Endless Legend

Après le coup de maître réalisé avec Endless Space, Amplitude Studios était attendu au tournant pour son nouveau 4X : Endless Legend. Finies les pérégrinations spatiales, retour sur terre dans une ambiance plus classique et Fantasy, aux origines de la mythologie Endless. Le résultat est-il à la hauteur des attentes suscitées ?

Des bases solides

Legend n’entend pas révolutionner le 4X, mais construire autour d’acquis éprouvés sa propre personnalité, en distillant çà et là quelques idées innovantes et intéressantes. Ainsi on retrouve sans surprise le système classique nourriture/science/industrie/monnaie, qui forme la base de la partie gestion du jeu. Un ensemble de Recherches à effectuer, des colons pour fonder de nouvelles citées, des armées à construire pour défendre son empire et/ou l’étendre, un système diplomatique pour gérer ses relations extérieures, des conditions de victoire variées basées sur les différentes orientations stratégiques possibles, on retrouve la panoplie habituelle, qui a fait ses preuves. En termes de gameplay et de mise en forme, Amplitude Studios a appliqué à Legend ce qu’il avait mis en place dans Space : la simplicité des écrans de synthèse, la facilité d’affectation des ressources humaines (que l’on déplace d’un simple glisser/déposer vers les différents postes de production), le système de création d’armées personnalisées, celui de file d’attente pour la construction de bâtiments, et bien sûr les Héros, ces personnages particuliers que l’on affecte à une cité ou une armée, leur conférant de nombreux bonus. Endless Legend s’appuie donc sur un socle solide, qui garantit à lui seul une expérience de jeu plaisante. Mais il va beaucoup plus loin.

Pousser les règles du jeu

En dépit de son classicisme apparent, le jeu regorge d’idées originales qui viennent approfondir ses possibilités. Une chose frappe alors : la plupart de ces points semblent avoir une motivation essentiellement ludique, découler d’une volonté de pousser le Jeu avant toute autre chose (là où l’on est plutôt habitués, avec la série des Civilizations notamment, à une conception qui tente de singer une certaine forme de réalité historique – du moins une réalité potentielle). L’arc des Recherches est particulièrement parlant à ce niveau. On retrouve tout de même une notion de progression historique dans la mesure où ces Recherches sont regroupées en six grands groupes, qui forment six ères différentes. Pour accéder aux Recherches d’une ère donnée, il faudra auparavant avoir découvert neuf Recherches de l’ère précédente. Il n’y a pas de liens hiérarchiques en dehors de cela : toute Recherche d’une ère débloquée peut-être recherchée. Si l’on pourrait objecter que l’on risque de perdre légèrement en cohérence, force est de constater que ce système permet une réelle personnalisation des Recherches étudiées par le joueur, qui peut s’affranchir de passages obligés mais superflus du point de vue du jeu. Plus parlant encore : le coût des Recherches n’est pas fixe. Il dépend du nombre de Recherches découvertes (avec un modificateur pour chaque ère). En clair, à un instant donné, chaque Recherche d’une ère donnée a le même coût, et une fois découverte, le coût de la suivante augmente. La logique n’a pas de cohérence réelle, puisqu’une Recherche de la première ère que l’on ne se déciderait à étudier qu’en fin de jeu coûterait infiniment plus cher que si on l’avait étudiée en début de partie, alors même que notre empire est devenu bien plus performant. Mais la logique ludique est parfaite : le système offre une progression constante et maîtrisée, et favorise la diversification, puisqu’il abolit (au moins en partie) la « Recherche facile » permettant de glaner presque gratuitement l’ensemble des éléments à découvrir. Endless Legend, en augmentant le coût de ces Recherches que l’on n’a pas souhaité prioriser, pousse à les laisser réellement de côté et à se tourner vers celles de l’ère suivante, sans avoir donc découvert tel bâtiment, telle ressource ou telle possibilité diplomatique. La logique est purement ludique, et s’avère particulièrement efficace.

De la variété du jeu et des peuples

On retrouve cette importance du Jeu dans la conception des huit factions proposées par Endless Legend (sachant qu’il est en plus possible de créer sa propre faction de toute pièce). Ces dernières sont en effet clairement différenciées, et offrent chacune un élément de gameplay qui lui est propre, influençant nécessairement la façon d’aborder une partie. Il s’agit de jouer différemment chaque peuple. Ainsi les Necrophages, par exemple, souffrent de pénalités concernant la production de nourriture, mais chaque ennemi détruit participe à la création d’une réserve particulière de nourriture recyclée qui servira à nourrir une cité. Les Ardent Mages ont la capacité de créer des piliers qui viennent temporairement améliorer le rendement des diverses productions. Les Broken Lords ne peuvent en aucun cas utiliser la nourriture, qu’ils remplacent par l’argent (qui leur sert donc à augmenter leur population). Toutes ces variations orientent le gameplay, et donc l’expérience de jeu. Bien sûr, en plus de ces éléments, chaque faction dispose de ses propres unités militaires, et des quelques Recherches uniques dédiées. De quoi recommencer le jeu au moins huit fois les yeux fermés, ce qui ne sera pas de trop pour explorer et exploiter au mieux les nombreuses spécificités que propose Endless Legend…

Une foule d’idées qui approfondissent le jeu

Amplitude Studios n’a en effet pas lésiné sur les originalités. Commençons par les différentes ressources. Comme dans Endless Space, on trouve dans Legend un certain nombre de ressources rares, dont il faut exploiter les gisements. Pour chacune de ces ressources particulières, si le stock est suffisant, il est possible d’acheter un booster, qui offrira des bonus divers, différents selon la ressource utilisée : amélioration du moral, de l’attaque des unités militaires, de la production de nourriture… La faction des Vaulters peut même utiliser un autre type particulier de ressources (les ressources « stratégiques », qui permettent la construction de certains bâtiments avancés) pour effectuer des téléportation ou avoir accès à des boosters spécifiques. Cela ouvre la voie à une belle palette de possibilités de gestion.

