Interview – Ed Key (Proteus)

Comme vous le précisait la news d’Hiji au sujet de Proteus, Ed Key est un ancien salarié de l’industrie du jeu vidéo. Puis depuis, il a changé d’avis et se concentre sur ses créations totalement indépendantes via son studio : Twisted Tree Games. Son jeu du moment, qui fait beaucoup parler de lui, c’est Proteus. Ou l’art d’être poête avec quelques pixels baveux mais pas moins beaux pour autant…

Bonjour Ed. La question qui tue pour commencer : pourquoi devenir totalement indépendant ?

Je suppose que c’est juste avoir la liberté de faire ce que vous souhaitez faire et d’en prendre l’entière responsabilité. Depuis que je suis à plein temps sur Proteus je me sens un peu moins indépendant, parce que je dois rendre ce travail rentable, mais relativement parlant c’est encore indépendant.

Proteus est développé par une petite équipe. Pouvez-vous nous en présenter l’effectif ?

Nous sommes deux. Je travaille sur le code, les graphismes et la conception pendant que David Kanaga s’occupe de la musique et de la conception audio. Nous venons tous les deux avec de nouvelles créatures et des idées pour d’autres choses qu’il se passe dans le monde et on parle beaucoup de philosophie derrière tout cela. Le Design est vraiment une collaboration.

L’idée de Proteus est un voyage, une promenade, poétique et rafraichissante. Quelle est la genèse d’un tel titre original et décalé ?

À l’origine il devait y avoir une sorte de bac à sable-RPG mais toujours axé sur l’exploration du paysage. Le projet a commencé à prendre des limites quand j’ai réalisé que j’avais plus d’idée que je n’avais de temps et donc, pour donner une énergie nouvelle au projet, j’ai cherché quelqu’un pour faire de la musique. Après avoir parlé à David en ligne, cette idée d’une sorte de jeu d’exploration ludique nous est venue. Ou la musique est construite à partir des choses qui se trouvent autour de vous. Depuis, j’ai tenté d’y ajouter des choses plus traditionnelles, mais rien ne semblait fonctionner et il s’est avéré que tout s’engageait dans la direction actuelle. J’aime votre choix du mot « rafraichissant », plusieurs personnes ont également dit la même chose à propos du jeu. Ils s’y sentent très libres, en quelque sorte.

D’où vient ce style graphique particulier ?

De plusieurs itérations. À l’origine, j’avais de plus traditionnels sprites en 16×16 pixels puis j’ai essayé les arbres en 3D « low-polygon », puis réalisé que cela allait prendre trop de temps à créer. Alors, j’ai commencé à expérimenter des façons plus singulières de construire des objets 3D avec des polygones. Je pense que cela est inspiré de personnes comme Cactus mais aussi par le fait de travailler avec les « bases » de ce medium et de trouver un chemin de facilité pour créer quelque chose d’intéressant. Depuis lors, il est question de l’affiner et d’essayer de travailler sur les limites fixées par ce style. J’ai récemment appris beaucoup sur la théorie des couleurs via quelques amis et je m’inspire de peintres surréalistes tels que Paul Nash pour réaliser des palettes assez sauvages par moments.

Parlez-nous un peu de la « narration » dans Proteus…

Proteus ne dispose que d’une légère histoire « fantôme » : vous vous réveillez flottant sur la mer, vous explorez une île mystérieuse et des ruines antiques avec un mélange de créatures naturelles et surréalistes. Puis c’est la fin. Il n’y a aucun texte dans le jeu : nous essayons de garder les choses tout à fait ambiguës et oniriques. D’un certain point de vue, il est à peu de distance de l’idée derrière Dwarf Fortress : une machine permettant de générer de petites histoires et moments. Je tiens absolument à travailler davantage sur cet aspect, de sorte que plus le joueur observe, plus il fait de découvertes, sans que rien ne soit expliqué de façon explicite. Il s’agit d’une sorte d’histoire qui m’amuse dans d’autres médias, celle où votre imagination dispose d’un espace à parcourir.

Pouvez-vous nous en dire plus sur les ajouts à venir dans Proteus ?

Actuellement, je travaille sur une fonctionalité qui permettrait de faire une « capture » d’écran en plein jeu, qui pourrait ensuite re-générer le monde ou cette capture a été prise. Je donnerais plus d’informations à ce sujet, mais l’idée est que vous puissiez partager des mondes avec d’autres personnes. Peut-être que si le même monde est partagé de façon répétée, alors des « souvenirs » s’y construiront ?
En dehors de cela nous allons ajouter de nouvelles créatures, lieux et de la musique. Le jeu sera aussi plus raffiné techniquement, avec une meilleure sélection de la résolution histoire que cela passe bien mieux sur un téléviseur.

