Critique

Avowed

Shutan
Publié le 29 mai 2025

Développeur

Obsidian Entertainment

Éditeur

Xbox Galme Studios

Date de Sortie

18 février 2025

Prix de lancement

69,99€

Testé sur

PC

On pourrait mettre en parallèle Avowed et Fallout New Vegas sans problème. Troisième opus d’une série ayant basculé du RPG en vue isométrique en 2D, avec combats au tour par tour et une écriture touffue, à une vue première/troisième personne dans un monde modélisé en 3D, où l’action prime sur le dialogue (oui, Fallout 3 n’existe pas dans mon univers, laissez-moi rêver). Forcément, on ne s’y tromperait pas trop. D’ailleurs les références aux autres jeux d’Obsidian sont assez nombreuses dans Avowed, ce qui en fait une sorte d’hommage au chemin parcouru. D’accord, mais le jeu ?

Un jeu de spore

Je n’ai pas accroché au premier Pillars of Eternity, il était un peu trop “à l’ancienne”, même pour moi. Donc, forcément, j’ai fait l’impasse sur le deuxième, parce que bon, eh, hein… On ne se refait pas. Cependant, jouer à Avowed m’a donné envie de retenter l’expérience, un peu comme quand on a lâché un bouquin, mais qu’après avoir vu l’adaptation animée (film, série, ou autre), le déclic se fait. Rien que pour ça, pour la découverte du monde d’Eora, et ce qui s’y passe, Avowed est une excellente porte d’entrée. Alors, certes, il va manquer des éléments, mais le puzzle est suffisamment complet pour qu’on se fasse une idée de ce monde, de ses peuples, et de sa politique. Ici, on incarne un émissaire de l’empire d’Aedyr, envoyé dans les terres sauvages et débarquant dans la riante cité de Paradis. Officiellement, on enquête sur un mal étrange, le Malrêve, qui semble se propager, infecter faune, flore et habitants et les transformer en sorte de zombies bi-classé champignonnières agressives, appelés Onilotes. Évidemment, l’économie de l’île est mise à mal, et bien que la zone ne soit pas qualifiée de terre sauvage pour rien, il faut quand même essayer de rétablir le calme, au nom de l’empire. Notre émissaire n’est pas pour autant un simple personnage lambda, mais un Divin, ce qui dans le monde d’Eora désigne une personne qui a été touchée par un dieu, et qui en arbore des caractéristiques. Sauf qu’ici, notre brave envoyé est le divin d’un dieu qui ne s’est jamais manifesté et que personne ne connaît. Le mystère de son origine est-il lié au destin de l’île ?

Pour savoir cela et découvrir ce qui se trame dans le sous-sol de l’île, on va devoir voyager dans différents endroits et y résoudre les divers problèmes qui s’y présentent. Le combat va être évidemment le truchement principal par lequel la résolution arrivera, les Onilotes (et les diverses factions présentes sur l’île) y étant souvent plus réceptifs qu’à la discussion, même si certaines quêtes nécessitent d’être un fin diplomate. Le système de jeu se prête très bien à tout ce qu’il peut nous envoyer et semble avoir été conçu pour éviter toute friction. On a une fiche de personnage avec des caractéristiques évolutives, plusieurs compétences dans des arbres relativement étoffés : guerrier, rôdeur, magicien. On peut créer un personnage touche à tout bien sûr, mais le jeu encourage à toutes les expérimentations, car il suffit de payer une petite somme pour pouvoir intégralement redéfinir caractéristiques et compétences. Donc si votre magicien tombe sur une superbe hache magique, rien n’empêche de réaffecter tous les points obtenus vers une nouvelle classe en quelques clics. Un nouveau pistolet ? clic-clic et voilà notre gros bourrin devenu sniper. Cette versatilité dans les builds rend le jeu extrêmement plaisant à parcourir, on n’est jamais vraiment bloqués par la difficulté relative des combats. Ainsi, on peut se concentrer sur le reste, les décors, l’univers et l’enquête à mener.

Avowed que c’est chatoyant

Les graphismes, sans être à tomber par terre, sont véritablement magnifiques et enchanteurs. Les décors visités ont un charme, une poésie, et une ambiance totalement dépaysante, et malgré la présence de champignons géants un peu partout, on est souvent éberlué par la magnificence de ce que le jeu nous montre. Les villes (bien que petites et peu nombreuses) sont cohérentes avec l’univers, on est dans un monde qui est plutôt crédible, malgré les défauts inhérents au genre. Rien que se promener de nuit dans la forêt aux champignons phosphorescents est un enchantement (jusqu’à ce qu’on se fasse attaquer par des araignées géantes ou d’autres saletés). Chaque zone visitée est suffisamment différente pour avoir son ambiance propre, et on a hâte de voir ce que le jeu va nous envoyer ensuite, tout en étant cohérent sur la difficulté (chaque zone est “plus loin” de la zone d’arrivée la plus civilisée, donc plus sauvage et dangereuse).

On visite donc sans déplaisir les cartes, déverrouillant un point de passage, un camp ou un lieu digne d’intérêt. On grimpe, on saute, on nage, on va voir ce qui se cache derrière cette cascade (souvent un trésor), ce qui se niche dans cette caverne, sur cette plage, cette vieille épave.  S’il y a un élément remarquable dans le décor, il y a sûrement un coffre planqué. Il n’y a pas vraiment de difficulté dans la progression, toutes les quêtes ouvertes montrent le lieu de recherche sur la carte, les ennemis vaincus ne réapparaissent pas, on est donc incités à se balader, se perdre, sans être véritablement perdus, car le voyage rapide est quasiment toujours possible, de façon à améliorer l’équipement, ou changer d’équipiers facilement.

