Lecture

Discovery Book d’Assassin’s Creed

William Brou
Publié le 12 février 2021

Les éditions Larousse et Ubisoft se sont associés pour produire deux « Discovery Book by Assassin’s Creed », adaptations en livres des « Discovery Tour », les modes éducatifs des jeux Assassin’s Creed.

Les Discovery Tour : des musées interactifs

Avant de parler des livres, revenons sur les Discovery Tour by Assassin’s Creed. À la base, ce sont des modes pédagogiques indépendants qui permettent de suivre des visites guidées dans les mondes créés par Ubisoft pour les jeux Assassin’s Creed.

Vous incarnez un Grec du Ve siècle ou Jules César au Ier siècle av. J.-C. et vous suivez un guide vous expliquant le fonctionnement des concours olympiques tout en déambulant dans le sanctuaire d’Olympie, sans risquer de vous faire arracher la tête ou dévorer par un animal sauvage. C’est quand même plus agréable ! Améliorés d’opus en opus, on attend avec impatience le prochain sur la Norvège et l’Angleterre du Xe siècle.

Ubisoft dit de ces Discovery Tour qu’ils sont des jeux, moi je pense que ce sont plus des musées interactifs. Si vous souhaitez en savoir plus, n’hésitez pas à regarder la vidéo sur ma chaine YouTube (oui je fais de l’auto-promo).

Véritable outil pédagogique, ils sont utilisés par de nombreux enseignants à travers le monde. Moi-même je les utilise en classe avec mes élèves afin de leur faire découvrir les pyramides. Alors que valent ces versions papiers ?

Des « beaux livres »

Commençons par la forme. Ce sont des beaux livres d’une centaine de pages, une couverture mousse très agréable et un beau papier glacé (qui marque un peu quand même). Le format carré de 25 cm x 25cm est sympa. Ils iront très bien dans une bibliothèque familiale.

Les deux livres sont organisés en chapitres (8 pour l’Egypte, 9 pour la Grèce). On remarque d’ailleurs que le chapitrage a été retravaillé par rapport au jeu vidéo pour mieux répartir les visites.

Chaque chapitre comporte des doubles pages thématiques qui se concentrent sur un sujet.

On notera d’ailleurs que les chapitres s’enchaînent comme dans les manuels d’histoire. Ils commencent par la géographie, puis enchaînent sur un peu de chronologie pour terminer par des chapitres thématiques autour de la vie quotidienne, la religion ou les arts.

L’enchaînement des chapitres est plutôt logique, et il est tout à fait possible de naviguer au gré de nos envies dans le livre, comme on peut le faire dans le Discovery Tour.

Des ouvrages largement illustrés

Un des points forts des Discovery Tour est l’immersion des joueurs dans un univers audiovisuel. Les joueurs comme des touristes en visite dans le passé peuvent se balader pour découvrir les détails placés ici ou là par les équipes d’Ubisoft. Il est intéressant de s’arrêter devant un moulin à olives pour regarder son fonctionnement et les ouvriers s’affairer autour. Chose que les joueurs ne prennent pas vraiment le temps de faire d’ordinaire.

Dans la version papier, cette immersion passe obligatoirement par la présence d’images fixes. On retrouve le cocktail de documents que l’on trouvait déjà dans la version numérique.  L’entreprise capitalise sur le travail effectué lors de la confection des Discovery Tour.

La majorité des illustrations sont des captures in-game. Elles sont généralement mises en avant sur une pleine page.

Sur certaines pages, on peut voir des reproductions de documents de travail. On peut admirer des aquarelles de Jean-Claude Golvin, archéologue et consultant sur les deux jeux. On peut découvrir des concepts arts, mais uniquement dans le livre sur la Grèce (16 au total). Cela ne remplace pas un vrai artbook mais les amateurs apprécieront.

Parsemés au fil des pages, on peut aussi profiter de reproductions de fresques, statuettes, et autres vestiges archéologiques issus de grands musées comme le British Museum. Ubisoft a acheté les droits de certains de ces documents, il est normal de les retrouver dans la traduction papier. Je regrette que les légendes soient trop courtes et imprécises. J’aime bien savoir où sont conservés ces vestiges.

