ECHO

ECHO est l’œuvre d’un jeune studio composé d’anciens membres de IO Interactive. On ressent d’ailleurs dans le premier titre d’ULTRA ULTRA un zeste d’ADN extirpé à la série des Hitman. Il joue sur le registre de l’infiltration dans un contexte de science-fiction lorgnant un brin vers l’horreur avec son atmosphère angoissante. De son titre, il en tire sa respiration, l’écho se faisant aussi bien présent dans son gameplay que dans sa direction artistique. Un jeu assurément peu commun dans sa présentation qui saura également surprendre de par son abstraction de tout superflu.



Chambre de résonnance

ECHO verse dans l’économie d’effets même si cela ne semble pas apparent à première vue. En regardant au-delà de sa réalisation riche de détails, on trouve un jeu finalement très monacal dans son approche. Il n’y a pas de compétences à débloquer, notre seule arme de défense se résume à un pistolet doté d’un mode étourdissement ou létal, et pour le reste, on ne peut que se reposer sur la panoplie de mouvements restreints de sa protagoniste principale. Même son interface est réduite à sa plus simple expression. Ainsi, bien que En, notre héroïne, puisse sauter d’un étage ou deux grâce à sa combinaison perfectionnée absorbant le choc sans que cela lui soit fatal, elle ne pourra pas non plus courir indéfiniment, devant au final se reposer sur la patience, le sens de l’observation et des déplacements discrets pour se sortir de la situation complexe dans laquelle elle va s’enfermer. Tout commence quand la jeune femme sort d’un sommeil prolongé. Son premier et seul interlocuteur pour la durée de cette histoire sera une intelligence artificielle l’accueillant à son réveil. London, puisque tel est son nom, se fera le gardien, le conseiller et parfois même le moralisateur de En. Les deux ensemble forment le noyau central d’un scénario qui va s’écrire autour de leurs échanges verbaux. De par leurs discussions, nous serons amenés à en apprendre plus sur les raisons de la présence de En dans les environs d’un palace futuriste construit tel un labyrinthe devenu meurtrier. Nous en apprendrons plus sur les raisons qui la poussent à le traverser. Et enfin, nous finirons par mieux connaître ses espoirs, sa vie passée, sa famille et d’où elle vient. Même London finira par se révéler à nous dans ses faiblesses comme dans ses forces. ECHO est l’histoire d’une jeune femme qui a fuit les pressions sociales énormes qui reposaient sur ses épaules et qui a finalement décidé de ne plus en réchapper pour sauver un être devenu cher pour des raisons plus complexes qu’on pourrait le croire. C’est pour cela qu’elle décide de parcourir le dit palais en quête d’une solution.

ECHO se raconte dans un registre plus proche d’une science-fiction à L’Incal, les Metabarons, ou Dune. Comme dans ces œuvres, le récit ne s’embarrasse en vérité qu’assez peu de science, et lorgne presque plus du côté d’un mysticisme jouant sur le fantastique et le surnaturel. Bien que le palais en question ait été l’œuvre d’un peuple jadis tout puissant, qu’il soit le résultat d’une science et d’une mécanique très avancée, ECHO aborde son domaine de prédilection comme d’un nécessaire récipient pour mieux exposer le parcours introspectif d’une jeune femme devant faire face aux conséquences de ses choix comme de pouvoir enfin décider par elle-même de son propre sort arrivée à la conclusion de son voyage. Ce bout de chemin est cependant personnel et nous n’aurons pas notre mot à dire. Linéaire dans sa narration, on ne pourra pas influer l’issue de celle-ci. Notre seule liberté, et pas des moindres, va plutôt se traduire dans notre manière d’aborder chaque étage du fameux palais de la mort.



Un palais mimétique

Le concept d’ECHO tourne autour du mot qui est devenu son titre. Les ennemis comme le décor sont la manifestation d’un écho produit par l’entité que représente notre héroïne. Elle est le bruit qui se répercute comme autant de vagues sonores qui iront se répercuter à l’infini. Le décor du palais repose sur ce même principe. De l’extérieur, il n’est pourtant qu’un amas de tours en mauvais état reliées entre elles par des escaliers et des passerelles mal entretenues affirmant l’idée que ces lieux céans ont été abandonnés depuis longtemps. Ils participent à l’idée que ce palais est plus un tombeau qu’un lieu de vie et d’habitation. Et ce ne sont pas ses intérieurs qui vont nous dire le contraire. Une fois dedans, le palais se ranime à la mesure de nos pas. Il réagit aux impulsions des mouvements de En. Peu à peu, la lumière inonde et nous aveugle en révélant un lieu de beauté avec son infinité présumée de couloirs qui ont pourtant une finalité. La lumière enveloppante associée à un spectre de couleur principalement réduit à un jeu de nuances entre le noir et le blanc, souligne parfaitement une architecture qui se rêve à la Versaillaise avec ses moulures dorées ou argentées dans un style qui va osciller entre le baroque et l’art déco.

