Dossier

Festival du film Fantastique de Gerardmer

Le Festival International du Film Fantastique de Gerardmer tient une place toute particulière dans mon cœur puisqu’il s’agit du premier festival de films auquel j’ai pu me rendre. Initié par mon cher ami Rémi (le fantastique batteur d’Hollywood Burns) j’ai pu y découvrir les joies des festivals cinématographiques et y prendre bien trop goût. 

Je n’avais cependant pas eu l’occasion de retourner au Festival de Gerardmer depuis des années, celui-ci tombant régulièrement aux mêmes dates que la Global Game Jam. En 2023 néanmoins, la GGJ a revu son format et surtout ses dates. J’ai donc enfin pu fouler à nouveau les bords du lac de Gerardmer, du 25 au 29 janvier 2023, accompagné par Lady Yaya (notre rédactrice spécialisée poney) pour vous en rapporter ce reportage.

Un festival à la capitale du linge de maison

Gerardmer est une petite ville réputée pour bien des raisons : son lac, sa station de ski, son linge de maison et bien entendu son festival cinématographique. N’étant passionné ni de décoration d’intérieur, ni de sport de glisse dans le froid, je me contenterai en conséquence de vous parler du lac et du festival.

Les projections ayant lieu aux quatre coins de la ville, les festivaliers ont bien souvent eu l’occasion de longer les rives du lac menant à la plus grosse salle du festival. À l’extrême opposé, pour atteindre la plus petite salle, on longe la rue principale proposant commerces, restaurants, une médiathèque, la mairie et même une église presque au milieu du village. La fréquentation du festival étant plutôt conséquente, les points de restauration sont vite pleins, et les boulangeries en rupture de stock sur les sandwichs.

Déroulement et système du pass

Le Festival se déroule sur quatre salles différentes à travers la ville, chacune proposant ses avantages et inconvénients, quatre salles, quatre ambiances.

Le centre de congrès Espace L.A.C propose la plus grande capacité d’accueil avec environ 600 places disponibles. Son écran gigantesque et sa scène en hauteur en fond le théâtre de toutes les cérémonies officielles du festival. Un lieu quasi inévitable si l’on s’intéresse à l’une des projections spéciales de la programmation. 

Malheureusement, cette salle, bien que volumineuse, est extrêmement mal adaptée à un festival de films projetant en majorité de la VO. La moitié (à la louche) des places de la salle sont en gradins, tandis que la seconde partie est au sol sans la moindre variation de hauteur. Ainsi un nain comme moi (1,64 m à la louche ici aussi, c’est dingue tout ce que l’on peut mesurer avec une louche) ne peut bien souvent pas voir toute la partie inférieure de l’écran (les sous-titres donc). Ajoutez à cela qu’une bonne partie des bonnes places sont réservées pour le jury (ne venant fréquemment d’ailleurs pas) et il vous faudra composer avec les restes. Connaissant déjà le festival, j’avais tenté de m’organiser pour éviter au maximum cette salle.

À quelques minutes à peine en longeant le lac, on pouvait rejoindre le Cinéma du lac, aussi appelé cinéma du Casino. Contrairement au centre des congrès, cette salle est un véritable cinéma tout au long de l’année et propose une installation particulièrement confortable. Les sièges en gradins sont confortables et même avec un géant devant vous, il reste possible de savourer chaque projection. Les tenanciers du cinéma y sont particulièrement agréables, accueillant chaque spectateur avec le sourire même pendant les périodes de rush et font tout leur possible pour permettre à un maximum de personnes de profiter des séances.

De l’autre côté de la ville, les festivaliers pourront se rendre au mal aimé Paradisio. Malgré quelques années d’expérience, je ne saurais toujours pas vous dire si cette salle est encore en activité en dehors du festival (mais j’en doute fortement). Côté salle, il y règne une ambiance particulièrement vintage donnée par ses sièges en cuir (que j’adore personnellement) et de la moquette aux murs qui rappela l’odeur des Emmaüs aux plus chineurs d’entre nous. Bien que très confortables, les sièges en cuir provoquent de nouveau ce souci de placement pour les plus petits puisque la salle est très peu dénivelée. 

