Interview – Swing Swing Submarine

Du coté de Swing Swing Submarine, les idées loufoques sont aussi nombreuses comme nous le prouve Blocks That Matter, leur prochain titre à paraitre sur XNA et PC. William, qui a le meilleur prénom du monde, nous parle de son prochain jeu, du monde vidéoludique français, de la création du studio et des difficultés d’exister en France quand on n’est pas aidé un gros éditeur européen. Passionnants, comme toujours, les développeurs nous donnent un avis aussi très personnel sur les jeux et les tendances du moment. Bonne lecture à tous !

Tout d’abord merci de donner de votre temps à Game Side Story ! Commençons par la question par laquelle toutes les interviews du monde commencent : peux-tu nous présenter Swing Swing Submarine avec autant de mots que tu le souhaites ?
Bien le bonjour aux lecteurs de Game Side Story !
Swing Swing Submarine est un petit studio de développement indépendant basé à Montpellier et composé de deux personnes, Guillaume Martin, programmeur, et moi-même, William David, game-designer. Niveau conditions de travail, c’est assez sommaire : une salle à manger, deux bureaux, deux chaises, des sacs de couchage pour ne pas avoir à allumer le chauffage, un chat qui sert tantôt de bouillotte, tantôt d’écharpe, quelques idées et beaucoup de passion.
D’ailleurs, d’où vient ce nom de Swing Swing Submarine ?
On a mis du temps à chercher un nom pour le studio et c’est finalement quand on a arrêté de réfléchir que nous l’avons trouvé. Avant la création de Swing Swing Submarine, je tenais un petit blog personnel qui avait le même nom et nos amis nous demandaient souvent « Alors vous le faites quand ce Swing Swing Submarine ? ». Pour une raison que j’ignore, ils pensaient que le nom de mon blog était le nom du studio que nous voulions fonder. Si tout le monde pensait que nous étions Swing Swing Submarine pourquoi ne le serions-nous pas ? Et puis finalement le nom collait plutôt bien à notre envie de se lancer à deux dans une aventure pleine d’inconnu (le sous-marin) et si possible que le voyage se fasse dans la joie et la bonne humeur (que ça swingue).
Avant de développer des jeux plus conséquents, Swing Swing Submarine s’est fait remarquer avec ses jeux Flashs. Peux-tu nous en parler, histoire de donner envie à ceux qui ne les connaissent pas encore de s’y plonger tout de suite, là, maintenant ?
En décembre 2009, nous travaillions sur un gros projet (qui est toujours en développement) : Seasons after Fall. Avant les vacances de Noël, nous avons voulu faire une petite pause et se donner une semaine pour créer un jeu complètement différent. Guillaume avait dans l’idée de faire un espèce de Tetris / platformer et de fil en anguille on en est arrivé à la conclusion que si on pouvait construire avec les briques Tetris il n’y avait que Mario et sa tête dure (ou son poing) pour réussir à casser ces briques. Tuper Tario Tros. est sorti la veille de Noël et il a eu un accueil plutôt très positif sur Internet.
Puis en Mai 2010, toujours pour marquer une pause dans le développement de Seasons after Fall, nous avons pris une grosse semaine pour créer un nouveau jeu flash. J’avais envie de recréer un combat de Shadow of the Colossus en Game & Watch, qui s’est rapidement transformé en God of War Game & Watch (God of War 3 sortait alors et Guillaume était à fond dessus). Ajoutez à ça une pincée de crise économique (qui frappait de plein fouet la Grèce) et vous obtenez Greek & Wicked.
Tuper Tario Tros. ainsi que Greek & Wicked peuvent être joués gratuitement sur le portail Newgrounds.com.
Développer des jeux en France… Compliqué ?
Oui et non.
Non parce que ça n’a pas été compliqué de commencer : on a eu la chance d’être aidé par l’État français, plus précisément Pôle Emploi, qui nous a permis de vivre pendant un peu plus d’un an et qui nous a poussé à sauter le pas et créer une véritable entreprise.
Par contre, là où les choses se gâtent c’est quand ce même État nous réclame plusieurs milliers d’euros de charges sociales alors même que notre premier projet n’est pas terminé et donc que nous ne gagnons pas d’argent. C’est ce qui nous a poussé, début Janvier 2011, à mettre en pause Seasons after Fall (qui venait juste de recevoir le titre de « Meilleur Projet 2011 » à la Game Connection de Lyon) au profit de projets plus courts afin que nous puissions payer nos impôts à défaut de pouvoir manger.
Donc finalement oui, c’est compliqué de développer des jeux en France.
Vos jeux sont empreints de cette nostalgie, de cet amour du jeu vidéo que l’on voit trop peu dans les gros titres, très souvent dans les jeux indépendants. La question se pose alors très simplement : pourquoi ? Comment se fait-il que cet esprit de passionné ne soit pas aussi répandu chez les gros éditeurs et surtout, qu’elle en est la cause ? Est-ce du seulement au marché, à l’obligation de faire du chiffre, à votre avis ?
