Dropsy

Les clowns en auront certainement traumatisé plus d’un pendant l’enfance, faisant de nous des coulrophobiques en puissance. Tim Curry, dans son inoubliable interprétation de Ça, a dû en être au moins responsable en partie. Mais plutôt que de venir hanter un peu plus vos cauchemars avec du maquillage bon marché et de gros nez rouges en plastique, Dropsy devrait vous réconcilier avec ces êtres incompris. Une seule chose à retenir : ne jamais juger un livre sur sa couverture.

Il est revenu

Au commencement, il m’a semblé difficile d’imaginer Dropsy comme autre chose qu’une aventure glauquissime. Pourtant, à mesure que nous faisions connaissance, les premières couches de peinture s’étiolèrent pour laisser apparaître son véritable visage. L’étrangeté de sa dégaine ne jouait pas en sa faveur il est vrai. Il faut savoir que malgré son visage difforme et sa corpulence imposante, derrière se cache une boule de tendresse qui n’attend qu’une seule chose, répandre l’amour autour de lui. C’est là que ça commence à devenir réellement bizarre. Contre toute attente, ce n’est pas un jeu simplement dérangeant et dérangé. C’est un jeu d’aventure qui déborde d’optimisme autant que son ton est décalé.

Il y a tout de même du chemin à faire avant de le comprendre. Il faut dire que dans Dropsy, personne ne parle autrement que par du baragouinage. Il n’y a donc pas de dialogues à proprement parler si ce n’est des pictogrammes dans des phylactères. Même les textes affichés à l’écran sont dans un langage difficile à interpréter. C’est un peu comme si nous regardions le monde à travers les yeux de notre nouvel ami le clown. Et ces yeux-là font parfois penser à ceux d’un enfant.

Bien qu’il déborde de candeur, Dropsy n’en reste pas moins rejeté par la plupart de ses pairs. Une attitude enfantine dans un corps d’adulte, cela ferait repousser la plupart des gens dits « normaux. » Ne leur en déplaise, notre clownesque personnage ne se laissera pas abattre, et comme autant d’énigmes à résoudre, va tenter d’aider le plus de personnes en détresse possible, que celle-ci soit triviale ou de première importance. La récompense est toujours un câlin. L’affection des uns et le bonheur des autres, c’est ce que recherche Dropsy.

Bien évidemment, la bizarrerie en fait partie intégrante. Quand il dort, il fait des cauchemars qui mettent mal à l’aise. Quand il regarde un peu trop dans le miroir, son reflet finit par devenir trop réaliste au point de l’effrayer, et avec lui le joueur. Il y a tout le long de son hugventure une ambiance inquiétante qui plane au-dessus de l’île sur laquelle cette histoire prend place. Entre de vieilles ruines mystérieuses, un promoteur immobilier aux motivations incertaines, une galerie de loosers patentés et bien d’autres choses encore, nous ne sommes clairement pas dans un jeu au ton conventionnel.

Un monde ouvert

Il est assez difficile dans un premier temps de savoir où aller et surtout ce qu’il faut faire. Étant donné que l’on ne peut comprendre explicitement ce que l’on nous dit, il arrive bien souvent que nous soyons laissé à devoir interpréter ce qui se passe. Dropsy est sur le fond un point and click à l’ancienne. Il ne dérive jamais très loin de la formule consacrée et se permet des énigmes parfois farfelues autant que réussies. Sachant que rien ne semble être la norme dans ce petit monde, il faudra parfois se creuser les méninges sans pour autant avoir à s’arracher les cheveux. La chasse aux pixels reste modérée, et, dans son ensemble, la logique l’emporte toujours.