Côté organisation, le Paradisio est aussi le plus artisanal des quatre lieux de projection. C’est la façon polie de dire que tout est un peu fait à l’arrache là-bas. On a pu y entendre dès le premier jour « ça va, ils vont pas louper grand chose » par un projectionniste refusant d’attendre que tous les spectateurs soient tous rentrés. Y découvrir des toilettes hors service le dimanche matin, ou encore un film avec les sous-titres décalés (qu’il aura fallu relancer trois fois) sur la séance du dimanche soir. En bref, un cinéma débordant de charme (je serais presque tenté de dire mon préféré) mais mal aimé à juste titre par son organisation et son accueil.

Tout au bout de la ville, la Maison de la Culture et des Loisirs (aka la MCL) est la plus petite salle du festival. Proposant 200 places, on entend assez peu parler de cette salle qui est pourtant la seule à projeter des films en bobine (et non en numérique) sans pour autant le mettre en avant. L’accueil y est toujours fait avec le sourire et il y règne presque toujours une ambiance “paisible” fort agréable.

Les festivaliers disposent de plusieurs moyens pour assister aux séances. Le premier consiste à acheter un pass permettant de réserver ensuite jusqu’à cinq séances par jour. Le prix du pass étant variable de 99 € pour la durée complète du festival, à 31 € pour un pass Jeudi ou Vendredi (je vous épargne la grille tarifaire complète). Pour vous donner une idée plus concrète du volume faisable avec un pass, j’ai personnellement pu assister à 20 séances (dont 2 doubles et les courts-métrages) avec un pass Festival à 99 €, soit une moyenne de 5 € la séance (à la louche une fois de plus).

Autre solution, si vous êtes du coin et que seules une ou deux projections vous intéressent, vous pouvez toujours opter pour un billet à la séance facturé 10 €.

La technologie a passé Les Vosges…

L’intérêt des réservations en ligne est non négligeable puisqu’il permet de ne pas faire la queue dans le froid pour se faire recaler pour salle pleine à 2 personnes devant vous (true story en 2016). À présent, on réserve en avance et on a juste à dégainer son QR code sur son téléphone pour pouvoir rentrer dans la salle.

…Mais pas trop non plus

Bien que relevant d’une idée formidable, la mise en place des réservations se révèle en vérité particulièrement chaotique.

Quelques jours avant l’ouverture des réservations, le festival va mettre en ligne sa grille de programmation via un PDF qui bien que très mignon ne permet pas de s’organiser correctement.

Il est, en effet, compliqué de visualiser rapidement quelle séance va en chevaucher une autre alors qu’une simple frise chronologique fait parfaitement le job (comme c’était le cas au FEFFS par exemple).

Ajoutez à cela qu’aucun des films présentés sur le site du festival ne propose de trailer (ce qui n’est techniquement pas compliqué à faire). Il faut donc un onglet ouvert sur le site pour les résumés de films, un autre sur YouTube pour regarder les trailers et un 3ᵉ sur le PDF, si l’on n’a pas eu le réflexe de l’imprimer pour l’annoter. Il nous aura fallu à la louche (ouais encore elle) trois bonnes heures pour dégrossir nos souhaits et tenter de concevoir un programme le plus optimisé possible.

Cette mauvaise lecture ne permet d’ailleurs pas de s’apercevoir immédiatement que certains films sont projetés une seule et unique fois, et le sont à des horaires simultanés. Il était, par exemple, impossible d’assister aux séances de Goodnight Mommy et de Faux-semblants puisque les deux films étaient projetés une seule fois chacun à 15 h le jeudi. 

Ceux qui ont lu mon précédent reportage sur le FEFFS savent que je suis un chipoteur puisque je suis un ancien projectionniste (et directeur de cinéma). Il m’est ainsi déjà arrivé de devoir caler 18 films différents sur les 72 séances de ma semaine en moins d’une heure de réflexion (true story, la joie de la programmation du lundi). J’attends donc d’un festival d’envergure international se préparant pendant de longs mois une meilleure conception de son programme autant dans le fond que dans la forme.

