THE HEART OF A PLAGUE TALE

The Heart of A Plague Tale

Si le nom vous dit quelque chose, c’est sûrement que vous vous souvenez de The Heart of Dead Cells que j’avais eu l’occasion de lire il y a quelques années. Je viens de me faire peur en allant vérifier la date, à la base je voulais écrire quelques mois mais en fait ça fait déjà 3 ans et demi ! En plus du côté artbook auquel nous sommes habitués, ces ouvrages ont également pour but de nous faire découvrir l’envers du décor en présentant les personnes derrière les jeux, les choix qu’elles ont dû faire, les étapes marquantes de l’évolution de leur projet, etc. Direction la Gironde pour la découverte d’Absobo Studio et de la licence A Plague Tale.

Je vais commencer par une réflexion bêtement matérielle mais qui a tout de même son importance, le livre The Heart of A Plague Tale est magnifique. Format A4, couverture rigide, papier de très bonne qualité, une mise en page impeccable, c’est du super boulot. Tout comme pour Dead Cells le livre alterne entre artworks et récits de développement mais cette fois-ci Exserv a suivi l’équipe pendant près de trois ans, ce qui rend la lecture d’autant plus intéressante.

L’ouvrage de 192 pages est découpé en trois chapitres que je vais détailler ci-dessous.

Chapitre 1 : Création

Le premier chapitre revient sur la création d’Absobo Studio. J’ai été étonné de découvrir que la structure a été créée en 2002 et qu’elle a tout d’abord travaillé pour de grands noms tels que THQ, Pixar ou encore Microsoft. Après de nombreux jeux de commande, le studio sort son premier jeu solo en 2009, il s’agit de Fuel, un jeu de course se déroulant dans un monde immense. Les ventes ne sont pas forcément au rendez-vous mais l’aventure continue avec un passage par la case réalité augmentée du côté de chez Microsoft. Le studio embauche alors de nouvelles personnes en 2014 pour donner vie aux personnages de leurs jeux et travailler les histoires. C’est à ce moment-là que la réflexion sur leur nouveau projet qui deviendra A Plague Tale Innocence commence vraiment.

Développer un jeu est extrêmement long. Tout commence ici avec une phase d’incubation d’un an. Les mécaniques du jeu sont développées au sein d’un prototype et si l’équipe veut réaliser un jeu ayant un fort impact émotionnel, l’idée de la peste ou des rats n’est absolument pas encore à l’ordre du jour. Pour se distinguer des autres projets, la société décide de mettre sa région bordelaise à l’honneur et la volonté de placer l’action au moyen-âge, période assez mal connue, fait rapidement son apparition. Suite à leurs recherches, l’épidémie qui a ravagé l’Europe au XIVème siècle semble être un bon sujet et, si une brume est un moment envisagée pour représenter la maladie, les rats sont beaucoup plus efficaces et apportent de nombreuses situations (lumière à gérer, fuite…).

Pour renforcer encore cette situation catastrophique, l’équipe décide de faire jouer un enfant, Alicia, puis rapidement son petit frère Hugo est ajouté pour terminer de définir le jeu : nous incarnons une jeune fille chargée de protéger son petit frère dans un jeu d’infiltration. L’univers est maintenant connu, le « but » du jeu également, il est maintenant temps de créer une vertical slice. En très résumé, c’est une très courte démo du jeu illustrant les différentes possibilités de celui-ci. Dans le cas présent, il est possible d’utiliser la fronde, il faut esquiver une patrouille de gardes, les personnages sont doublés par des amis / famille, mais l’équipe est globalement satisfaite du résultat.

La phase de production peut alors débuter. On apprend comment fonctionnent et interagissent entre elles les différentes équipes d’Absobo, le principe de milestones à atteindre tous les x mois, les sessions de playtests organisées, etc. Un passage est également dédié à la recherche des voix d’Hugo et Alicia qui sont un point clé dans le résultat final.

