Critique

Forspoken

Vasquaal
Publié le 23 février 2023

Développeur

Luminous Productions

Éditeur

Square Enix

Date de Sortie

24 janvier 2023

Prix de lancement

80 €

Testé sur

PC

Forspoken est une nouvelle IP dans le giron du géant japonais Square Enix, mélangeant jeu de rôle et action dans un monde inspiré à l’origine par une démo technique pour leur moteur maison, le Luminous Engine. Voilà un jeu qui aura fait parler de lui et pas forcément toujours pour les bonnes raisons, entre son prix d’entrée de 80 euros, tout comme certains dialogues de son héroïne jugés trop clichés pour notre bien. Pourtant, il y a quelque part là-dedans quelques bonnes choses à se mettre sous la dent.

Qu'il est bon mon poisson Frey

Tout d’abord, rentrons dans le vif du sujet, à savoir la partie technique. Forspoken a été testé sur PC avec un processeur Intel i5 12600K, 32Go de RAM et une Geforce RTX 3080, installé sur une SSD NVME plus que rapide. Normalement, il ne devrait y avoir aucun problème, surtout que graphiquement parlant, bien qu’ayant de jolies choses à montrer, Forspoken n’est pas un monstre de rendu graphique. Les étendues sont vastes, mais aussi assez vides, et il faut s’avouer que son monde n’a pas beaucoup de vie, ce qui va fondamentalement de pair avec son côté mourant, il est vrai.

Toutefois, le framerate fluctue plus souvent que le prix du gazole, apportant une expérience dans son ensemble instable et peu fluide. Même si mon nombre d’images par seconde était plus fréquemment au-dessus des soixante, la stabilité du framerate est ce qui permet à un jeu d’être agréable à jouer. Je ne dirai pas que mon temps passé avec Forspoken de ce point de vue là ait été le pire qui soit, je dois cependant avouer que je m’attendais à mieux.

On appréciera quand même les efforts fournis sur cette version PC supportant tout un tas de technologies récentes comme le DLSS, le FSR, les ombres et l’occlusion ambiante en ray-tracing et même les résolutions dans le ratio en 21:9, quand bien même les cinématiques restent en classique 16:9. DirectStorage est même supporté permettant des temps de chargement vraiment rapides. Ils étaient de l’ordre de deux ou trois secondes sur ma machine.

Forspoken n’est pas non plus un jeu vilain, mais peut mieux faire. Certains détails, comme celui des tenues vestimentaires de certains protagonistes, méritent d’être loués grâce à la qualité du rendu des matériaux et leur originalité dans leur design. Il est néanmoins dommage que le jeu oscille aussi continuellement entre le manque de personnalité de sa direction artistique et son total opposé. Visuellement parlant, les couleurs apparaissent comme écrasées et uniformisées, comme si un filtre avait été appliqué pour rendre terne un monde perdant ainsi tout relief. A contrario, durant les combats, les effets de particules fusent dans tous les sens comme si un arc-en-ciel venait d’exploser. 

Il y a du style dans ce jeu. Il est simplement très mal mis en valeur.

Frey au Pays des Merveilles

L’histoire de Forspoken s’apparente à celle d’un isekai, sous-genre littéraire de la fantasy japonaise dans lequel un individu se retrouve transporté dans un monde parallèle lui étant inconnu. C’est exactement l’histoire de Frey Holland, notre héroïne en devenir, qui alors au fond du trou dans sa ville de New-York, va se trouver emportée sur Athia, suite à sa rencontre avec un bracelet ensorcelé à la langue bien pendue. 

L’aventure de Frey va se construire peu à peu dans une intrigue qui va l’amener malgré elle à affronter les Tantas, des femmes puissantes maîtrisant chacune une magie liée à un élément. Les Tantas dans le monde matriarcal d’Athia sont idéalement vues comme ses leaders et des personnalités vénérées. Cependant, depuis quelque temps, ces dernières ont visiblement perdu la tête, libérant par la même occasion la Brume, une espèce de brouillard responsable de la mort lente de leur monde. 

Or, Frey peut désormais utiliser de la magie liée à l’élément de la terre. Elle est aussi insensible à la Brume qui ne la tue, ni ne la transforme. La voilà donc toute désignée pour sauver ce monde, quand bien même il s’agirait là d’une responsabilité trop grande pour ses épaules. 

L’intrigue en soi de Forspoken n’est pas mauvaise. Elle se suit avec aisance. Il lui manque seulement de la substance. Bien que Frey puisse paraître caricaturale à sortir des “fuck” à longueur de phrases, elle arrive parfois à démontrer une facette plus complexe de sa personnalité. Malheureusement, le scénario ne prend jamais vraiment le temps d’explorer les aspects les plus intéressants de sa mythologie, perdant plutôt son temps avec des personnages secondaires manquants cruellement d’épaisseur. Les Tantas, pourtant présentées comme un élément important de l’histoire, sont souvent expédiées dans leur traitement par une narration qui semble vouloir se dépêcher d’en finir plutôt que de prendre son temps pour développer et enrichir son propos. 