Ce mauvais point ne permet d’ailleurs pas de mettre en avant les forces du festival. La séance de 2 sœurs était, par exemple, projetée en 35 mm au MCL, un “détail” qui n’apparait ni sur le programme, ni même sur le site et qui ravirait pourtant bon nombre de cinéphiles old school. Lors de mon optimisation de programme, j’ai dû faire un choix entre deux sœurs et un autre film. J’ai par chance sélectionné celui projeté en bobine, mais si j’avais eu cette information en amont, je l’aurais priorisé sans hésiter.

Autre problème lié à la programmation : chaque jour à 11 h, des séances pour le jour suivant étaient ajoutées, afin de permettre aux festivaliers n’ayant pas pu avoir certaines places de se rattraper aux branches. Des places se rajoutant donc pendant que certains spectateurs sont en séance… j’assistais ainsi vendredi à 11h à la projection de Memory of Water, ne pouvant donc pas espérer récupérer de nouvelles places pour la projection de Tropique du lendemain. Encore une belle erreur de timing de la part de l’organisation.

Site internet cassé et communication à sens unique.

En parlant de réservations, le site du festival permet de prendre vos places, mais aussi de les annuler si jamais de nouvelles sont disponibles et que vous libérez vous-même vos tickets en décalant une séance. 

Malheureusement, sur certains navigateurs (dont l’un des miens), le site n’affiche pas le bouton de l’espace membre ce qui ne permet par conséquent pas d’annuler les séances. Je dégaine alors Tweeter puisque le Festival possède son propre compte où j’espérais y trouver réponse, mais ce sont les autres tweetos qui me fournissaient des éléments de réponse tandis que le compte officiel indiquait de mauvais liens.

Les différents réseaux sociaux du festival ne servent, en effet, pas à communiquer avec les festivaliers de façon bilatérale, mais simplement à les inonder de posts de promotion du festival. Pour tout problème, aucun Community Manager ne viendra vous répondre. En revanche, vous pouvez compter sur lui (ou elle) pour vous poster à outrance des photos des invités et autres retweets des articles de presse parlant du festival. L’organisation du festival n’a sans doute pas un véritable Community Manager, mais certainement un.e ancien.ne attaché.e de presse qui utilise les réseaux sociaux sans les comprendre. Vivement leur compte TikTok tient.

Dernier point sur la communication (après, j’arrête de leur taper dessus avec ma louche promis) concernant le vote du public. Avant chaque séance en compétition, un carton affiche un visuel rigolo pour inciter le public à voter pour ce film si celui-ci est son favori. Cependant, aucune explication sur la procédure de vote. Comment voter, où, jusqu’à quand ? Démerdez-vous donc comme vous pouvez… il fallait suivre l’un des réseaux sociaux du festival pour y découvrir le lien de la page pour voter. Une page qui n’était même pas présente sur le menu de leur site. Dans le doute, j’ai répondu à leur tweet en les incitant à ajouter cette page au site, mais le Community Manager était sans doute trop occupé à publier des photos des acteurs pour prendre en considération ma requête.

Expositions et concours de vitrines et espace tilleul

Outre les films, durant le festival ce sont aussi des animations annexes qui prennent place un peu partout dans la ville. Chaque année les commerçants qui le souhaitent peuvent participer à un concours de décoration de vitrines en rapport avec le festival. Cette année, il semblerait qu’une vingtaine de commerçants ait joué le jeu bien que nous n’ayons pu en repérer qu’une quinzaine lors de nos déambulations. 

Aucune liste des boutiques participantes n’est disponible, pas plus que le nom du gagnant du concours. Un autre manque de communication un peu triste qui valoriserait cette initiative pourtant très cool. Alors faute d’avoir le gagnant officiel, on peut toujours vous parler de cette boulangerie qui a réalisé une galette de 125 cm et qui est un peu notre gagnant coup de cœur. Une boulangerie qui a joué le jeu jusqu’au bout puisque la galette une fois morte (elle a fini par tomber) fut remplacée par de belles affiches avec sa photo pour lui souhaiter de reposer en paix.

De nombreux exposants se tiennent aussi en parallèle des séances. Ceux-ci se trouvent à l’espace tilleul, sorte de “village” du festival. On y retrouve le point de retrait des accréditations, l’espace boutique, la radio du festival, les artistes (auteurs et illustrateurs) et quelques expositions que l’on peut découvrir aux étages supérieurs (abritant la médiathèque).