Les gros éditeurs ou développeurs ont en effet besoin de « faire du chiffre » s’ils ne veulent pas rapidement fermer boutique. Ils dépensent beaucoup d’argent pour faire leurs jeux et prennent donc de gros risques financiers sur chaque titre qu’ils sortent. Pour « faire du chiffre » ils sont donc parfois contraints d’adapter leurs jeux de sorte qu’ils plaisent à un maximum de gens. C’est tout à fait compréhensible.
Et puis ils sont conseillés par des personnes sûrement très compétentes qui leur disent ce que le public attend. Les développeurs et éditeurs suivent ces conseils de peur de ne pas plaire au public. Le résultat c’est qu’au final les jeux deviennent de plus en plus formatés, lisses, et qu’au bout d’un moment on ne sait plus bien si les jeux qui sortent de ces boites sont faits pour plaire au public ou pour plaire à leurs actionnaires.
Enfin, heureusement tout le monde ne crée pas les jeux de cette façon. Il y a encore de l’espoir.
Entrons dans l’actualité du studio : Blocks That Matter. La question qui fâche, que tous les haters de la toile ne vont pas hésiter à poser : la ressemblance avec Minecraft est volontaire ?
Ce n’était pas le cas au début du projet, en Janvier. Lorsque nous avons été contraints de mettre Seasons after Fall entre-parenthèses, nous avons dû réfléchir à un jeu que nous pourrions développer en 2 ou 3 mois. Depuis plus d’un an, les joueurs demandaient une suite à Tuper Tario Tros. et il nous a semblait que c’était le bon moment pour le faire. Seulement, plutôt que de reprendre le concept tel quel nous avons préféré le retravailler et en faire un jeu un peu plus original encore que TTT. Rapidement, Guillaume a proposé de créer un système de destruction de blocs basé sur les couleurs, puis les matières. L’intention étant de réaliser un mash-up à base de jeux de blocs, Minecraft et ses jeux de matières se sont vite imposés. On pensait même faire du craft et mélanger des blocs entre eux pour en créer de nouveaux, mais finalement on n’a pas poussé la ressemblance aussi loin et on a préféré créer notre propre concept, certes basé sur des jeux existants (Boulder Dash, Tetris, Minecraft) mais qui reste une expérience unique, pas une pâle copie.
Peut-on parler d’un jeu de plateformes/réflexion ? d’un puzzle-game ? Un peu d’action ? Dans quelle catégorie ranger Blocks That Matter finalement ?
Blocks That Matter est clairement un puzzle game teinté de plateforme. L’aspect réflexion et création est au centre du gameplay, il va donc falloir faire travailler son cerveau pour espérer en venir à bout. Enfin, tout cela sera progressif bien sûr, le but étant quand même de se faire plaisir en jouant, mais dans les derniers niveaux il est possible que certains voient de la fumée leur sortir par les oreilles.
Comme on aime la variété dans les jeux, on s’est amusé à mettre des niveaux un peu plus plateforme que les autres, d’autres un peu plus basés sur l’exploration, la collecte, et d’autres carrément action. Vous ne devriez pas vous endormir devant votre écran, enfin j’espère !
Un petit personnage très charismatique est au centre de ce jeu vraiment étonnant. Peux-tu nous parler tout d’abord de la création de cette tête de perceuse ? D’où vient-elle ? Est-ce un cousin éloigné de Mr.Driller ? 🙂
C’est une bonne question.
On est parti d’une contrainte à la fois technique et utile au gameplay : le personnage devait faire un bloc de haut et de large. Et puis on se disait que ce personnage pourrait lui aussi participer aux lignes de Tetris (qu’il est possible de créer dans le jeu). Alors le plus simple, c’était de le faire ressembler le plus possible à un bloc. Il lui fallait un outil pour creuser, le foret, qu’on lui a collé au milieu de la figure, et puis il fallait aussi qu’il puisse sauter, d’où les jambes. On a ensuite triché sur la perspective du personnage afin qu’il ne soit pas trop noyé dans le décor (regardez bien, il a une perspective complètement différente de celle du monde qui l’entoure) et voilà comment est né notre héros. Pendant un moment il a aussi eu une bouche ce qui lui donnait l’air d’être un personnage tout droit sorti de Dr Slump (Akira Toriyama) mais ce design n’ayant pas vraiment fait l’unanimité auprès de nos amis la bouche a été enlevée.
Au final, le seul élément qui fasse office de visage sur le robot c’est cet oeil/foret.
