Metro Exodus

Dmitry Gloukhovski est un auteur au parcours atypique qui se sera d’abord fait connaître en proposant gratuitement sa première nouvelle sur son propre site web. Metro 2033 était ainsi né, depuis devenu un succès littéraire ayant accouché d’un jeu éponyme et de sa suite baptisée Metro Last Light. Mais ce qu’il y a d’intéressant avec Gloukhovski est qu’il fut aussi toujours très investi dans la conception des jeux vidéo basés sur son univers. Ces derniers sont par ailleurs considérés comme faisant entièrement partie du canon instauré par ses livres. Un pari audacieux à une époque où littérature et jeux vidéo en sont encore à se regarder dans le blanc des yeux sans réellement se comprendre l’un l’autre.



Le train-train quotidien

Artyom, Anna, Melnik, Duke, Damir, l’idiot, autant de personnages qui vont faire partie de cette nouvelle aventure des rescapés du métro. Sans trop en révéler sur l’intrigue, l’homme qui murmurait à l’oreille des sombres ainsi que nos rangers préférés de l’Ordre de Sparte vont se retrouver forcés à partir en exil loin de leur station à bord d’une locomotive qu’ils finiront par baptiser l’Aurora. Toute cette entreprise découle au départ de l’obsession d’un Artyom persuadé d’avoir entendu au travers de sa radio une voix provenant de la surface. Il se disait alors depuis que la vie à l’extérieur était possible. C’est ainsi qu’à bord de ce train qui accueillera autant de nouveaux passagers que de nouveaux wagons, qu’une nouvelle histoire pourra commencer. Une histoire où l’on partira à la recherche d’une terre promise pour tous les habitants du métro moscovite. Dans son ensemble, Metro Exodus s’est révélé satisfaisant bien que parfois incohérent, finissant même par ressembler à un best of de mondes post-apocalyptiques en s’éparpillant un peu trop, plutôt que de se focaliser une seule thématique. Celui-ci en ressort avec un récit dilué et affaibli malgré quelques moments forts. On lui préfèrera alors sa généreuse description du quotidien d’une belle brochette de personnages que l’on connaît et apprécie déjà.

Quotidien est le mot-clé ici tant il définit si bien ce qui fonctionne le plus dans Exodus à la fois sur le plan narratif et émotionnel. Car se sont bien les passagers du train qui sont au cœur du récit et non ses personnages situés en périphérie. Ces derniers contrasteront en manquant d’épaisseur à l’exception d’une jeune femme et de sa fille qui rejoindront notre équipage sur le long terme. Il est en effet difficile de se larmoyer sur les états d’âmes d’individus dont on apprend finalement peu de choses par manque de temps passé à leurs côtés, même s’il est toujours possible de les écouter un peu plus que nécessaire à la réussite de nos objectifs. Cependant face à la description du quotidien chaleureux au sein de l’Aurora favorisant un sentiment de familiarité, et par conséquent un attachement certain avec ses passagers, ces gens venus de l’extérieur ne tiennent pas la comparaison. Ce n’est pas faute pour autant de nous avoir apporté de nouvelles peuplades sous l’emprise d’ostracismes tout aussi violents que l’étaient le nazisme et le communisme présents dans Metro 2033 et Last Light. Exodus s’en sort même beaucoup mieux que dans ces derniers où la critique de ces deux régimes autoritaires était à mon sens reléguée au second plan face à la question des sombres et du parcours personnel d’Artyom. Chaque nouvelle région s’accompagne désormais de sa micro-société pouvant être aux prises avec un culte religieux sacrificiel rejetant toutes formes de technologie ou encore des esclavagistes dans une mer Caspienne devenue aride prenant les allures d’un Mad Max russe. On échange ainsi des systèmes politiques pourris pour des fondamentalistes religieux et des psychopathes n’ayant aucun respect pour la vie humaine et l’égalité entre les êtres.

Les questionnements que de telles micro-sociétés à priori complexes sont à même de soulever auraient pu donner l’impression de ne servir que d’habillage et d’effet choc si ce n’était pas pour ces moments familiers au sein du train. La relation de couple qu’entretiennent Anna et Artyom favorise notamment la création d’un attachement pour ce monde en perdition. S’il est d’ailleurs tout à fait possible de l’éviter, le jeu nous permet de nous poser et d’écouter Anna qui, à tête reposée sur les genoux d’Artyom, nous fera part de ses sentiments, de ses réflexions vis à vis de leurs expériences partagées, tandis que ce dernier pourra lui témoigner des gestes de tendresse en retour. Ce sont des moments qui en théorie ne servent à rien en terme de gameplay, mais permettent au niveau narratif de renforcer de potentiels liens émotionnels avec cette galerie de personnages éclectiques. Les moments passés avec Anna apportent en effet un visage plus humain aux événements d’un jeu dont l’action souvent tonitruante ne le permet pas toujours. Tout aussi importantes sont ces discussions optionnelles qu’il est possible d’avoir avec les compagnons d’Artyom. Joies, espoirs et tristesses se mélangent entre drames et événements heureux tel un mariage fêté avec cette famille improvisée.