L’espace vente proposait un choix assez large de goodies en rapport avec le cinéma. Des DVD et Blu-rays bien sûr, dont L’attaque des crabes géants disposant toujours de l’étiquette jaune Noze à 99 centimes et que l’on tentait de me vendre à 5 € (bien tenté, mais je vois que l’on a les mêmes fournisseurs cher ami vendeur). Une multitude d’affiches de films officielles particulièrement bien protégées sous plastique, et bien entendu tout un tas de figurines attrape poussière qui fait le bonheur des collectionneurs.

Les artistes placés en face des boutiques peuvent présenter leurs nouveaux ouvrages pour les auteurs, tandis que les illustrateurs peuvent afficher leurs créations de façon à attirer le chaland. Il est, en effet, plus difficile de mettre en avant visuellement un roman qu’une illustration, il faut donc tendre l’oreille et écouter les discussions pour découvrir la nouvelle pépite à lire au coin du feu.

Les expositions aux étages sont assez peu fréquentées malgré de très belles propositions. La sélection photographique présentée dans la médiathèque affichait des clichés magnifiques qui s’accordaient parfaitement au thème du festival. Tandis que celles sur les dessins au premier étage était quasiment exempte de visiteurs, sans doute à cause de l’odeur particulièrement nauséabonde qui régnait à cet étage.

Les quelques autres expositions prenant place à d’autres lieux de la ville souffraient malheureusement d’horaires complètement faux sur le site et la documentation du festival (au fait, je vous ai dit que leur communication était toute naze ?). 

Ainsi, l’exposition à la villa Monplaisir annoncée de 10 h à 18 h était en réalité fermée entre midi et 14 h. Nous avions trouvé un créneau adapté pour nous y rendre entre deux séances, nous sommes finalement repartis un peu déçu de découvrir les vrais horaires sur la porte et de ne pouvoir la visiter.

Constat presque identique pour l’exposition d’animatroniques à la mairie. Affichée ouverte de 13 h à 16 h, nous attendions toujours à 13 h 15 dans ce hall de mairie sentant fort le cigarillo (un espace non-fumeur, il parait). Nous avons par chance pu découvrir celle-ci en repassant un peu plus tard, notre agenda ayant un autre (tout petit) temps disponible. Proposant un univers plus fantastique qu’horrifique, ce petit vent de magie était un vrai plaisir à voir bouger et s’animer.

En bref, plein de belles initiatives malheureusement mal mises en avant par l’organisation et la communication du festival.

Attraction bonus

Vous ne connaissez sans doute pas l’attraction la plus secrète du festival, mais étant un homme généreux, je vais vous la révéler.

Armez-vous d’un bon sandwich et installez-vous confortablement sur le banc juste en face du grand hôtel et SPA. Situé juste en face de l’espace tilleul, c’est à celui-ci que sont logés les invités et qu’y sont invités les journalistes. Mais attention, ne croyez pas que vous êtes placés ici pour apercevoir Hazanavicious et lui crier “Monde de merde !”, non, vous êtes ici pour le spectacle des voituriers.

Toutes les deux minutes, une nouvelle voiture arrive sur cet espace banalisé pour le festival. Les véhicules partenaires (disposant d’un gros autocollant Festival de Gerardmer) peuvent y stationner en attendant leur prochaine mission, tandis que les autres sont durement chassées.
Les heureux élus, en attendant de prendre passagers, doivent respecter les consignes des gardiens de parking. “Gérard avance un peu”, “Dédé recule d’une place”, “Barbara serre-toi derrière la voiture blanche, euh non la noire, euh attends en fait, Jean-Pierre c’est qui la Volvo ?”. C’est tout un festival de quadra et quinquagénaire à l’accent des Vosges bien prononcé qui passe sont temps à déplacer les véhicules sans que l’on sache pourquoi. Nous avons supposé à un moment qu’ils organisaient les véhicules pour alterner les voitures blanches et les noires, mais un SUV un peu violet est venu casser notre théorie. 

