parchemins dissimulés. On se déplace alors vers l’avant, on entre dans le décor pour scruter ses passages, pour adopter un autre point de vue, car le level design a sans doute joué avec la 3D pour cacher un parchemin derrière un mur, ou derrière un passage que l’on ne découvrira qu’en se baissant pour observer le niveau par en-dessous. Moss, qui en tant que jeu VR place naturellement le joueur à l’intérieur du jeu, l’invite encore à y entrer de façon plus concrète en induisant un déplacement physique vers lui. Ce mécanisme tout bête, renforcé par la présentation du niveau devant soi, met en scène une plongée du joueur dans le jeu, qui se marie à merveille avec le sentiment que fait naître Moss du début à la fin : l’envie d’y être, autant que possible.



Et ça continue ?

Le jeu de Polyarc ne s’arrête pas en si bon chemin, et continue à se renouveler au fil de l’aventure, introduisant de nouvelles mécaniques et de nouveaux aspects : un peu de combat avec des ennemis à éliminer façon beat’em all, une coopération encore améliorée avec la possibilité de contrôler les ennemis grâce à des mouvements physiques, et même la mise en scène très réussi d’un boss fight pour la dernière partie du jeu… Certains seront peut-être déçus par la facilité globale du titre, qui s’adresse à toute la famille et ne pose jamais vraiment de problème. Et l’on sera forcément triste de constater qu’il suffit d’environ 4 heures pour arriver au bout… Mais ce sont là de bien maigres défauts. A bien des égards, Moss paraît être le Monument Valley de la VR : trop court, trop simple, mais tellement génial qu’on ne peut qu’en tomber amoureux.


Moss est sans aucun doute l’un des tous meilleurs jeux sortis sur le PSVR, et mérite de connaître un grand succès. C’est bien simple, tout y est réussi, de sa direction artistique enchanteresse à sa mise en scène habile, de son gameplay varié à sa façon d’utiliser le mouvement propre à la VR. Polyarc se paie en plus le luxe d’imposer un protagoniste aussi mignon que charismatique que l’on souhaite désormais désespérément retrouver prochainement dans une nouvelle aventure. Ca tombe bien : la fin du jeu annonce clairement une envie de prolonger l’expérience. A bientôt, Quill.

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