Que devrions-nous nous attendre à voir débarquer très rapidement dans la version Bêta actuellement disponible ?

La version actuelle possède quatre saisons, chacune avec des paysages sonores différents et environ… oooh… au moins 15 choses à découvrir. Je ne sais pas si quelqu’un a déjà tout trouvé. En théorie, il est possible de tout voir sur une seule partie puisque rien n’est « verrouillé », mais c’est peu probable. Selon un bon nombre de joueurs auxquels j’ai parlé, cette version est déjà bien complète et il est facile de vous y plonger en y restant plus longtemps que prévu.

Une version Artefact est aussi disponible. Quelle est la particularité de cette édition ?

Il s’agit d’une édition limitée (*), d’une édition physique en boite contenant un CD Audio de la « Proteus Suite » et quelques contenus exclusifs autour du jeu tels que des Builds expérimentaux racontant l’histoire du projet. Il y aura aussi quelques pochettes et livres qui ajouteront un peu d’univers à Proteus en quelque sorte. Ce sera probablement en grande partie fait à la main et très personnalisé. Je ne sais pas comment cela va nous aider financièrement, puisque nous ne savons toujours pas quels seront les couts de production !
(* Nous ne savons pas exactement à combien. Il y a eu environ 160 précommandes pour cette édition à ce jour et à un certain point, nous allons décider de poser une limite et d’envoyer les premières commandes)

Vous envisagez déjà un mode multijoueur à Proteus. N’avez-vous pas peur d’y perdre toute poésie ?

Je pense que le multijoueur sera une sorte de « meta-système » du jeu, comme l’idée de partage précédemment expliquée. Je pourrais trouver le temps de me pencher sur le concept de plusieurs joueurs qui explorent le monde en même temps, mais ce doit être examiné très soigneusement. Quoi que nous fassions, le mode « actuel » existera toujours, avec rien d’intrusif pouvant briser l’immersion.

Proteus sortira-t-il sur d’autres plateformes ?

Oui. Des versions OSx et Linux devraient débarquer dans les prochains mois. Toutes les versions sont incluses dans le prix de vente et les autres versions devraient être prêtes avant la fin de la période de bêta, avec un prix en précommande toujours en vigueur. Il y a eu quelques personnes qui nous ont posé des questions sur une version iPad et c’est une chose à laquelle nous réfléchissons pour l’avenir.

Vous êtes allées à la GDC, un grand événement pour votre jeu. Avez-vous été bien accueilli ?

Ce fut une véritable aventure ! Nous avons eu de bons retours en général. Bien sûr il y a eu des gens qui n’ont pas réellement aimé et qui semblaient très confus, mais dans l’ensemble c’était super. Il était particulièrement amusant de voir certains développeurs célèbres jouer : Tim Schafer et Jenova Chen ont jeté un coup d’oeil sur le stand et ont semblé apprécier. Nous avons également eu la chance de voir le jeu tourner via un projecteur dans une salle du Venus Patrol / Wild Rumpus, qui fut assez fréquentée toute la soirée. C’était vraiment très intéressant et surprenant de voir comment cela fonctionnait dans ce cadre.

Vous avez prévu de venir présenter Proteus dans d’autres événements, cette année ?

Nous n’avons encore rien de prévu, mais nous l’espérons ! Ce serait bien de venir à quelques-uns des événements européens.

Petite question indiscrète : Quels sont vos jeux indépendants préférés de cette année écoulée ?

J’ai une tonne de jeu à rattraper, mais JS Joust a probablement été l’un de mes souvenirs forts de cette année : jouer sur les dunes dans la Vallée de la Mort dans le cadre d’un « road trip » sur le chemin de l’Indicade en octobre dernier. J’ai aussi vraiment apprécié Atom Zombie Smasher et FTL.

Et votre « gros jeu » préféré ?

Pour le moment, probablement Skyrim. Il a beaucoup de défauts, mais c’est un grand monde et les quêtes et les combats fonctionnent assez bien pour être mon « éteins, c’est presque l’heure de se coucher » jeu du moment.

Bravo pour Proteus et merci de votre accessibilité !

Merci !

* Si vous aussi vous voulez vous plonger dans le monde poétique de Proteus, n’hésitez pas à vous rendre sur le site officiel du jeu !

0 réflexion au sujet de « Interview – Ed Key (Proteus) »

  1. Excellente interview !
    Proteus est une perle, et m’a fait ressentir des trucs que je n’avais ressenti dans aucun autre jeu. J’y retourne encore de temps en temps, juste pour passer le temps, et le trouve déjà bien abouti dans sa forme actuelle.

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