Après 45 minutes d’observations, je ne connais toujours pas la réelle cause de tout ce remue-ménage, mais c’était passionnant à regarder, beaucoup plus que le film la Tour en tout cas (dont on vous parle un peu plus bas).

Public et tradition

Chaque festival a ses traditions, propres à son public. Pour le Festival du Film Fantastique de Gerardmer c’est une introduction vidéo, projetée avant chaque film qui tient le tout. Un enchaînement de visages de monstres, qui lors de l’apparition du loup-garou va faire hurler les festivaliers habitués d’un hurlement de loup. Puis juste après un homme poisson qui créera un bloubloubloubloubloup tout aussi général. 

Je connaissais cette tradition et j’avais hâte de la faire découvrir à Lady Yaya. Je n’étais cependant pas prêt à découvrir la nouvelle tradition qui s’était créée pendant mes années d’absence. Une intro précède, en effet, celle des monstres, indiquant qu’il est interdit de filmer ou de prendre des photos via une série de logos assez clairs se retrouvant barrés d’une croix rouge. À chaque croix, on pouvait entendre le public crier en chœur “Non”, en suivant le rythme saccadé des croix rouges. Non, non, non, nooooooonnnn… Dès la séance d’ouverture, je riais à chaudes larmes de cette nouvelle tradition que je ne connaissais pas encore.

Mais attendez, il y en avait une autre. Chaque film démarre habituellement par la partie très chiante de tous les logos des distributeurs, partenaires et financeurs. À chacun d’entre eux, on pouvait entendre un “Bravo ! bravo !” suivi d’applaudissements. Si six logos s’enchainaient, six bravos et applaudissements s’enchainaient aussi. Sauf pour Canal + (qui avait droit à son petit “Rends l’argeeennnnt” et Netflix qui écopait d’un “Bouuuh”.

Les festivaliers étaient au taquet dès la séance du film d’ouverture et ont tenu la vanne pendant tout le festival. On peut même assez vite faire la différence entre les séances du mercredi et jeudi avec des festivaliers motivés et drôles, qui contrastent avec les festivaliers du week-end qui forcent la vanne un peu trop. 

Le public de Gerardmer c’est aussi un public qu’on voit peu ailleurs. Finalement peu de jeunes, et un nombre assez important de seniors qui se croient au festival de Cannes du Fantastique. C’est un comparatif que j’ai pu entendre à plusieurs reprises (en me retenant de rire), parfois par deux bourgeoises tentant de doubler dans la file d’attente. Un procédé hautement inutile étant donné le système de réservations. Parfois par un groupe de vieux sentant très fortement la vinasse en sortant du restau et parlant ouvertement pendant les séances.

En effet, bien que les vigiles demandent l’ouverture des sacs à chaque séance en demandant si l’on possède de l’alcool, c’est finalement dans leur sang que les festivaliers peu respectueux le rapportent. J’ai senti moins de relents d’alcool à la file d’attente pour la nuit décalée (lieu pourtant propice à cette activité) qu’à la séance de 15 h de Goodnight Mommy le jeudi après-midi, cherchez l’erreur.

Mais, alcool ou non, c’est globalement un public coupé en deux avec des festivaliers passionnés, drôles et respectueux, couplés à des bourgeois bien trop à l’aise. Si les festivaliers pratiquent la vanne de la tradition, ils savent aussi devenir silencieux dès le début du film et respecter la logique des séances. On peut faire le con et hurler aux séances nuits blanches, mais on se tait pour les projections traditionnelles. Les bourgeois eux s’en moquent. Ils critiquent le film à voix haute pendant la projection, discutent d’autres choses sans même chuchoter et pouffent sans raison à plusieurs reprises pendant le film, quand ils ne regardent pas leur téléphone en pleine séance. 

Quand j’étais directeur de cinéma, il m’arrivait d’avoir à sortir des éléments perturbateurs pendant les séances. Ils avaient cependant 13 ans, ceux de Gerardmer en ont 73 et personne ne les sort eux.

Le festival du film fantastique est-il fantastique ?

