J’ai vraiment beaucoup de mal à me faire aux Point & Click. Trop verbeux, trop tirés par les cheveux (« défoncer un matelas avec un compas, récupérer un ressort et fabriquer une microfusée avant de parler au garde 3 fois, puis finir de mentionner le déjeuner de la belle-tante ») et qui donnent cette impression de déjà-vu (pourquoi doit-on utiliser presque systématiquement du papier toilette ? Pourquoi mon personnage est-il toujours amnésique ?). Alors quand GSS me propose un petit P&C casu’ tout mimi qui sort du lot artistiquement parlant, je saute dessus.
Un petit homme oui, mais un grand héraut
Feste est un héraut, c’est-à-dire un messager qui officie la transmission de nouvelles et commandes importantes. Le royaume est en danger et il semble bien qu’il soit le seul encore capable de transmettre un appel à l’aide aux héros qui voudront bien sauver le comté. Problème : ce gros paresseux et pleurnichard de Feste n’aime pas son rôle et préférerait plutôt bien roupiller encore un peu plus. De fil en aiguille, il sera donc poussé, malgré lui, dans des péripéties qui le mèneront à sa tâche et par des personnages – tous très attachants – qui voient en lui un homme bien plus courageux que ce qu’il ne paraît.
C’est donc un jeu que l’on découvre sous forme de petit conte aussi bien dans son fond que sa forme. Si vous avez des enfants, c’est l’occasion idéale de jouer avec eux s’ils sont très jeunes (4-5 ans) voire de les laisser faire tout seuls s’ils sont un peu plus grands et savent lire – à part quelques mots comme « héraut » le reste me semble très accessible. Si j’insiste sur l’aspect jeunesse, c’est que le gameplay est aussi très dirigiste. Premièrement le passage à chaque tableau se fait automatiquement, permettant au joueur de se concentrer sur l’histoire, les énigmes et les mini-jeux mais en plus parce que Message Quest ne nous encombre pas d’un inventaire. On enchaîne donc dynamiquement les scénettes de façon très fluide (chose assez originale pour le souligner, le jeu nous permet de sélectionner les répliques de dialogues de n’importe quel protagoniste), presque en pilotage automatique, quand le jeu nous abandonne quelques fois sur un tableau pour nous faire chercher l’élément qui fera poursuivre l’histoire.
Si les phases de recherche n’ont rien de trop difficile, les mini-jeux logiques, non plus, ne devraient pas poser de problèmes aux plus jeunes, si ce n’est ces phases de combat au tour par tour, véritables pastiches – simplifiées toutefois – du genre : une femme enceinte qui invoque ses enfants faisant culpabiliser le père et lui faire des PV, Feste qui se décide à faire du sport pour « blesser » le fantôme qui symbolise sa paresse, … c’est dans le second degré sans jamais être trash ; les lecteurs les plus jeunes s’amuseront et les plus grands y verront là de chouettes clins d’œil. On est donc dans le format classique du conte, avec ses personnages fantasmés et archétypaux, à la fois très accessibles mais permettant toutefois une seconde lecture aux plus grands.
Deux-points trois
Ce qui finit par compléter le charme de Message Quest, si ce n’est le chara design très appréciable, c’est indubitablement sa direction artistique. Du menu jusqu’à l’interface, tout est fait de vitrail, jusqu’à une fidélité qui force le respect. De même, les animations sont richement variées, donnant un petit aspect théâtre de papier. Et quant aux dialogues, on a le droit à ce qui semble être du russe, mais en peu plus simplifié (on entend quelques tournures qui reviennent bien souvent), assez comiques tant elles sont exotiques à nos oreilles et finissent par compléter le charme indéniable de Message Quest. Enfin, pour revenir au texte, je me permets de souligner la traduction française avec mention très bien, tant c’est rare pour de nombreux petits jeux.
Enfin des bien grands mots mais je pense toutefois que le jeu pouvait faire un peu plus ambitieux narrativement parlant, le dénouement étant bien trop expédié à mon goût et le jeu manquant quand même de moments cultes. J’ai aussi trouvé quelques click-and-drag assez poussifs par moment, je suppose que c’est plus confortable sur tablette. Soit, le jeu des Russes s’en sort tout de même brillamment. On a là un titre bien fini et on sent là le travail passionné des quatre gars du studio indépendant de Royal Troupe. Au prix proposé et peu importe votre âge, faites-vous plaisir et offrez-vous cette petite friandise qui réchauffera votre cœur bien triste en ces temps un peu sombres.