Blocks That Matter est prévu sur XNA. Énormément de développeurs, dont certains interviewés par Game Side Story, nous ont affirmés que depuis la dernière mise à jour il était très compliqué d’avoir une vraie mise en avant sur ce système. N’avez-vous pas peur de passer inaperçu entre un logiciel de massage au pad et un jeu mettant en scène un Avatar qui fait de la luge avec Kinect ?
À vrai dire, nous ne pensons pas que le jeu se vendra beaucoup sur le Xbox Live Indie Games (XBLIG/XNA). Microsoft ne fait pas beaucoup d’efforts pour mettre en avant les développeurs indépendants, ni pour faire ressortir les bons jeux du catalogue indépendant de la console. La seule raison pour laquelle nous sortons le jeu sur Xbox Live Indie Games, c’est parce qu’en terme de programmation il est plus simple pour nous de passer par ces outils, et parce que ça fait toujours plaisir de voir son jeu jouable avec une manette sur une grosse télé. Bien qu’on joue beaucoup sur PC aujourd’hui, parce que c’est là qu’est la scène indépendante, nous sommes à la base des joueurs console, donc…
Enfin, c’est aussi une façon de prouver à Microsoft et à d’autres qu’on est capable de faire un jeu sur console. Cela nous aidera peut-être plus tard.
Pour la future sortie du jeu sur PC, peut-on espérer une présence sur Steam, Desura ou d’autres sites spécialisés ?
Je ne peux pas affirmer, aujourd’hui, que nous serons sur telle ou telle plateforme de diffusion. Bien évidemment il serait préférable que Blocks That Matter atteigne ces plateformes (Steam, Desura et d’autres) mais tout va dépendre de la qualité du jeu final et de l’accueil que lui feront les premiers joueurs et journalistes.
Nous allons en tout cas faire tout notre possible pour que ça se fasse.
La première chose que je me suis dit en voyant ce jeu et son univers graphique c’est : pourquoi ne sort-il pas sur 3DS ! Cette nouvelle console vous attire-t-elle en tant que développeur de jeux très colorés, simples à comprendre et donc totalement dans l’esprit Nintendo ?
Pour être honnête, je n’ai pas l’impression que la 3DS soit une console dans l’esprit Nintendo.
L’esprit de Nintendo qu’on aime c’est celui de la Game Boy, de Gunpei Yokoi, de la DS et un peu de la Wii. Sans vouloir trop m’avancer, je pense que la 3D, au cinéma comme dans le jeu vidéo, est un gadget et que ça n’est pas un élément qui permette de rendre un jeu meilleur qu’il n’est déjà.
Le seul intérêt que je vois à cette console, pour l’instant, c’est la réalité augmentée. Ça ne justifie en tout cas pas aujourd’hui de payer 250 euros pour une console qu’on nous a déjà vendue 4 fois.
Une petite anecdote de développement pour nos lecteurs ?
Début Mars, nous nous sommes rendus sur Paris afin de présenter le jeu à un petit groupe de journalistes curieux (oui, il y en a encore, bien qu’on les ait comptés sur les doigts de la main). J’ai travaillé tard la veille afin de finir les niveaux de notre version démo, peut-être un peu trop tard d’ailleurs. Toujours est-il que le lendemain matin nous avons pris le train à la gare de Montpellier, direction la capitale. Problème : quelques minutes avant le départ du train, je ne vois pas de Guillaume sur le quai et je n’arrive pas non plus à le joindre sur son portable. Et il fallait absolument que je puisse le voir avant le départ : ma version du jeu, que j’avais essayé de lancer juste avant de partir pour la gare, ne fonctionnait plus. Impossible de lancer les niveaux de la démo, le jeu plantait encore et encore.
Il fallait donc absolument qu’on règle ça dans le train avant d’arriver à Paris. Après avoir piqué un sprint sur le quai de la gare de Nimes afin de rejoindre Guillaume dans l’autre train, attaché au mien (ce serait trop long à expliquer), nous nous sommes posés dans la voiture-bar du TGV afin de débugguer la version. Il s’est finalement avéré que le bug, c’était moi. Les noms de mes levels comportaient des zéros que j’avais remplacé par des « o » à 3h du matin avant d’aller me coucher (plus exactement des « O », plus proches encore du « 0 »). Du coup, le jeu, ne trouvant pas les niveaux dans sa base de données, n’appréciait pas beaucoup la bêtise humaine et refusait de se lancer.
Plus de peur que de mal donc : à notre arrivée sur Paris, la version fonctionnait parfaitement (enfin, modulo un niveau avancé qui ne se lançait pas… tout simplement parce que je l’avais complètement vidé de tout son contenu, par je ne sais quelle manipulation de la veille !).
Merci à Swing Swing Submarine pour leur gentillesse et leur accessibilité ! N’hésitez pas à visiter leur blog, passionnant.

0 réflexion au sujet de « Interview – Swing Swing Submarine »

  1. Merci pour cette ptite interview :d
    Les messieurs de SSS, on pourrait avoir quand même un ptit artwork du bonhomme dans sa version originale, avec sa bouche? :d *adore Dr Slump*

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