Lancer une nouvelle franchise n’est pas chose aisée, d’autant plus quand on peut sombrer dans la facilité de la suite à outrance. Bioware prend des risques et se lance à l’aventure du médiéval fantastique, onze longues années après la sortie de leur premier gros titre : Baldur’s Gate. Dragon Age : Origins se veut un digne successeur de cette saga, avec toutes les améliorations et facilités de prise en main que peuvent permettre les plateformes et évolutions techniques d’aujourd’hui.
Nouvelle franchise = Nouvel univers
Cette histoire se déroule dans le royaume de Ferelden. Celui-ci est en proie à une invasion de forces démoniaques, profitant des nombreux conflits entre races pour semer le chaos et réduire le monde à néant. Le joueur est transporté dans la peau d’un jeune guerrier, mage ou voleur qui se voit directement plongé dans la noirceur d’un scénario à priori passionnant à travers les différentes cinématiques du commencement. Il faut alors choisir une race tout en sachant que ce choix modifiera totalement l’histoire et le background de son héros. Ainsi, les deux heures d’apprentissage des commandes du jeu se feront dans un contexte, une contrée et des rencontres totalement différentes en fonction de la race choisie. Il est même possible de sélectionner une direction sociale, changeant encore de nombreuses lignes de dialogues et situations. Humains, elfes et nains, avec toutes leurs particularités choisies par le joueur, seront alors propulsés dans un monde d’Heroic Fantasy très sombre et sanglant. Quelques originalités font aussi leur apparition face aux autres univers du même genre, avec un historique beaucoup moins quelconque et davantage passionnant que dans la plupart des productions du même genre. Par exemple, les elfes ne sont pas tous les créatures égocentriques dont on a l’image en lançant ce type de jeu. Bioware ne s’est pas contenté de reprendre les clichés du genre, mais bien de proposer sa propre vision de ce monde fantastique. Cela va de concert avec les innombrables codex à récupérer dans des livres, des messages cachés, en regardant une statue ou même et surtout en discutant avec les nombreux personnages du jeu. Une fois débloqués, ils sont consultables à volonté dans l’inventaire et permettent de découvrir l’Histoire de Ferelden en parallèle à l’aventure présente. Une idée simple, déjà vue, mais délicieusement efficace.
Une fois pleinement entré dans l’histoire, le joueur fera la connaissance de Duncan, des Gardes des Ombres et tentera de les rejoindre dans leur objectif de sauver le monde de Ferelden des forces démoniaques. Par souci de respect pour le lecteur, je ne vais pas m’étendre davantage sur le scénario, mais plutot sur ses qualités et ses défauts. Tout d’abord très vaste et complexe, l’univers est servit par une histoire d’Origins franchement faiblarde. Assez consensuelle, manquant à quelques phrases prêtes de plonger de plain-pied dans le cliché à outrance, la trame principale du héros que le joueur incarne n’est pas faite que de bonnes idées. On se contente de réunir les différentes races du royaume pour supprimer un imposteur du trône, avant que les Engeances ne débarquent et détruisent tout sur leur passage. Voulant mêler facilement de la politique à des combats contre les forces du mal, cette histoire cousue de fil blanc à bien du mal à captiver sur la longueur. On s’y amuse au début, à la fin, mais le centre de l’histoire n’est intéressant que via les différentes quêtes annexes et les interactions entre personnages. On avait déjà vu ce problème scénaristique gêner quelques joueurs lors de la sortie de Mass Effect, et voilà qu’il refait surface. L’aspect « trilogie » de la saga semble lui causer un peu de tort sur l’histoire de chaque opus et cela se ressent. À ne pas vouloir en faire de trop, de peur de gêner la continuité de l’univers pour de futurs épisodes, les développeurs de Bioware font ce qu’ils savent faire de plus classique. Si leur classicisme à eux est une vraie révolution pour d’autres, il n’empêche que la descendance de Baldur’s Gate se trouve être beaucoup moins ambitieuse que le modèle.
Mais comme dans tout Bioware qui se respecte, c’est aussi et avant tout les personnages alliés qui subliment l’aventure. Alistair, un jeune paladin très bavard et caustique qui ne manquera pas de souligner chaque moment fort de l’histoire par une petite boutade absolument géniale, rejoint Morrigan, une apprentie (?) sorcière au ton aiguisé et à l’alignement plutôt chaotique, au bout de quelques heures de jeu. Ces deux personnages sont les premiers à montrer toute l’ampleur des dialogues et de leurs choix et conséquence. Alistair et Morrigan sont, n’ayont pas peur des mots, les deux meilleurs personnages de l’aventure. Possédant chacun une quête personnelle captivante, ces antithèses l’un pour l’autre nous offrent les plus succulentes répliques du jeu.
