Critique

Symphonia

Gattu
Publié le 10 mai 2025

Développeur

Sunny Peak

Éditeur

Headup, Beep Japan

Date de Sortie

5 décembre 2024

Prix de lancement

19,99€

Testé sur

SWITCH

Initialement simple projet de fin d’études d’une petite dizaine de développeurs et artistes digitaux français, Symphonia s’est érigé à partir d’un concept assez basique : créer un plateformer mettant en scène un protagoniste capable de s’accrocher aux murs et de se catapulter dans les airs, à l’aide d’un outil. Après de longues journées de réflexion, l’idée de placer l’action dans un univers musical émerge, et celle d’enfiler le costume de personnage principal à un violoniste gringalet suit (il utilise alors l’archet de son instrument pour réaliser ses cascades). Le succès de Symphonia face au jury universitaire encourage nos programmeurs en herbe à lâcher leur prototype sur itch.io, puis sur GOG. L’accueil chaleureux des joueurs finit de convaincre de professionnaliser le projet étudiant. Nais ainsi le studio Sunny Peak, avant une sortie de Symphonia sur PC, puis sur Switch, la version qui nous intéresse aujourd’hui.

Hommage a la musique classique

Une ville endormie, désertée de ces habitants. Une végétation luxuriante, mais aussi menaçante. Le royaume de Symphonia gît dans un état de veille prolongé. La musique, qui reflétait l’âme de la cité, n’enchante plus ses venelles depuis trop longtemps. Alors, un petit violoniste du nom de Philemon accepte la noble mission de ramener Symphonia à la vie. Pour cela, il va devoir en retrouver ses fondateurs, dispersés aux quatre vents, qui sont aussi les membres de son orchestre symphonique.

La première chose qui frappe lorsqu’on se lance dans l’aventure de Symphonia, c’est la beauté de ses décors et la cohérence de sa direction artistique. On arpente un univers steampunk, qui emprunte à la fois au style Art déco, art nouveau et baroque. Un mélange des genres architecturaux qui fonctionne à merveille, et qui flatte la rétine tant le coup de crayon paraît fin. Mais le plus grisant reste ces moments où notre protagoniste ressuscite les machineries inertes parsemant le royaume, en frottant les cordes de son violon. L’occasion d’admirer la cité reprendre vie, grâce à des animations léchées, qui reflète le gros travail fourni par Sunny Peak.

Inspirée par des génies de la musique classique tels que Rachmaninov ou Camille Saint-Saëns, la bande originale de Symphonia est particulièrement bien ouvragée. Une prouesse qui étonne d’autant plus, lorsqu’on apprend que son compositeur principal vient de l’univers si singulier de la drum’n’bass, et n’avait pas de connaissances spécifiques en orchestration philharmonique. Techniquement, les différents thèmes sont exécutés à la perfection, et épousent bien l’atmosphère que cherche à exhaler Symphonia, d’un monde qui s’éveille peu à peu jusqu’à un très joli dénouement. Toutefois, on regrette juste l’absence d’une mélodie qui marque les esprits, où nos maestros auraient mis un peu moins de maîtrise et un peu plus de cœur.

une partition jouée avec brio

Pour ne pas décevoir certaines attentes qu’un tel nom aurait pu susciter, on précise que la musique dans Symphonia n’est à aucun moment intégrée dans une mécanique de gameplay. Lorsque Philemon interprète quelques morceaux pour raviver les ruelles de sa cité, on se contente de presser une simple touche pour écouter les belles sonorités qui s’échappent de son violon. On sent que le titre français a avant tout été pensé comme un plateformer pur et dur. Ainsi, ce sont surtout nos réflexes, notre dextérité et notre sens du timing qui vont être éprouvés. Philemon frappe le sol avec son archet pour se propulser dans les airs, plane grâce à sa cape, glisse sur les murs avant de sauter vers des zones éloignées, ou se sert de son instrument comme d’un grappin (et d’autres pouvoirs, qui ne se débloqueront que tardivement dans le jeu). Rien de très original pour les amateurs de parkour, mais le level design efficace et la précision des commandes font qu’ils y trouveront leur compte sans problème.

Néanmoins, ce sont plutôt les profanes qui risquent de multiplier les couacs. Sans être aussi difficile qu’un Celeste — la preuve, il ne m’a jamais découragé — Symphonia reste un titre exigeant, où la moindre imprécision provoque un dérapage vers une mort certaine. Un constat à rebours de celui des développeurs, qui considèrent leur jeu comme non violent. Certes, il n’y a pas d’antagonistes à proprement parler, mais entre les chutes dans le vide, les pièges vicelards et les plantes épineuses sur lesquelles notre héros finit empalé, on se rend compte que Sunny Peak a une vision bien personnelle de l’harmonie. Quoi qu’il en soit, les niveaux sont assez diversifiés pour ne pas s’ennuyer. Seule fausse note — et peut-être l’unique accident de parcours du titre — les points de sauvegarde ne paraissent pas toujours savamment placés, nous obligeant à effectuer quelques simples galipettes, mais relativement chronophages, avant qu’une difficulté brutale ne se dresse face à nous. Frustrant.

Pour une première production d’un petit studio indépendant, Symphonia dégage une maturité étonnante. Entre sa direction artistique aboutie, qui émerveille en chaque instant, sa jouabilité aux petits oignons, sa musique parfaitement composée, on peut dire que Sunny Peak brille dans son smoking de chef d’orchestre. Quelques anicroches mises à part — certains lui reprocheront d’ailleurs une durée de vie un poil courte, d’environ quatre heures —, le jeu français nous fait passer un excellent moment en compagnie de Philemon et de ses amis musiciens.

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