L’intrigue principale de Dropsy est assez linéaire. Aider les autres ne sont que des à-côtés qu’il n’est pas toujours nécessaire d’accomplir. Heureusement, une carte de l’île vous indiquera par moment où aller pour enchaîner la suite de l’histoire, car il faut l’avouer, elle n’est pas toujours très claire au début. Donc, découvrir et résoudre les petits soucis de vos voisins vous appartiendra à vous, et à vous seul. C’est dans ces moments que Dropsy arrête d’être linéaire. Chose étrange pour un jeu d’aventure, il est en monde ouvert. Notre héros du quotidien peut se rendre absolument partout ou presque. C’est peut-être là que se trouve son principal défaut. Cette ouverture des chemins amène son lot d’allers-retours qui peuvent se révéler lourds par moments.

Ce problème sera cependant vite résolu par la présence d’une voiture – de clown bien évidemment – qui facilitera les déplacements d’un point à l’autre de la carte. Dans sa quête d’objets nécessaires à la poursuite de ses desseins, Dropsy pourra compter sur l’aide de son petit chien. Il trouvera également des amis et du support en une petite souris et un oisillon sachant à peine voler, quand il s’agira de se faufiler dans des endroits autrement inaccessibles pour notre clown corpulent. Il n’y a cependant pas énormément d’actions possibles. Le bouton gauche de la souris sert à utiliser, actionner, parler ou observer tout à la fois. C’est le contexte et le rôle de l’objet ou de la personne avec lesquels on interagit qui vont déterminer le résultat d’un clic gauche.

Ce n’est pas pour autant qu’il n’est pas amusant, ni complexe. De ce point de vue, c’est un point and click très réussi. Sa réalisation n’est pas en reste avec ses gros pixels, son monde plein de vie, ses couleurs pastels et ses décors toujours étonnants. Sa bande-son est incroyable de variété avec ses rythmiques entêtantes. D’ailleurs, bien que les morceaux soient très différents les uns des autres, le tout cohabite parfaitement ensemble. La musique est un des gros plus de Dropsy. Indéniablement. Mais c’est plutôt du côté de son histoire qu’il détonne.

Ce qui partait comme une intrigue bizarre finit par devenir un plaidoyer en l’honneur des gens mis au ban de la société. Les malades, les dépressifs, les rebelles, ceux qui ne rentrent pas dans le moule sont mis ici en avant. Le plus drôle étant qu’ils seront sauvés de leur misère en trouvant du réconfort auprès du plus rejeté d’entre tous, Dropsy le clown mal aimé. Mal aimé et ensuite adoré. En apportant une main tendue aux autres, notre héros de tous les jours se voit recevoir en retour toute l’affection qu’il pouvait rechercher.

Cela n’était pourtant pas évident dès le départ. Dropsy est en vérité un être fragile qui a beaucoup souffert, notamment de la perte de sa mère qui a été causée en partie par sa faute. Ce qui peut aussi expliquer que sa clownerie ne soit pas du goût de tous. Le final de cette aventure difficilement descriptible est par conséquent surprenant et inattendu.

Après être allé de surprise en surprise, ce point d’orgue dans l’histoire arrive comme une évidence presque normale, que l’on accepte parce qu’après tout, il en aurait pu être difficilement autrement. Habitué depuis le début à son atmosphère étrange, la conclusion étonnante n’est finalement que la fin idéale pour un jeu qui aura su malgré tout à nous apprendre à ne pas juger les autres sur leur apparence. Et puis surtout, un peu de tendresse bordel !

Conclusion

Dropsy démarre sur des chapiteaux de roues en nous balançant à la figure un univers comme en on voit rarement. C’est un jeu d’aventure, on l’aura compris. Bien qu’il n’innove que peu ou pas de ce côté-là, il tient admirablement la route en nous offrant plusieurs heures de câlins à gagner à la force de nos méninges. Sa force tient surtout dans l’équilibre entre son excentricité et sa capacité à nous toucher émotionnellement. C’est une très jolie histoire que voilà qui parvient à nous surprendre régulièrement. Et ça, c’est déjà pas mal. Ne sous-estimez jamais la force d’une étreinte passionnée.

 

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