S’en suivent d’autres personnages, dont un chien de guerre Mabari, moins mis en avant mais eux aussi hauts en couleur. Les discussions avec ces alliés seront longues, savoureuses et pourront mener vers de nombreuses situations plus ou moins bonnes. À travers la petite dizaine de personnages disponibles pour son équipe, si tant est qu’on les recrute tous lors de l’aventure, on assiste à la création d’une vraie petite guilde de combattants aguerris qu’il est passionnant de faire évoluer. D’ailleurs, comme dans tous les jeux Bioware actuels, il n’est possible de choisir qu’un nombre limité de partenaires (trois, en l’occurrence). Pendant que vous combattez, les autres restent sagement au camp. Une fois sélectionné, un personnage alignera alors son niveau sur le vôtre, permettant de ne pas être obligé de faire évoluer tous les personnages et ainsi de profiter de tous à n’importe quel moment. Bien que peu appréciée des Hardcore-Gamers, cette idée privilégie l’aventure, le scénario, les interactions diverses et variées avec les personnages, au gameplay complexe. On peut ainsi assister à des dialogues entre deux coéquipiers, survenant de façon aléatoire comme à la bonne époque de Knights of the Old Republic. Avec sa soixantaine d’heures bien senties, sans terminer toutes les quêtes disponibles, Dragon Age : Origins peut bien se permettre de fâcher les puristes sur ce point-là…
Gameplay rétro, mais pas trop ?
Loin de l’aspect TPS (Shoot à la troisième personne) d’un Mass Effect, Dragon Age : Origins reprend la recette de ses plus vieux ainés en proposant un gameplay à mi-chemin entre Knights of the Old Republic et un simple MMO des familles. L’action peut être mise en pause à tout moment et les ordres sont donnés à chaque membre de l’équipe ou au groupe dans sa globalité. Le joueur décide réellement de la stratégie à appliquer, en plus de pouvoir accéder à des créneaux d’ordres automatiques permettant d’activer des actions en fonction de la situation. Chaque action pourra alors être contrôlée par l’I.A selon le bon vouloir du joueur, sans que celui-ci soit obligé de donner des ordres à tout bout de champ. Ces créneaux sont utiles avant tout pour les sorts de soins et l’utilisation des objets, permettant à l’équipe de ne pas mourir au moindre coup critique porté par l’ennemi. Aussi, comme à la bonne vieille époque, il n’y a pas de Game Over tant que les quatre membres de l’équipe ne sont pas décimés. Ainsi votre héros n’est pas foncièrement obligé d’être sur pied pour triompher d’une bataille. On retrouve clairement tout l’intérêt stratégique des anciens titres de Bioware.
Une barre de raccourcis, typique du jeu de rôle sur PC, est aussi de la partie et est pourvue d’une petite option de verrouillage très pratique. On peut ainsi placer ses raccourcis comme bon nous semble et verrouiller le tout pour pouvoir cliquer frénétiquement sur une action sans chambouler tous les icônes alentours. Enfin, le must reste la vue aérienne très old-school qui rend une fois de plus les stratégies dix fois plus intéressantes à jouer. Malheureusement, cette vue « à la Baldur’s Gate » a été totalement supprimée des versions consoles, rendant celles-ci bien plus bourrines et forcement inutilement plus complexes. C’est le gros bémol des versions jouables à la manette qui perdent non seulement en ergonomie, mais aussi en intérêt lors des combats. Cela ne dénature en rien l’expérience de jeu, mais c’est tout de même un gros bémol à souligner.
Néanmoins, la patte Bioware est bel et bien là. Les musiques sont absolument somptueuses, les dialogues sont de vraies perles d’écriture et il est comme d’habitude possible de conclure une romance avec un ou plusieurs personnages. Celles-ci sont « récompensées » par une scène d’amour graphiquement un peu fade (comme tout le jeu, diront les mauvaises langues), mais elle a le mérite d’exister et surtout de permettre de donner un peu plus d’humanité à un héros qui en manque cruellement. Loin d’être sans défauts, clairement orienté vers le Hardcore-Gaming malgré quelques simplicités, Dragon Age : Origins est à la fois l’antithèse et le chainon manquant de la saga des Mass Effect. Un peu comme si jouer aux deux sagas en parallèle était le seul moyen de se rapprocher de la puissance narrative et vidéoludique des Baldur’s Gate, Planescape Torment et autres Icewind Dale de l’époque. Un mal pour un bien, en fin de compte. On attend juste du second opus qu’il nous fasse davantage vibrer maintenant que les bases sont posées.