Après cette introduction au festival sur un plan général, place aux films. En espérant vous avoir donné envie d’aller au festival International du film fantastique de Gerardmer malgré le nombre de points négatifs que j’ai soulevés. Celui-ci reste un réel plaisir et mérite sa réputation d’événement inévitable du genre. 

Après 30 ans d’existence, souhaitons-lui toujours une longue vie avec une bonne mise à jour de modernité sur la communication. Aussi, rappelons-lui que bien qu’il soit actuellement le plus grand des petits Festivals de Film Fantastique, il n’est plus le seul. 

Si l’année prochaine, j’avais à choisir entre le FEFFS et Gerardmer, il y a fort à parier que je retournerais manger des tartes flambées à la capitale européenne avec des jeunes, plutôt qu’alleer manger des quiches à la capitale du linge de maison avec les seniors.

Blood, le film d'ouverture

Blood était projeté à l’espace lac à 19 h, accompagné de la cérémonie d’ouverture, ou à 20 h au Casino. Mesurant un peu plus d’un mètre soixante et n’ayant que faire des mondanités, nous avons donc jeté notre dévolu sur la séance de 20 h.

Celle-ci était tout aussi prisée que la cérémonie d’ouverture et les bénévoles ont dû à répétition demander aux festivaliers de se décaler pour ne laisser aucun siège vide. Le tout dans une bonne humeur constante ponctuée de petites phrases comme “Faudra bien vous serrer, au moins trois par fauteuil.”

Une fois la salle pleine, la projection débute par son lot de tradition. Non, non, non, nonnnnn… AOuuuhh… bloubloubloubloubloup… Bravo… Bravo… C’est les larmes aux yeux que nous commencions cette première séance du festival.

Blood est une histoire de vampire moderne, croisée à un drame familial. S’installant dans une vieille ferme après une rupture, une mère de famille et ses deux enfants découvrent la vie à la campagne. Rapidement, le jeune garçon sera mordu par un chien démoniaque qui va transformer l’enfant en créature assoiffée de sang. Sa mère, infirmière, l’alimentera par tous les moyens possibles afin de le faire survivre.

Des personnages pour la plupart peu attachants et presque clichés. De l’enfant insupportable à qui l’on veut mettre des claques, à la mère présentée à répétition comme une loser, seule la jeune fille semble un minimum crédible (et encore). Pourtant le film se tient, sans être exceptionnel, on passe un agréable moment et l’on démarre le festival (presque) en douceur.

En compétition

J’avoue que la sélection des films en compétition ne m’attirait pas tant que ça cette année. À présent revenu du festival, je peux effectivement affirmer avoir préféré les projections hors compétition.

La tour

Un film français dont nous avions la chance d’avoir la productrice ainsi que deux acteurs sur scène juste avant la projection. Une introduction qui nous a permis d’apprendre que la productrice venue précédemment au festival avait demandé au réalisateur “fais-moi un film pour retourner à Gerardmer”. Elle aurait peut-être dû préciser un bon film lors de sa demande. L’actrice principale nous à quant à elle apprit que le tournage avait duré deux semaines. Un détail qui en dit long sur le résultat final.

L’histoire de La Tour se déroule dans un immeuble de quartier qui va soudainement se retrouver isolé du reste du monde. Chaque porte et fenêtre ne présente, en effet, qu’un brouillard noir désintégrant tout ce qui y rentre. Les habitants de l’immeuble vont donc devoir survivre avec ce qu’ils ont à l’intérieur du bâtiment.

Très vite les clichés sociaux s’installent, la guerre des gangs démarre avec une équipe de suprématistes blancs, face aux arbis, eux-mêmes en conflit avec les renois. Comme on est dans des personnages dignes d’une mauvaise blague d’ascenseur, on va rajouter une lesbienne et un homo, on mélange bien et l’on ajoute à présent des clichés de situations. Forcément, le gang des voleurs qui fait pousser de la beuh, c’est les arabes. Les blancs sont les premiers à s’organiser en “société” et le sorcier vaudou est bien entendu noir. En bref, des personnages qui auraient pu être écrits par le vieux Dédé du PMU au coin de la rue.

Avec cet univers déjà mal écrit, l’histoire ne nous raconte à peu près rien. Le scénario enchaine de micro histoires sans vraiment avoir de fil rouge et va sauter dans le temps via des ellipses temporelles peu compréhensibles qui deviendront un running gag du public.