Comme sur des rails

On sera par contre peut-être en droit de se demander s’il fut pertinent de garder le système karmique présent dans les deux premiers Metro. Dans les grandes lignes, agir de manière pacifique tout en s’intéressant au monde autour de nous était le seul moyen pour obtenir une conclusion positive à chacun de ces deux jeux. Un concept en théorie intéressant où les joueurs devaient apprendre que leurs actes avaient des conséquences, idée handicapée par le fait que de toute manière, Last Light repris là où la mauvaise fin de Metro 2033 s’était arrêté. Quelque part, ce système s’est alors révélé particulièrement superficiel, tout en imposant une moralité arbitraire dans un jeu linéaire au scénario inscrit dans le marbre. Notre liberté de décision était en vérité illusoire et frustrante, et ce d’autant plus quand on sait que l’infiltration, qui était la seule solution possible pour éviter de tuer qui que ce soit et obtenir une fin positive, était assez peu réussie.

Bien qu’ayant été améliorée dans Metro Last Light, cette dernière reste fondamentalement limitée et pauvre en options réellement pacifiques. Elle se résume la plupart du temps pour nous, à rester dans les endroits ombragés pour assommer nos adversaires par derrière. Metro Exodus ne propose guère plus en la matière, et au final elle s’avère plus une corvée qu’un réel plaisir dans un jeu qui semble avoir de toute façon été pensé pour une action musclée. Il est frustrant de voir un jeu qui même s’il s’est amélioré dans ce sens, impose un gameplay d’infiltration ennuyeux – et peu réaliste – la faute à un level design pas forcément pensé pour et à des mécaniques bancales notamment à cause d’une IA très voire trop basique. Elle trouve cependant un peu plus de sens à haut niveau de difficulté où les ressources se font plus rares et imposent de jouer plus intelligemment avec ce qui sera à notre portée, mais guère plus en définitive.

Le côté survie est aussi un peu plus prononcé cette fois-ci, lui donnant de loin des airs de Stalker. La principale nouveauté apportée par cet épisode se trouve dans sa nouvelle nature de jeu en monde semi-ouvert. Il ne se départit pour autant en rien de ses niveaux conçus comme de longs couloirs linéaires avec les occasionnelles zones un peu plus ouvertes, mais ils n’en représentent plus la majorité. Accompagnant un scénario qui nous emmène dans beaucoup d’endroits différents, exode oblige, certains chapitres vont nous embarquer dans cette même linéarité d’antan l’espace d’un instant, tandis que la majeure partie du titre se jouera dans trois grandes zones plus ouvertes: les effluves de la Volga, le désert de la mer Caspienne et les forêts de la Taïga. Cette ouverture vers de plus grands espaces est compréhensible. Metro Exodus se passant désormais à la surface, il ne pouvait en effet se cantonner à ses couloirs étroits, certes bien plus faciles à maîtriser en terme de rythme de jeu et d’histoire que des environnements plus élargis et plus ouverts à l’exploration.

Pour autant, malgré ce semblant de liberté qui nous est accordée, la progression est restée la même, comme sur un rail. S’il est vrai que certains endroits des trois grandes zones que j’ai cité tantôt resteront à découvrir sous notre impulsion, le scénario s’arrange tout de même bien souvent à nous faire passer par à peu près tous les recoins de la carte, nonobstant de rares endroits qui pourraient échapper à la vigilance des joueurs les moins curieux. La Taïga par ailleurs ne fait même plus semblant en étant la plus dirigiste des zones dites ouvertes en se contentant d’un simple fil rouge conducteur sous la forme d’un chemin très ou trop évident, avec assez peu d’exploration sur les côtés contrairement à la Volga et la Caspienne. Le côté survie de cet Exodus est en vérité très surfait. La difficulté souvent mal dosée associée à des mutants nombreux et semblant sans fin font qu’explorer semble être plus punitif qu’en valoir la peine, à ce qu’on se risque plus à y gaspiller ses balles et des ressources qu’à en gagner, surtout à partir du mode normal et au-dessus.



Stalker Exodus ?

Il faut se dire que Metro Exodus s’essaye trop souvent à être ce qu’il n’est pas. Le côté survie avec la nécessité de nettoyer régulièrement ses armes, de réparer son masque à gaz et d’autres choses encore, ajoutent une lourdeur à un jeu globalement dirigiste et beaucoup plus à l’aise avec le narratif et le travail d’ambiance que le fait d’être un shooter où l’on doit réfléchir à gérer ses ressources autant que la précision de son tir. Metro n’a pas à être un Stalker s’il ne s’y met pas à cent pour cent. Il se retrouve du coup coincé entre deux philosophies, aucunes ne le servant complètement. Ce n’est pas un mauvais jeu pour autant, loin de là. Il se trouve juste être frustrant car ses mécaniques un peu datées et imbriquées les unes dans les autres ne fonctionnent que parce que l’enrobage est de très grande qualité.