Un bilan est ensuite fait sur la sortie d’A Plague Tale Innocence, ses ventes, sa réception par le public et il est maintenant l’heure de passer à celui qui a fait l’actualité récemment : A Plague Tale Requiem. Une fois de plus Exserv revient sur toutes les réflexions et décisions prises pour cette suite : que garder, que faire évoluer, comment va s’achever l’histoire ?

Chapitre 2 : Univers

Le second chapitre est consacré à l’univers des deux jeux A Plague Tale et revient sur les recherches et choix effectués par les artistes du studio.

On y apprend d’où vient la Prima Macula, ses effets, son lien avec la famille De Rune dont fait partie Hugo ainsi que son évolution dans le second opus Requiem, car si dans le premier il était surtout question de la contenir, la situation évolue différemment par la suite. C’est l’occasion de partir en direction de l’Île de la Cuna où se trouvent les ruines de bâtiments utilisés par l’Ordre, une ancienne société d’alchimistes. Le parallèle est également fait avec la Peste de Justinien, un événement réel intégré à l’univers du jeu.

Le livre aborde ensuite notre vision faussée du moyen-âge qui n’était pas aussi sombre que nous pouvons le penser et détaille alors comment sont traitées la religion et l’inquisition en jeu. La mise en scène de la maladie et de la mort est aussi évoquée, comment les artistes ont réussi à donner cette atmosphère si particulière aux titres. Il y a d’ailleurs toute une réflexion sur le choix des couleurs et de leur évolution au fil de l’aventure. L’équipe n’a pas hésité à faire appel à une historienne pour bénéficier de conseils sur le quotidien des gens, leurs habitudes vestimentaires, etc. L’épisode Requiem se déroulant dans le pourtour méditerranéen, tout y est évidemment bien différent.

Le chapitre se termine par le rôle du son et des magnifiques compositions d’Olivier Derivière.

Chapitre 3 : Décryptage

Le dernier chapitre analyse les outils narratifs et ludiques mis en œuvre pour créer « un jeu capable de susciter des émotions ». La première chose que l’on peut remarquer est que les jeux sont découpés à la façon d’un film. Chaque séquence est clairement identifiée et permet de gérer le rythme global de l’aventure.

L’ouverture d’Innocence permet de faire la connaissance avec la famille De Rune qui semble clairement privilégiée. Mais très rapidement l’atmosphère change totalement et l’aventure se lance réellement. Le chapitre alterne ainsi entre phases d’apprentissage des commandes et phases d’exposition de la situation. Amicia doit rapidement s’échapper du domaine familial avec son petit frère et les deux enfants se retrouvent livrés à eux-même dans on monde qu’ils ne connaissent pas. C’est l’occasion pour eux de tisser des liens car avec la maladie d’Hugo ils n’ont jamais pu jouer ou discuter ensemble.

L’ouvrage revient sur la place des rats et montre à quel point ils font partie de l’histoire au même titre que les autres personnages, servant aussi bien pour le gameplay que pour la narration. Hugo pourra d’ailleurs à la fin les contrôler et les diriger comme bon lui semble. Exserv détaille également comment le studio parvient à raconter une histoire au travers du gameplay ainsi que l’évolution des relations entre les différents personnages.

Le chapitre se termine sur l’intrigue développée dans A Plague Tale Requiem et les origines de la maladie d’Hugo. Je ne vais pas en parler ici pour éviter de spoiler la conclusion de l’aventure.

Lorsque j’ai entendu parler d’un nouvel ouvrage « The Heart of » je me suis rué dessus sans hésiter et je ne suis vraiment pas déçu. Passionnant, le livre permet de mieux comprendre la genèse d’un jeu vidéo et de tous les problèmes que les studios ont à surmonter pendant le développement de celui-ci. Pour pinailler j’aurais aimé une fois de plus qu’il y ait des légendes accompagnant la majorité des artworks, à part les noms sous les photos il y a malheureusement peu d’informations. Mais bon, ce n’est clairement pas un gros problème et même si c’est un peu tard, ce livre est un excellent cadeau de noël pour toute personne intéressée par la licence A Plague Tale.