Critique - Réalité Virtuelle

Medal of Honor: Above and Beyond

Vasquaal
Publié le 4 février 2021

Développeur

Respawn Entertainment

Éditeur

Electronic Arts

Date de Sortie

11 décembre 2020

Prix de lancement

59,99 €

Testé sur

Valve Index

Série culte devant l’éternel, Medal of Honor aura compté plus d’une quinzaine d’itérations, initialement créé sous l’impulsion du fameux Steven Spielberg dont les jeux reprendront son goût du spectacle, la musique aux accents héroïques et une ambiance assez unique. Je me rappelle encore de ce premier épisode sur Playstation One, limité par la rigidité d’une jouabilité peu idéale comme l’étaient souvent les jeux de ce type sur console à l’époque. Pourtant l’expérience fut unique, seulement surpassée par Allied Assault, son premier épisode sur PC, avec ses graphismes et sa jouabilité supérieurs, et surtout son inoubliable séquence du débarquement à Omaha Beach.

MANON DES retours aux SOURCES

Il est donc assez cocasse de se dire que Respawn, responsable de Above & Beyond, le premier Medal of Honor sorti en huit ans, est un studio composé d’anciens d’Infinity Ward, ce dernier ayant été lui-même fondé par des anciens de 2015, Inc. responsable d’Allied Assault. Une sorte de retour aux sources même si les équipes d’avant et maintenant n’ont sans doute plus grand-chose en commun. Pour autant, Medal of Honor : Above & Beyond ne cesse de nous rappeler à ses prédécesseurs, que cela soit dans les sensations comme dans son atmosphère. La musique semble à peine différente, jouant sur des mélodies teintées de nostalgie évoquant sans trop forcer les ambiances héroïques d’antan.

Il y a donc quelque chose de vieux (la nostalgie) imbriqué dans du neuf (la réalité virtuelle) dans une aventure avec un grand A à tirailler sur du nazi à tout va, pour une expérience à la fois familière et différente. Son histoire nous met dans la peau d’un agent muet, légèrement personnalisable pour nous ressembler, qui de héros de guerre en Afrique du Nord, deviendra un agent de l’OSS en mission en France pour aider la résistance auprès de quelques personnages connus de la série. Manon fait ainsi son retour, elle qui était alors l’héroïne du second épisode sur Playstation One.

L’intrigue importe peu finalement, remplissant son office d’héroïsme et de bravade, de fusillades, de tanks et de bombardiers, de débarquement à Omaha jusque dans des bases secrètes nazies. Le voyage est à l’honneur, et, le dépaysement total est là la plupart du temps ; enfin quand le jeu est à son meilleur, ce qui objectivement n’est pas tout le temps le cas. Above & Beyond a ses défauts, pas du genre à le rendre injouable, mais du genre à frustrer devant tant de potentiel qui n’arrive pas à toucher complètement la perfection qui aurait pu être sienne.

Il partait pourtant si bien avec ses nombreuses idées de gameplay bien senties et astucieuses, faisant de lui un jeu agréable à prendre en main, accessible au plus grand nombre et tout simplement amusant à manipuler. Après un long tutoriel habituel du genre pour nous apprendre les bases, l’action pourra enfin commencer.

Ainsi on attrapera son arme de poing sur une de nos hanches, un chargeur plein sur l’autre, tandis que sur nos deux épaules se trouveront nos deux armes principales. Si on veut changer notre arme de poing pour une autre trouvée en chemin, il suffira de ramasser cette dernière pour que celle en notre possession soit interchangée avec. Il en va de même pour nos deux armes principales. Pour échanger son arme logée sur l’épaule gauche, il faudra simplement attraper celle voulue de la main gauche, et inversement pour la droite. Intuitif et efficace.

Pour ranger son arme, c’est encore plus simple, il suffit de la lâcher pour qu’elle aille se ranger toute seule dans son slot d’inventaire dédié. L’ergonomie de Medal of Honor est certainement une des meilleures du moment, tout du moins en ce qui concerne cet aspect de sa jouabilité. Votre poignet gauche abritera quant à lui jusqu’à trois seringues de soin, tandis que le droit sera le lieu d’accueil de l’objectif en cours accompagné d’une flèche indiquant la direction générale à suivre. La poitrine hébergera pour sa part jusqu’à trois grenades. 

