Désiré

Un petit garçon qui ne voit pas les couleurs, ça présage d’une histoire poétique. Vraiment ? C’est ce que vous croyez ? Vous ne vous êtes jamais autant fourvoyés. Attention, spoilers !


L’indésirable

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Profitez de cette introduction à l’esprit enfantin, la suite est sale, très sale.

Il y a comme un hic, un décalage étrange qui survient dès le début du jeu. Après une introduction présentée dans une veine enfantine nous voilà confrontés à un vieillard grossier (de quoi vous faire comprendre directement l’avertissement « déconseillé aux moins de 16 ans »). Ce personnage va évoquer de façon crue les penchants homosexuels du petit Désiré et l’inciter à se venger d’un de ses camarades de classe qui le persécute. On sent que ce vieillard est là pour faire passer un message, pour aider Désiré à être plus fort mais les choses sont amenées d’une manière beaucoup trop maladroite. Le message important est dilué dans des répliques grivoises qui semblent juste avoir été mises là pour faire rire.

Ensuite, le jeu tombe dans la facilité. Vous savez les histoires du genre « j’ai besoin de faire du chantage au prêtre, hum… une VHS contenant des images à caractère pédopornographie devrait faire l’affaire ». C’est facile, trop facile. Cette première partie qui se consacre à l’enfance de Désiré va d’ailleurs se conclure de la pire façon qui soit, et pour le coup le ressenti « société de merde » sera bien présent (« et celui de sale gamin égoïste » sera bien là aussi, croyez-moi).

Que va faire Désiré alors qu’il a en sa possession la preuve qui pourrait inculper le psychologue du quartier quant à ses penchants pédophiles et empêcher ainsi qu’il ne tripote d’autres gamines ?

  • Réponse 1 : aller la remettre à la police, c’est logique !
  • Réponse 2 : la remettre au prêtre pour qu’il s’en serve comme vide-couilles en échange d’un badge qui permettra au mignon petit Désiré de faire des photocopies de la photo volée de son camarade qui se la secoue dans les toilettes, afin de satisfaire son envie de vengeance.
  • Réponse 3 : cherche pas plus loin c’est la réponse 2.

C’est désolant. Désiré est une ordure, un odieux personnage égocentrique.


Une narration touche-à-tout qui s’éparpille maladroitement

Le jeu tente maladroitement d'évoquer une multitude de débats de société.
Le jeu tente maladroitement d’évoquer une multitude de débats de société.

La seconde partie qui nous présente un Désiré jeune adulte m’a donnée envie de me facepalmer une bonne dizaine de fois au vue de ses techniques de drague lourdingues et insistantes. T’as de la chance que la nana n’ait pas appelé les flics, à ce compte-là c’est du harcèlement ! Désiré, c’est le type le plus mal nommé qui soit.

Mais le plus important reste ici la narration qui s’éparpille dans tous les sens. Au menu : critique de l’industrie du jeu vidéo, leçons d’écologie, militantisme pro-mariage gay et féminisme exacerbé. Tout cela avec des PNJ pas originaux pour un sou, bien ancrés dans leur caricature. Alors même que certains arguments étaient pertinents, notamment concernant l’industrie vidéoludique qui crache sur le jeu indépendant et qui sacrifie la créativité pour miser sur des concepts anti-novateurs mais rentables. C’est une bonne initiative de vouloir dénoncer ces pratiques mais encore ne faut-il pas polluer le message avec d’autres débats surtout si ce n’est que pour les évoquer lors d’un unique et succinct dialogue. C’est un peu comme si l’équipe de développement avait pioché des mots-clés dans un sac :
– Et l’écologie on n’en parle pas ?
– Ah mince, on va mettre deux phrases dans ce sens-là tiens, bonne idée !


Cachez ce vagin que je ne saurais voir.

