Do Not Feed the Monkeys

Pour la petite histoire et pour une totale transparence, je dois vous prévenir que j’ai déjà eu l’occasion de jouer à ce jeu à maintes reprises en salons mais surtout, que j’ai participé en tant que jury au vote du Prix de la Presse de l’IndieCade Europe 2017 et que c’est ce Dot Not Feed the Monkeys qui l’a remporté. Voilà, je suis donc plutôt parti pour vous en dire plein de bien, non ?



Voyeur professionnel

Vous êtes la nouvelle recrue d’une drôle de groupuscule nommé le Primate Observation Club. Sous cette belle et secrète bannière, vous allez devoir visionner des caméras de surveillance et espionner des moments de vie d’autres citoyens. Tout commence avec quelques caméras et les premières discussions qui apparaissent à l’écran. En plus de pouvoir cliquer sur des objets importants histoire d’en garder une trace textuelle dans votre bloc note, vous pourrez capturer des mots colorés en jaune qui ont leur importance dans vos enquêtes. Ces mots griffonnés dans vos notes pourront être cherchés dans le navigateur internet du jeu, histoire de voir ce qu’il en découle. Pas trop de fausses pistes (ou si peu) : si le mot n’a pas trop d’importance, aucun résultat n’en sortira. Ensuite, des groupes de mots se feront naturellement pour étayer un peu l’enquête et en fluidifier les informations.

Pour « clore » une enquête et donc, une caméra, il faut la mener à une impasse : signaler un accident de la route par exemple ? Mais pour cela, il faudra acheter le plug-in vidéo à 20$ pour pouvoir envoyer des extraits de vos investigations sur l’Internet et sa communauté fan de vidéos choc. Mais l’argent sert aussi à acheter d’autres caméras pour monter en grade et éviter le Game Over au bout de quelques jours passés à faire du voyeurisme. Et l’argent sert aussi à vous nourrir et à payer votre loyer, entre autres voisins qui vous demandent de l’aide et autres pourboires à laisser à votre livreur à domicile.

Chaque jour est rythmé entre dormir, faire les courses, être à la maison quand la proprio vient vous demander le loyer, répondre à la porte, être présent pour les colis, tout en jouant de la caméra de surveillance en parallèle et réaliser vos enquêtes. Et évidemment, pour se faire de l’argent, il faut faire des petits boulots qui vous bloquerons à certaines heures et feront baisser vos jauges de sommeil, de faim et de vitalité globale.



Ce n’est pas le jeu que vous recherchiez…

Fictiorama Studios mélange donc plusieurs genres en un seul jeu : de l’enquête, du point & click et de la gestion de survie, tout cela dans un jeu jouant la carte de la rejouabilité avec beaucoup de brio puisque chacune de vos premières parties vous proposera des récits différents à travers les caméras que vous gérez. Ce « hasard » a rapidement ses limites puisque nous ne sommes pas non plus devant une tonne de caméras différentes : comptez trois ou quatre bonnes parties pour en faire le tour.

Très amusant, drôle par moments, souvent intéressant à parcourir surtout lors des enquêtes, Do Not Feed the Monkeys est un sympathique jeu… Au propos principal particulièrement survolé et ce de manière très triste. Vous allez vous amuser, pas de soucis là-dessus : mais quid de l’idée du voyeurisme et de ses conséquences ? En proposant des histoires extrêmement simples à parcourir, le jeu ne propose pas autant de surprises qu’escompté. Plusieurs récits sont génériques, voir prévisibles et les plus originaux sont souvent juste là pour être drôles. D’autres sont tragiques, mais trop rapidement expédiés pour être marquants. Sans parler de certaines caméras proposant du burlesque qui fait rire, peut-être involontairement de la part des développeurs.

Si vous êtes là pour un jeu vous parlant du voyeurisme, de la sécurité, d’une société trop connectée et d’un récit s’approchant de tous ces titres qui ne jurent que par Orwell et ses prédictions (quitte à se nommer à l’identique), vous n’êtes pas à la bonne porte. Do Not Feed the Monkeys ne se prend pas trop au sérieux et se révèle bien plus malin dans ses mécaniques que dans ce qu’il raconte.

Do Not Feed the Monkeys est un jeu malin, rejouable deux ou trois fois en grosses parties, mais qui ne décolle jamais vraiment. La faute à des récits très inégaux, à une critique sociétale assez inexistante en dehors de son concept, mais surtout à un jeu qui mise davantage sur la capacité du joueur à survivre à chaque jour qui passe plutôt qu’à clore des enquêtes qui n’ont qu’un seul but : rapporter de l’argent pour pouvoir payer son loyer. On sent qu’il y a un cœur de jeu puissant, malheureusement exploité au minima. Reste quatre ou cinq heures de voyeurisme très amusant puisque très décalé.

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