Quelques anachronismes

L’illustration de certaines pages pose parfois quelques problèmes d’anachronismes. L’anachronisme c’est lorsqu’on utilise une notion ou une représentation contemporaine pour parler d’un événement passé. Par exemple, c’est comme si je vous parle de capitalisme à l’âge de pierre…

Parfois, les images in-game montrent un paysage postérieur à la période évoquée. Par exemple, les textes de la double page l’Ancien Empire parlent du IIIe millénaire avant J.-C. et l’illustration est une vue du site de Gizeh au Ier siècle avant J.-C. Il y a un petit décalage temporel…

Aussi, on sait que la représentation in-game souffre de quelques arrangements avec la réalité : hauteur et perspective faussées, répétitions de certains motifs.… Quelques encadrés « Dans le jeu » expliquent certains choix artistiques. S’ils sont une preuve d’auto-critique de la part des équipes d’Ubisoft, ces encarts sont très minoritaires, absents même du livre sur la Grèce. Je trouve cela bien dommage.

Une bonne vulgarisation historique ?

Ces livres mettent enfin en avant les historiens et chercheurs associés à la création des Discovery Tour. C’est peut-être un détail pour vous mais pour moi ça veut dire beaucoup. C’était une lacune du produit numérique. Cela garantit le sérieux du contenu scientifique. Les lecteurs doivent savoir que des historiens sont à l’origine des textes, même si on comprend par ailleurs qu’ils ont été réécrits par les équipes d’Ubisoft (notamment par Maxime Durand, Jean Guesdon et Ann Lemay).

Les textes se présentent sous la forme de petits paragraphes synthétiques à la lecture plutôt rapide et agréable. Ils permettent de construire des repères sur ces périodes appréciées des amateurs d’histoire. Je n’ai pas lu de bêtises, j’ai même appris des choses ! J’ai apprécié les petits focus sur des détails comme « la monnaie athénienne » ou cette anecdote sur la bibliothèque d’Alexandrie :

« Si une large part de sa collection a été achetée sur des fonds publics, la bibliothèque a aussi fait appel à d’autres méthodes : tous les volumes possédés par les voyageurs séjournant dans la ville étaient saisis pour être copiés. La copie était ensuite remise au propriétaire initial et la bibliothèque s’appropriait l’original. »

Les enseignants savent que les élèves et les amateurs d’histoire adorent les anecdotes ! D’ailleurs vous connaissez… (je m’égare).

La volonté de rendre accessibles les savoirs et les informations récoltés lors de la création du jeu est très clairement au centre de la production de ces livres. Dommage que les sources de ces informations ne soient pas mentionnées, mais cela aurait alourdi les pages.

Achète mon jeu !

Sur la page des crédits, on peut lire « Et si vous partiez vous-même visiter l’Égypte antique ? ». C’est une vraie invitation à acheter le logiciel éducatif d’Ubisoft, et pourquoi pas le jeu en lui-même ! Finalement, ces livres ne seraient qu’un produit d’appel vers le jeu.

Les captures in-game ne seraient qu’un argument commercial : « Regardez notre jeu est beau et représente le mieux possible l’Égypte et la Grèce antique ! » D’ailleurs, Jean Guesdon, directeur créatif sur Assassin’s Creed Origins, écrit dans la préface : « les équipes d’Ubisoft ont patiemment recréé, de la manière la plus fidèle possible, certaines des époques les plus marquantes de notre Histoire ».

Et c’est vrai que ces livres naviguent entre deux eaux. Ils souhaitent être des livres d’histoire qui s’adressent à des non joueurs tout en leur montrant des images du jeu. Et en même temps ils souhaitent expliciter un cadre spatio-temporel à des joueurs. Cette ambiguïté ne m’avait pas sauté aux yeux lors de mon test des Discovery Tour numériques.

Toutefois, il faut reconnaître qu’après la lecture de ces livres, comme dans sa version numérique, le lecteur n’en saura pas plus sur la méta-histoire d’Assassin’s Creed. Point d’assassins, de templiers ou de complot pour la domination mondiale dans ces livres d’histoire.

Finalement, ces livres sont le résultat d’un très bon travail réalisé par les équipes d’Ubisoft et des éditions Larousse. Les recherches effectuées par les historiens et les chercheurs lors de la construction des jeux Ubisoft trouvent ici une nouvelle forme. Ces livres trouveront parfaitement leur place dans la bibliothèque des joueurs ; et dans la bibliothèque d’un public curieux et non averti de ces périodes historiques. Les spécialistes de ces périodes resteront sur leur faim c’est sûr (désolé vous n’êtes pas la cible).

Si l’attrait pour la franchise Assassin’s Creed permet à des personnes qui n’ont jamais ouvert un livre d’histoire sur l’Égypte antique ou la Grèce antique d’en retenir quelques bribes d’information, alors ces livres auront rempli leur ouvrage. Et finir sur un jeu de mot, c’est la classe !

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