Mes chers champignons, euh… compagnons

Notre périple et ses implications vont intéresser beaucoup de monde dans les villes et les villages, et on va se retrouver accompagné de deux autres personnages (jusqu’à quatre au campement) qui vont aider lors des combats et de l’exploration. Par exemple, Kai peut brûler les lianes qui nous empêchent de passer et d’enflammer les ennemis, et Marius peut repérer les trésors sur une petite zone et enchevêtrer les adversaires pour qu’ils soient plus faciles à viser. Ils papotent entre eux au camp, ont plein de choses à nous raconter sur l’endroit et leur vie ainsi que leurs relations et vont bien entendu déclencher les fabuleuses quêtes de compagnons qui accompagnent les RPG depuis Neverwinter Nights. Pour le coup, les coéquipiers sont véritablement originaux et intéressants et leurs histoires sont bien écrites, tout en étant évidemment intrinsèquement liée aux évènements qui se déroulent dans les terres sauvages. On peut bien sûr leur donner des ordres afin qu’il fassent ce qu’on a besoin au bon moment lors des combats, mais je l’ai finalement peu utilisé, car ils sont plutôt efficaces par eux-mêmes sans intervention. Leur équipement ne progresse pas, mais on peut leur faire apprendre de nouvelles techniques au fur et à mesure des niveaux pris et leurs dégâts infligés sont proportionnels aux nôtres. Pas besoin de micromanagement de ce côté-là, ils sont toujours en forme et super entraînés. Aucune friction que je vous dis.

L’heaume invisible

L’équipement justement, parlons-en. C’est, bien plus que pour la montée en niveau, l’élément fondamental de la progression. Il faudra bien prendre en compte le niveau des armes et des armures. Il y a cinq qualités, de commun à légendaire, avec des paliers. Les ennemis sont jaugés sur ce critère aussi, donc si vous attaquez un ennemi de qualité IV avec une épée commune, même si vous êtes niveau 25, il va vous démonter. Il faut de ce fait faire attention au véritable niveau de son équipement, tant armes et armures, plutôt que d’essayer de monter de niveau de personnage. Pour cela, il faut soit trouver les armes dans le monde, sur des ennemis remarquables, dans des coffres, ou les acheter, ou bien les améliorer dans la forge du camp. Attention, même si globalement, il y a pléthore de matos un peu partout, les ressources pour les améliorer ne sont pas infinies.

Il faudra donc faire une sélection, quitte à ne décider d’améliorer qu’une arme “fétiche” même si, j’en ai conscience, ça contredit un peu tout le côté “cette arme que je viens de ramasser est ma nouvelle meilleure amie, clic-clic je suis un bretteur maintenant”. Enfin en réalité, ça ne concernera pas tous les profils, et on s’en sort très bien avec le tout venant, même s’il vaut mieux privilégier les armes et armures uniques qui vont avoir des effets complémentaires rigolos. Se procurer le matériel n’a rien de sorcier, il n’y a pas de système de vol ou de réputation dans le jeu, vous voulez un truc, s’il n’est pas vissé au sol, vous pouvez le prendre !

Tu vas Avowed ?

Maintenant, ce qui est intéressant avec Avowed, c’est non seulement ce que le jeu nous montre, mais aussi ce qu’il ne dit pas. Beaucoup d’éléments dans le jeu sont importants sans qu’il n’en soit réellement mention quelque part. Une décision prise très tôt dans le jeu va avoir une conséquence lors de la cinématique de fin, sans qu’on ne puisse jamais être sûr qu’elle ait été prise en compte. Un certain nombre d’objectifs ne sont pas explicites et notamment une quête non marquée à une répercussion très importante lors des évènements qui se déroulent dans le deuxième chapitre. Globalement, la trame du jeu est assez classique, mais, même si on est guidé, on n’est pas vraiment sur des rails. On ne peut pas être ami avec toutes les factions et en tant qu’émissaire d’un empire oppresseur, il va falloir louvoyer pour se faire entendre, quitte à trahir son employeur, tracer son propre chemin, ou rester droit dans ses bottes, le champ des possibles est ouvert. Mais même si on essaye d’être le plus gros béni-oui-oui des terres sauvages, il n’y a pas de solution qui puisse contenter tout le monde. Certains choix sont difficiles à prendre, et on n’en a pas les conséquences immédiates (enfin sauf si on joue “méchant” mais j’ai toujours du mal à m’y résoudre, sachant que c’est une voie tout à fait viable). Et c’est aussi ça qui fait qu’un RPG est intéressant, les choix et les conséquences, ici, on en a un paquet ! Pour couronner le tout, les dialogues entre les divers personnages sont délicieux, avec un humour pince-sans-rire typique de l’écriture d’Obsidian. Une musique discrète, mais néanmoins efficace accompagne nos aventures, le reste du sound design est au diapason, les râles des Onilotes ou le scintillement d’un coffre proche sont reconnaissables sans faute. Techniquement, j’ai trouvé le jeu solide, mais le re-calcul des shaders à chaque lancement a un peu éprouvé ma patience…

Avowed n’est pas le jeu de l’année, ni le RPG de l’année. Mais il est beau, suffisamment long sans devenir ennuyeux, et nous permet de vivre un bon dépaysement avec un sous-texte anti-colonialiste qui fait du bien dans le marasme politique actuel. Dans la lignée de Outer Worlds dans le propos, et l’exécution : un jeu simple, mais pas simpliste, accueillant, mais avec une pointe de challenge tout de même et avec un fort message, ça fait plaisir. Et puis ça m’a donné envie de faire Pillars of Eternity I et II…

Tavern Talk

Et si on parlait taverne ?

Laisser un commentaire