Derrière le magnifique se cache en vérité la banalité d’un système automatisé et froid plus proche d’une industrialisation en série de son architecture, que celle d’un bâtiment conçu par une humanité quelle qu’elle soit. Pourtant, malgré cette répétition crue se cache des respirations qui évite l’ennui de l’œil et de l’esprit. Si on a parfois le sentiment de se perdre, la conception de ces lieux est si précise que dans notre tête ils vont se dessiner de manière abstraite et compréhensible, notamment en jouant énormément sur la symétrie. Néanmoins, notre progression va très vite se complexifier à mesure que le palais se redémarre de manière répétée. C’est sans doute-là qu’il se dégage de ses murs froids un semblant de vie intelligente. De nos premiers pas, on en retire l’apparition d’étranges créatures difformes qui vont peu à peu après chaque redémarrage prendre la forme définitive de notre héroïne. Un redémarrage se traduit par une extinction totale des lumières nous plongeant dans un noir d’encre avec seulement la lampe torche de notre combinaison pour nous éclairer. Le contraste est saisissant nous faisant basculer dans une forme d’horreur subtile et incisive basée sur notre angoisse de l’inconnu.



L’ennemi est dans le miroir

Ainsi, après plusieurs cycles, nos ennemis auront définitivement pris le visage et la forme de En. Comme dans un effet miroir, ces doubles silencieux vont copier nos faits et gestes pour mieux tenter de nous tuer. Il y a pourtant une condition à leur évolution. Ces créatures ne pourront se faire l’écho des compétences de En que dans le cas où elles auraient été le témoin de ses actions. Eliminez une des ces choses avec votre arme à feu, et le palais imprimera ce comportement après avoir rebooté. Et chacune de nos actions est une valeur à prendre en compte. Ouvrir une porte, passer par-dessus une rambarde, jouer du piano (!), et même marcher dans l’eau ne seront exécutés par ces créatures que si elles nous ont vu le faire pendant que le palais était éveillé. Le moment du reboot plongé dans l’obscurité est alors un temps court mais nécessaire pour exécuter nombre de choses sans se faire remarquer. Leurs ténèbres rendront par contre vos déplacements plus compliqués étant donné que les copies de En seront toujours actives et dangereuses. Bien que ce concept de mimétisme soit déroutant au départ, il faut pour autant savoir que la mémoire de ce système semble limitée. Il ne peut en effet se souvenir que des actions perçues avant chaque reboot. Celles ayant été commises avant le précédent reboot ne seront alors pas reproduites. Ainsi, si nous pouvons facilement devenir notre propre ennemi dans cette mécanique réfléchissant nos moindres faits et gestes, il est toujours possible de faire table rase de notre comportement et de le ré-ajuster après chaque blackout. Il est alors question d’adaptabilité permanente, nous obligeant à ré-évaluer perpétuellement notre approche après chaque redémarrage, la difficulté se faisant à l’image de nos propres décisions.

Pourtant, tout n’est pas toujours parfait. De par son concept jusqu’au-boutiste, ECHO n’empêche pas une certaine forme de redondance de s’installer. Malgré cela, quand on pense en avoir fait le tour, il parvient à se renouveler non pas en profondeur, puisqu’il reste intrinsèquement le même, mais subtilement en introduisant de nouvelles variables donnant une saveur différente à son gameplay malgré une durée de vie raisonnable, sans plus. Néanmoins, ses prétentions s’arrêtent là. Aussi ingénieux soit-il, il n’est pas le nouveau chantre de l’intelligence artificielle. Il s’agit d’un jeu très codifié dans son comportement ce qui peut expliquer la rigidité des mouvements de son personnage principal évitant le côté plus aléatoire, c’est-à-dire imprécis, de ceux de la plupart des jeux du moment. Il fait quand même mouche quand nos doubles prennent vie et reproduisent nos comportements avec une exactitude froide et calculatrice. Il est en effet intéressant de se battre contre nous-même, et, de devoir nous obliger à désapprendre pour mieux contourner les limites d’un système (volontairement) imparfait.


ECHO parvient à faire de nous un acteur plein et entier de son affaire en nous faisant jouer un double rôle, celui de son héroïne, et celui de ses ennemis mais de manière indirecte. Il fonctionne dans une logique en effet miroir où ces dernières vont apprendre à nous attaquer en se faisant l’écho de notre manière de jouer. Pur jeu d’infiltration jouant sur l’originalité de son concept, on n’oubliera pas non plus qu’il se distingue avec brio avec une direction artistique unique et sophistiquée. Que cela soit dans la forme comme dans le fond, il est en accord total avec son sujet de départ en faisant un jeu constant dans son approche et fidèle à lui-même. Il souffre juste d’une certaine rigidité qui ne plaira pas à tout le monde dans son gameplay comme dans sa jouabilité. Il s’agira cependant de suivre de très près le très prometteur studio ULTRA ULTRA qui, pour un premier coup d’essai, frappe très fort.

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