Les menus de Above & Beyond sont également remplis d’options non sans quelques oublis. Tout d’abord, on appréciera la possibilité entre un jeu assis ou debout, celle de pouvoir tourner par à-coups avec plusieurs degrés de rotation possibles, ou au contraire, d’y préférer une rotation fluide, ce que je conseillerai alors avec le cran de fluidité à son maximum pour s’assurer de réduire le plus possible toute sujétion à une sensation de cinétose. On regrettera cela dit que les options graphiques soient si peu nombreuses pour un jeu qui aurait gagné à ce que ça ne soit pas le cas.

Il faut dire que ce Medal of Honor est du genre gourmand, très gourmand. Sa configuration recommandée est déjà plus élevée que pour beaucoup de jeux VR et se permet même de tourner bien souvent dans des conditions plus désastreuses qu’un certain Half-Life Alyx, malgré des graphismes globalement plus modestes que ceux du titre de Valve. Non pas qu’il soit laid, certains passages étant même magnifiques ; dans son ensemble, ce Medal of Honor est plus exigeant que ce que sa fidélité visuelle semble vouloir laisser penser.

Du coup, avec un i7 8700K et une Geforce RTX 3080 avec les détails au maximum et seulement de l’antialiasing en MSAA2x, sur la résolution du Valve Index (deux écrans LCD en 1440×1600), j’oscillais entre 50 et plus de 60 images par seconde, parfois touchant du doigt les 80 images. Mon expérience fut globalement fluide sur une machine étant cela dit plus que robuste, ne présageant pas du meilleur pour les configurations qui s’avéreraient plus modestes, même si la présence d’un mode de résolution dynamique et d’un antialiasing temporel (TAA) permettent de maintenir un framerate plus stable et généreux au détriment par contre de la clarté et du détail de l’image.

On se plaindra également – pour une meilleure accessibilité – de l’absence de la téléportation comme moyen de déplacement, MOH se limitant ici à une méthode plus classique au joystick. Là encore, les personnes les plus sujettes à la cinétose ne les remercieront pas. L’absence aussi d’un bouton pour pouvoir s’accroupir au lieu de le faire physiquement avec son corps, rentre en contradiction avec la présence du mode assis, pourtant idéal pour les personnes âgées, fatiguées et bien évidemment à mobilité réduite. Malheureusement pour lui, Above & Beyond oscille ainsi tout le long de son expérience, et ce à tous les niveaux, entre les bonnes idées et le sentiment désagréable que certaines choses ont été bouclées par manque de temps ou de budget, comme s’il fallait terminer à tout prix son développement même si cela voulait dire ne pas l’amener au bout de ses possibilités.

Cinétose

Modérée

Peur / Jumpscares

Parfois

Medal of participation

Nous sont proposées plusieurs missions pour un total de six, découpées en plusieurs niveaux, certains étant assez courts, plus proches de la scénette à valeur cinématographique que ludique, pour venir à mesure de notre progression vers des niveaux plus longs se rapprochant un peu plus de ce que ses prédécesseurs pouvaient proposer. Cela ne veut pas dire que ce Medal of Honor ne souffre pas de gros soucis de rythme à cause de niveaux parfois trop courts nous donnant la désagréable impression de passer plus de temps devant des écrans de chargement qu’à se divertir en combattant les forces du mal.

Sur le fond, le gameplay reste on ne peut plus basique, consistant la plupart du temps à éliminer des ennemis qui viendront souvent par vagues, avec à l’occasion quelques objectifs secondaires à remplir histoire de briser la monotonie. On ne s’en plaindra pas quand les niveaux se font divertissants et bien rythmés ; on le fera un peu plus quand le jeu s’enfoncera dans un coup de mou à l’image de sa mission en tank atroce de désintérêt avec son absence d’enjeu et dénuée de la moindre excitation. 

