The YAWHG

Dans six semaines, le Yawhg sera là. Dans six semaines seulement. Il amènera avec lui la fin du monde, inévitable angoisse pour qui le sait. Quatre individus qui ne se connaissent pas vont chacun vivre ce qui leur reste de temps sans savoir ce qui se dessine pour eux à l’horizon. Deux hommes et deux femmes composent le quatuor d’acteurs de cette comédie tragique. Choisissez-en deux au minimum, jusqu’à quatre au maximum. Il se joue, à la manette ou au clavier, seul ou à plusieurs, comme un visual novel, un roman audio et visuel. Personne n’est animé, il n’y a que de l’image fixe et du texte, un peu de musique et quelques choix à faire avant d’arriver au terme de ce jeu narratif.

Tristesse magnifique

Il n’y a pas d’animations, pas de 3D, ni rien de très compliqué à l’écran. « The Yawhg » est un jeu à texte qui rappelle un Zork en moins complexe. L’écriture, subtile et réussie, y a une importance capitale, et son écrin visuel est peut-être même superflu. Pour autant, c’est magnifique et on ne s’en plaindra pas.

D’un point de vue stylistique, on a l’impression de retrouver une bande dessinée de Craig Thomson, Bastien Vives ou encore Blain. Le trait est soigné et délicat, avec juste ce qu’il faut de détails et de significations visuelles pour ne pas tomber dans la débauche vulgaire. Les couleurs en aplats, les visages, tout y beau, jusque dans son titre. Bien évidemment, mon appréciation en la matière est personnelle, mais il serait difficile à quiconque de réfuter l’idée que « The Yawhg » est graphiquement très agréable.

Et les oreilles ne sont pas en reste. S’il n’y a pas de véritables environnement sonore, les musiques comptent parmi les plus savoureuses qu’il m’ait été donné d’écouter dans un jeu vidéo. Elles sont l’œuvre de Dualryan (ou Ryan Roth), qui a déjà officié sur des jeux comme « Electronic Superjoy » ou « Starseed Pilgrim ». J’émettrai une petite préférence pour la musique de l’écran titre,  »Oceans », qui est accompagnée d’une très belle voix chantant tout en délicatesse. La mélancolie transpire véritablement au travers de chacune des notes de cette partition musicale. Un véritable plaisir auditif, oui monsieur !

Un jeu narratif en tour par tour

« The Yawhg » est découpé en six actes, un pour chaque semaine avant la fin. Il faudra choisir un lieu comptant parmi les endroits les plus importants de la cité fortifiée où se situe l’action. Que cela soit à la tour des magiciens, la taverne, l’hôpital, le palais royal ou là forêt, deux activités vous sont en général proposées. Les événements qui s’y déroulent sont sensiblement différents d’une partie à l’autre. Lors de cette activité, il vous sera demandé de faire un choix, et de celui-ci découlera un gain ou la perte de points, vos personnages bénéficiant de statistiques comme la finesse, le charme, la force, la richesse, etc.

Ces points ont leur importance pour la réussite de futures tâches que vous aurez à accomplir. Si votre personnage est faible en magie, évitez lui d’effectuer une corvée en rapport avec et prenez plutôt l’autre option. Bien qu’étant limités à l’échelle d’un jeu forcément restreint par le cadre de son histoire, vos choix auront une influence directe sur la fin que ces hommes et femmes rencontreront, voire même sur l’histoire en cours (en rendant certains bâtiments inaccessibles).

Car quand le Yawhg arrivera, il ne laissera plus que poussière et destruction derrière lui, et, une dernière décision devra être prise selon les résultats obtenus au travers de ces six semaines. Cette décision portera sur le dernier rôle que devront jouer nos quatre comparses. Que feront-ils face à la cité ravagée ? Choisiront-ils d’aider à sa reconstruction ou resteront-il froids à sa souffrance ?

La fin du monde est proche

« The Yawhg » est de ces jeux qui arrivent à vous accrocher grâce à la douce alchimie entre ce que l’œil voit, ce que l’oreille entend, et ce que le cerveau comprend. Le tout forme une expérience qui arrive à rester là, quelque part dans la tête, ou le cœur si l’on veut faire dans le sentimentalisme. C’est assez difficilement descriptible, chacun pouvant réagir différemment.

Jouant beaucoup sur la mélancolie et le fatalisme de nos vies humaines, l’expérience peut laisser un goût amer. Peu importe nos efforts, et peu importe que les choses s’arrangent pour la cité, nos héros concluront leur épopée sur une dernière note au goût d’échec. Ainsi va la vie, avec ses hauts et ses bas, et c’est peut-être pour cela que ce jeu arrive si bien à toucher du doigt ce quelque chose d’absolu.

« The Yawhg » dure le temps d’un album de musique folk dont les notes nous bercent de sa douce tristesse. L’aventure y est fugace, une demie heure de votre existence tout au plus. Mais pour qui saura se laisser avoir par son récit, il y aura peut-être quelque chose à y gagner. C’est une parenthèse enchantée, un jeu narratif et uniquement ça, où vos choix influencent sa conclusion. Si ce n’est pas votre truc, passez donc votre chemin à regret.

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