Je ne vais pas non plus m’attarder sur les moments où le jeu tente de créer lui-même la polémique comme au moment où Désiré commente ainsi le contenu d’une poubelle contenant un exemplaire de Charlie Hebdo : « ce torchon mesquin a enfin trouvé sa place ». Non je ne vais pas créer de débat. Non.
Et puis bon on l’avait compris, Désiré est une raclure. Il continue sur sa lancée et va organiser une machination pour faire virer un collègue dans le seul but d’obtenir un rendez-vous avec la fille évoquée plus haut. Celle qui n’est pas du tout intéressée, oui.
Pire. On atteint le point de non-retour lorsque Désiré va se rendre dans un club SM scatophile toujours dans le but d’arranger un rencard avec la fille. Eh oui, on avait pas encore eu notre dose de « choc » pour ce chapitre, voilà chose faite. Vous savez le plus ridicule dans tout ça ? Les animations faciales de Désiré. Toujours détaché de l’action, blasé, voire absent. Imaginez le décalage entre la tête qu’il tire et le dialogue de la domina SM qui lui explique les subtilités de la soirée scato qui se profile. L’envie de lui mettre une volée de beignes ne manque pas.

Alors quelles perversions nous réserve ce troisième acte... Oh My GOD !
Alors quelles perversions nous réserve ce troisième acte… Oh My GOD !

Le troisième acte cherche d’emblée à choquer avec son ouverture sur un club sobrement nommé « DSK » qui se présente comme un vagin avec son videur-morpion. J’en suis à combien de facepalm ? Il faut quand même le reconnaitre, le jeu est tellement invraisemblable qu’il en est drôle. Surtout quand le morpion va évoquer ses amis qui sont partis s’accrocher à d’autres poils de cul (non, je ne suis pas vulgaire, le jeu l’est à ma place).

Et comme si le jeu faisait une encyclopédie des déviances sexuelles on aura droit à un soupçon de zoophilie et on se fera tartiner une nouvelle couche de pédophilie sur la biscotte. Sauf que cette fois le crime est minimisé. Oui, le type en question est un ami de Désiré donc « il ne fait rien de mal » et « les gens devraient plutôt s’occuper d’eux-mêmes ». Vous êtes sérieux les gars ?! Même si on ne parle que de détention de photos ou vidéos, cela reste un crime. Point.
A nouveau une critique sociétale intéressante se profile, ici sur l’immunité des hauts-fonctionnaires quant à leurs déviances mais n’est pas assez approfondie pour marquer les esprits.

Contre toute attente, le quatrième chapitre aborde un point de vue plus philosophique, plus humain. Comme si la vie de Désiré prenait enfin un sens, et, chose inattendue, on éprouve enfin de l’empathie pour lui (un peu, faut pas déconner) !

Niveau gameplay, le jeu reste un point & click classique qui présente peu de difficultés si ce n’est celles de sa construction linéaire. Par exemple, il m’est arrivé de bloquer sur une scène parce que je n’avais pas utilisé toutes les options de dialogue qui me permettraient de partir ou parce que je n’ai pas re-cliqué sur tel item et donc que les interactions avec d’autres objets sont bloquées. Moyen.


Au final, ce Désiré est à prendre avec des pincettes. A côté de ses pompes quant à la critique sociétale, trop peu profonde pour être prise en compte, le jeu semble avant tout miser sur la composante choc que ce soit voulu ou non. Il faut choisir : faire un jeu poétique et critique (le but de ce jeu si on s’en réfère à la page du store Steam) ou faire un jeu osé, drôle, un poil choquant. Allier les deux demande du tact et une certaine maitrise à côté de laquelle Désiré passe complètement, on va sans arrêt balancer entre critique sérieuse d’une société où tout va à vau-l’eau et scènes choc qui décrédibilisent l’objectif premier du jeu. Ça manque aussi d’un fil directeur, l’achromatopsie de Désiré passe au second plan et cette âme torturée (c’est ainsi qu’on nous le présente) n’est pas assez convaincante pour que l’on ressente de l’empathie pour elle, au contraire. On ne peut cependant pas nier que le jeu est artistiquement travaillé et propose une durée de vie des plus honnêtes pour son prix. Pour apprécier le jeu il vous faudra cependant être ouvert d’esprit et aimer les œuvres transgressives.

5 réflexions au sujet de “Désiré”

  1. Je joue à ce jeu depuis deux jours et je vais de surprise en surprise quand à la direction critique qu’il a… Je rejoins tout tes points de vues. La critique de Charlie Hebdo ma choque et je le demande si ce n’était pas ça le but. Mais pourquoi ? Bref. Jeu très bizarre par ses propos. Et la musique mais mon dieu…

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