On pestera aussi contre le fait que parfois les contrôles réagissent bizarrement, la détection de nos mains n’étant pas toujours au poil, qui au lieu d’attraper une grenade sur notre poitrine pourrait très bien au contraire attraper à la place une de nos armes d’épaule. Pourtant globalement très propre sur sa jouabilité, ce Medal of Honor souffre de ce souci et de quelques bugs de collision sensiblement énervants, surtout en plein milieu d’une action soutenue. On évolue ainsi entre des moments divertissants dont on aura rêvé depuis toujours et la déception que cela aurait pu être tellement plus.

La scène du débarquement est par ailleurs la représentation parfaite du problème majeur qui ternit ce jeu, soucis de finition mis à part. Cette scène mythique du précédemment cité Allied Assault était aussi et surtout un morceau d’anthologie du jeu vidéo. Si retrouver ce passage dans Above & Beyond fait plaisir (toute proportion gardée sur l’idée de plaisir ici, il s’agit bien évidemment de ne pas oublier l’horreur réelle de cette guerre), on ne peut s’empêcher de trouver la session trop courte, téléphonée et peu originale, au gameplay fonctionnel mais sans intérêt. Ce passage est aussi étonnamment vide, affichant finalement peu de soldats, peu d’action et rien qui impressionne. 

Au-delà d’une campagne en solitaire, nous est également proposé un mode multijoueur en ligne. Plutôt sympathique, il reprend les grandes lignes du gameplay de sa campagne. Le TTK y est cependant assez court – TTK voulant dire Time To Kill, un terme usé pour décrire le temps nécessaire pour éliminer un adversaire – rendant les affrontements courts et parfois frustrants. Certaines armes ont par ailleurs une puissance de feu ridicule rendant les échanges de coups de feu par moment déséquilibrés. 

Pour compenser cela, ce mode se repose aussi sur des objectifs à tenir ce qui forcera les joueurs à un semblant de tactique, par conséquent à la possibilité de mieux anticiper les mouvements de l’ennemi que dans un simple deathmatch probablement plus chaotique. Cela étant dit, il est difficile de se dire que le multijoueur se suffit à lui-même à une époque où Pavlov VR existe, ce dernier étant exclusivement orienté vers le multijoueur en ligne, sorte de Counter-Strike en VR venant tout récemment d’ajouter du contenu inspiré par la Seconde Guerre Mondiale, ayant même des tanks. Le mode multi de Above & Beyond risque donc fortement de devenir vite une curiosité face à une concurrence plus mature et aux communautés plus importantes et motivées. 

Une autre addition au contenu se trouve sous la forme de vidéos de témoignages de vétérans de la grande guerre, dont la très bonne qualité explique sans doute la taille démesurée du jeu flirtant sans sourciller avec les 170 gigaoctets de données – et le double étant nécessaire pour l’installer ! Il y a donc un peu de tout dans ce jeu, pas mal de contenu mais aussi un potentiel sous-exploité qui a du mal à passer après ce que la réalité virtuelle aura su nous proposer de mieux ces dernières années.

Il est difficile de ne pas trouver chez Above & Beyond une virtualité au goût de 2017 après avoir eu entre nos mains la beauté d’un Half-life: Alyx ou l’ingéniosité d’un Boneworks dans son utilisation de la physique en usant intelligemment ce que la VR est capable d’apporter. Si quelques idées bien pensées mériteraient d’être reprises de partout – marque de fabrique de Respawn pour qui aura joué au gameplay très bien pensé d’Apex Legends – il est aussi vieillot dans sa façon de penser la réalité virtuelle, trop statique parfois, quand ses niveaux plus ouverts et plus libres nous laissent imaginer dans notre peine au potentiel d’un jeu qui aurait pu être.

Medal of Honor : Above & Beyond est vraiment un jeu qui vaut le détour et le vaudra encore plus ses bugs corrigés et son optimisation améliorée. Il a de bonnes idées en termes de jouabilité et reste un jeu accessible malgré quelques oublis pour qu’il le soit encore plus comme l’absence d’un bouton pour s’accroupir. Si son interprétation de ce que peut apporter la réalité virtuelle peut sembler dépassée aujourd’hui, il n’en reste pas moins très divertissant quand il est à son meilleur, donnant envie de vite y retourner le casque une fois posé, le paradoxe de tout jeu frustrant et amusant à la fois

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