Autre point intéressant : un peu comme on a pu le voir dans Horizon, Endless Legend se pare d’un certain aspect narratif en proposant des quêtes. Chaque faction dispose d’une quête principale, racontant une histoire à travers de nombreuses étapes auxquelles sont assignées divers objectifs. De plus, d’autres quêtes annexes sont régulièrement glanées par le joueur, lorsqu’il entre en contact avec des factions mineures (peuplades locales neutres). Réussir ces dernières permet d’assimiler ces factions spéciales (cela est également possible en les achetant ou en les soumettant par la force)… ce qui octroie de nouveaux bonus au niveau de l’empire (inutile de dire que ces bonus varient selon la faction assimilée). On regrettera que la partie narrative elle-même (le texte de background) peine à se rendre véritablement intéressante, si bien que l’on se focalise bien vite sur l’objectif plus que sur le contexte. Mais après tout, comme on l’a dit : l’important, c’est le Jeu.

Il faut encore mentionner l’existence d’une planification politique qui vient impacter l’ensemble de l’empire. Régulièrement, il est demandé au joueur de définir son plan politique pour les tours à venir. Il en coûte un certain nombre de points d’influence, que l’on investit dans les domaines prioritaires : améliorations militaires, bonus à la production de science, au moral… Encore et toujours plus de profondeur de gestion.

Signalons enfin l’hiver. La planète se refroidit peu à peu, et régulièrement survient l’hiver, qui impacte la production (baisse des récoltes de nourriture, notamment) et diminue grandement les mouvements des unités. Ces phases obligent à modifier la gestion de ses cités pour s’adapter aux nouveaux paramètres, et influent fortement sur les mouvements militaires, considérablement ralentis. Si le principe est intéressant, il est tout de même dommage que l’hiver se fasse de plus en plus fréquent au fur et à mesure que la partie avance : lorsque le jeu s’éternise, l’on doit faire face à un hiver quasi-permanent, qui ralentit d’autant plus le jeu.

L’eXpansion des cités

Les cités elles-mêmes ont fait l’objet d’un traitement particulier. Tout d’abord, il faut savoir que le monde d’Endless Legend est composé de régions, chaque région ne pouvant contenir qu’une seule cité, une faction mineure (qui peut toutefois se composer de plusieurs villages), et un certain nombre de gisements de ressources spéciales. Comme dans Might and Magic Heroes VI, capturer une cité permet d’acquérir immédiatement le contrôle de l’ensemble de la région.

Une fois la cité fondée, il est encore possible de l’étendre, en construisant des districts lorsque la population est suffisamment nombreuse. Au départ, la cité n’est qu’un hexagone, qui permet d’exploiter les six hexagones adjacents. Le district est positionné à la place de l’un de ces hexagones exploités, et permet à son tour d’exploiter les nouveaux hexagones adjacents. Petit à petit, les cités s’étendent donc, et se muent en véritables mégalopoles super-productrices.

Apprendre de ses erreurs

Abordons enfin l’un des aspects essentiels de tout 4X : les combats. C’était sans doute l’un des rares défauts de Endless Space, qui n’était pas vraiment parvenu à les rendre réellement intéressants. Avec Legend, Amplitude Studios corrige le tir de fort belle manière. Lors d’un affrontement, le jeu bascule en vue tactique : le champ de bataille se définit autour des hexagones sur lesquels se trouvent les unités prenant part au combat. On retrouve dans les affrontements de Legend quelques caractéristiques qui rappellent la série des Heroes of Might and Magic. Ainsi, chaque unité dispose de compétences qui lui sont propres (riposte, attaque à distance, frappe qui touche tous les hexagones adjacents, etc…), et elles sont contrôlées par le joueur selon une barre d’initiative. La particularité intéressante est qu’ici, les ordres sont donnés aux combattants en début de tour, puis ils sont tous résolus. Il se peut donc que des déplacements ou des manœuvres offensives soient perturbées par un mouvement non anticipé.

Les Héros peuvent être affectés aux armées. Ils prennent part au combat également, et apportent divers bonus, selon la façon dont le joueur les a fait évoluer. Mieux, ils disposent d’un équipement permettant d’acquérir de nouvelles compétences ou d’améliorer leurs caractéristiques. Ce système d’équipement peut d’ailleurs être appliqué aux unités : en modifiant leurs armes ou armures, il est possible de créer un nouveau schéma d’armée, un nouveau type d’unité que l’on pourra construire. Le système permet donc de personnaliser ses forces militaires et de prendre part à des affrontements tactiques intéressants (il demeure toutefois possible de résoudre les combats automatiquement pour les plus pressés), tirant partie de la topographie. Une belle réussite.

Conclusion

Si Legend ne révolutionne pas le 4X, en se basant essentiellement sur un socle qui a fait ses preuves, force est de constater que ses nombreuses spécificités lui confèrent une identité unique et en font une franche réussite. Objet ludique pensé pour le Jeu, il représente à merveille l’effet « allez, encore un tour », qui se perd généralement dans le temps et ne s’achève qu’au petit matin. Endless Space avait fait d’Amplitude un studio à surveiller de près. Endless Legend en fait tout simplement une référence.

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