Il ne nous reste alors, à la conclusion de l’odyssée de Frey, qu’un goût d’inachevé et d’opportunités manquées, à l’image des incessants échanges verbaux entre Frey et Krav, son bracelet magique doté d’une conscience. Ainsi, quand Frey se balade dans le monde ouvert, loin de tout humain, Krav meuble ce vide narratif par le biais de dialogues dans un échange plein de sarcasmes entre lui et notre héroïne. Le problème viendra du fait que ces dialogues sont incessants (paramètre réglable dans les options cela dit) et répétitifs à souhait. Frey et Krav doivent partager à tout casser une vingtaine de phrases pour meubler une vingtaine de situations différentes, et la même phrase sera répétée ad nauseam à chacune de ces situations (Frey tombe de très haut, Frey fait fasse à un ennemi, etc), cassant toute immersion, nous rappelant que nous sommes bel et bien dans un jeu vidéo.

Ma sorcière bien aimée

Le monde d’Athia est vaste et son contenu généreux. Pour autant, cela n’en fait pas forcément un bon jeu. L’immensité des biomes explorables d’Athia est compensée par la présence du parkour dit magique, qui, comme son nom l’indique, permet à Frey de grimper et courir de partout à l’aide de la magie. Le parkour magique est agréable et fluide dans son utilisation. Il peut arriver d’y avoir quelques soucis de pathfinding par moment où Frey se verra stupidement coincée par un nivelé malencontreux du sol, mais dans son ensemble, il s’agit sans aucun doute d’un des aspects positifs du jeu.

Pour autant, à l’image de son contenu très, trop généreux, symbolisé par une carte du monde remplie de petites icônes d’activités à remplir ou de ressources à récupérer, traverser d’aussi vastes étendues devient redondant à la mesure que les heures avancent. Autant j’ai poncé le premier biome au centimètre près, autant pour les trois suivants, un témoin aurait pu attester de ma motivation se dégradant graduellement à cause d’un trop à faire devenu étouffant. Forspoken comme d’autres jeux en monde ouvert, souffre malheureusement du syndrome de lassitude. Ses activités se limitent à quelques-unes copiées-collées dans chaque région d’Athia. Un mini-donjon en vaut bien un autre, et aura bien du mal à vous surprendre quand il s’agira de l’unième à enchaîner. 

Heureusement, dans l’entre-deux de nos voyages reste l’éternelle valeur ajoutée de la baston. Frey démarre son aventure avec des sorts liés à l’élément de la terre. Ces derniers se divisent en deux catégories, pour la défense et l’attaque. Des sorts rapides et faibles, comme des sorts plus puissants nécessitant d’être chargés, c’est dans ses combats que Forspoken se démarque le plus, dans un mélange d’action virevoltante, très dynamique avec un brin de stratégie. De sa confrontation avec les Tantas, Frey récupérera des magies de l’élément du feu, de l’eau et de la lumière, chacune ayant ses avantages et ses inconvénients selon le type d’ennemis rencontrés. Et pour ne rien gâcher, sa magie s’accompagnera systématiquement d’effets visuels magnifiques.

Les combats en question peuvent même se révéler particulièrement difficiles et exigeants. Pour les moins entreprenants d’entre vous, Forspoken dispose d’options de difficulté réglables dont de nombreux paramètres pouvant rendre votre expérience plus permissive et moins stressante. Pour les plus téméraires, son système de jeu répond vraiment à une volonté de nous proposer quelque chose de complet et bien pensé, rendant les affrontements jouissifs et satisfaisants. Frey dispose en sus de ses sorts, d’un équipement reposant sur des capes très stylisées aux compétences passives diverses et modifiables à l’envie pour les statistiques générales de Frey. Il y a aussi les vernis à ongle, oui des vernis, qui, outre la classe à Dallas, vous offriront des compétences passives pour renforcer les magies de votre choix.

Il est ainsi possible de se construire un build aux petits oignons pour faire de Frey la sorcière ultime à nos yeux. Malheureusement, il s’agit peut-être du seul élément de gameplay parfaitement maîtrisé par Forspoken et difficilement critiquable à la différence du reste de ses parties.

Forspoken n’est pas l’horreur annoncée par certain. Son scénario est parfois indigent au détriment d’une mythologie originale. Il n’est simplement pas assez abouti sur le plan technique comme narratif. Pour 80 euros, il est sûr que son contenu est plus que généreux si l’ennui ne vous guette pas avant à cause de la redondance de ses activités qui donnent plus l’impression d’être du remplissage qu’autre chose. Reste son système de combat par magie interposée, associé à des déplacements amusants à la mode parkour, véritable point positif sans équivoque dans un jeu pétri de bonnes intentions dont le potentiel est malheureusement bien enfoui sous un tas d’occasions manquées. À faire quand vous le trouverez à un prix qui vous semblera juste.

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