Un peu moins sur Playstation 4 Pro que sur PC je pense, ayant eut à tester la version pour la dernière console de Sony. Celle-ci montre que ces consoles souffrent à tenir la distance avec un jeu aussi ambitieux que Metro Exodus. Le framerate se maintient dans les grandes lignes aux alentours des trente images par seconde non sans quelques baisses quand l’action se fait intense. Les temps de chargement sont par contre un peu trop longs à mon goût, habitué que je suis au luxe de la rapidité d’un PC. Le résultat technique final est variable. Dans ses zones ouvertes, Metro Exodus est assez inégal. Si certains endroits sont absolument magnifiques, d’autres sont moins impressionnants. Il n’empêche que le travail sur les textures et les matériaux comme tissus et métaux sont très réussis. Les armes entièrement modulables ont joui d’un niveau de détail très poussé. A mon sens, le plus impressionnant resteront les visages et leurs animations considérablement améliorées par rapport à ce que 2033 et Last Light proposaient. Exodus est loin d’être sans reproche cela dit. Certains éléments de décors ont tendance à apparaître parfois un mètre devant nous, certaines textures n’arrivent pas à se charger dans leur qualité optimale, tandis que certains scripts comme celui d’un boss ne bougeant soudainement plus font que même s’il reste parfaitement jouable, de la mise à jour sera nécessaire.

L’infiltration sur Playstation 4 s’est aussi révélée au final comme la meilleure solution face à un jeu qu’il est difficile de complètement apprécier à la manette. La précision au stick est en effet très relative et mériterait d’être améliorée à ce qu’actuellement, le jeu apparaît lent et imprécis à la manette. De plus, il reste le souci inhérent à tous les Metro, celui d’un jeu qui se donne des airs d’un FPS calme et posé où chaque mouvement doit être réfléchi, alors qu’il peut devenir très bourrin d’un moment à l’autre à cause de mutants nous attaquant en boucle ou de la présence d’un combat de boss forcé sans alternative réellement pacifique. Le boss en question s’est révélé poussif et inadapté au rythme lent d’Artyom qui peut mettre énormément de temps à se déplacer, ne court que sur de courtes distances avant de perdre ses poumons ou encore à cause sa lenteur caractéristique quand il s’agit de recharger ses armes.


Metro Exodus est un bon jeu. Son ouverture aurait pu laisser craindre le pire aux fans de la série les plus ardus. Il n’en est rien étant donné qu’il conserve sa maîtrise de la mise en scène et de la création d’atmosphères uniques. Cela dit, il souffre d’imperfections techniques et de bugs qui n’entachent en rien sa beauté visuelle mais le rende imparfait. Sa jouabilité à la manette est à améliorer par contre, tandis que son mélange des genres, entre action et réflexion, ne fonctionne pas toujours. Il serait temps que la série des Metro, si elle compte poursuivre vers un monde plus ouvert, qu’elle choisisse entre la maîtrise arbitraire d’un jeu linéaire, ce qu’elle a toujours été, ou au contraire offrir réellement plus de liberté de choix à ses joueurs pour devenir le nouveau jeu de rôle et de tir post-apocalyptique que beaucoup espère.

1 réflexion au sujet de « Metro Exodus »

  1. Je suis entièrement d’accord avec tous les reproches qui sont fait ici. Je n’arrivais pas à mettre la main sur la sensation que j’ai ressenti après quelques heures de jeu. Déjà une déception certaine car en effet le jeu s’essaye à ce qu’il n’est pas pas, c’est très bien résumé. Il est parfois lourd du à une lenteur et un retard technique sur le gameplay, particulièrement sur manette où il faut utiliser des combinaisons de touche invraisemblable parfois pour des actions simple. Mais surtout on a les sentiments qu’en plus de la lenteur du les mécanismes inclus ici et la notamment le craft (qu’il n’a de craft que le nom) qui viennent encore ralentir la vitesse général. Au final même en naviguant sur une barque on a l’impression que le jeu est calé sur le vrai temps que cela nous prendrais pour effectuer l’action dans la vrai vie et c’est très frustrant. Les personnages bien que possédant chacun leur personnalité propre ne sont pas bien servi par un doublage poussif et franchement inégal. Bref pour ma part la magie ne prends pas sur ce troisième opus contrairement aux deux premiers. On est entre deux eaux. Peut être manque t-il d’en radicalité et d’assumer une direction prise jusqu’au bout et pas à moite. À force de vouloir faire un peu de ci un peu de ça ça finit par être un peu de rien du tout et c’est bien dommage.

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