Au premier “2 semaine plus tard”, on s’intéresse. Au second, “6 mois plus tard”, on se demande comment la situation a évolué. Au 3ᵉ saut dans le temps, on a compris qu’on se foutait de notre gueule, donc on n’y croit plus. Au 4ᵉ bon, on entend un rire en chœur des spectateurs. C’est souvent comme ça qu’on reconnait un nanar d’ailleurs, quand le spectateur rit alors que ce n’était pas prévu. Au dernier fondu au noir affichant un texte, on peut lire le mot “Fin” et entendre un soulagement collectif du public. 1 h 29 de film qui nous aura semblé durer 3 h.

Memory of water

Pour celui-ci aussi, la projection était précédée d’une introduction, par la réalisatrice cette fois-ci. Parlant un français bien plus que correct malgré sa nationalité finlandaise, Saara Saarela nous expliquait être heureuse de pouvoir projeter Memory of Water après de longues années de travail. Quittant la scène en invitant les spectateurs à venir discuter avec elle à l’issue du film pour parler de celui-ci ou de cinéma en général.

Adapté d’un roman d’anticipation (la fille de l’eau), Memory of Water nous parle d’un avenir pas si hypothétique dans lequel l’eau est devenue une denrée rare et régulée par le gouvernement en place. Le spectateur suit la jeune Noria, devenue maitresse de Thé de son village, qui va tenter d’aider de plus en plus de gens à avoir accès à cette ressource naturelle et indispensable. On y découvrira progressivement que le gouvernement est plus proche d’un État totalitaire armé que d’un groupe de personnes choisies par le peuple pour les guider.

Un peu de Science-fiction dans ce film particulièrement réussi. Les personnages y sont bien écrits (et bien joués), l’aspect futuriste est cohérent sans jamais être trop exagéré et les effets spéciaux devraient assez bien traverser le temps. 

Un beau film avec une histoire pourtant écrite en 2012, qui nous alertait déjà sur la préservation de notre planète avec un profond message anti-militariste. Après cette piqure de rappel du film, nous verrons où nous en serons dans 10 ans de plus.

Watcher

Si j’avais pu voter à temps pour les films en compétition, c’est pour celui-ci que j’aurais donné ma voix.

Pourtant, loin d’être fantastique au sens strict, Watcher est un thriller efficace. On y suit la jeune Julia, fraichement arrivée en Roumanie pour suivre son conjoint revenu au pays suite à une belle promotion. Ne parlant pas un mot de roumain, le jeune fille flâne toute la journée en tentant d’apprendre progressivement la langue du pays.

Petit à petit, elle découvre qu’une silhouette à la fenêtre de l’immeuble en face l’observe. Elle se sent ensuite suivie à de nombreuses reprises et observée. D’autant plus que la presse parle d’un tueur en série faisant des ravages dans les proches quartiers de l’appartement.

Watcher n’est pas à proprement parler d’une très grande originalité, mais son histoire est prenante. La réalisation est propre et le rythme assez soutenu pour ne pas décrocher de l’histoire. Les quelques jumpscares du film m’ont fait réaliser d’incroyables bonds qui laisseront à Lady Yaya la joie de se moquer de moi. 

Zeria

À chaque festival, il y a un film qui bat le record du nombre de visiteurs à ne pas terminer la séance. Pour cette édition, c’est Zeria qui détient la palme avec pas moins d’une vingtaine de spectateurs à être partis avant la fin.

Les trailers n’étant pas disponibles sur le site du festival, bon nombre de festivaliers sélectionnent leurs séances selon le court descriptif proposé par le site. Zeria est, en effet, exactement ce que sa bande-annonce nous présentait. Une histoire introspective au rythme un peu lent nous narrant la vie (presque) ordinaire du dernier homme sur Terre avant l’exode sur Mars. Il nous raconte sa jeunesse tourmentée, ses premiers ébats sexuels (de façon bien trop précise au goût de nombreux spectateurs) jusqu’à la fin de vie. La conclusion est même touchante de petites phrases démontrant du narrateur qu’il est ravi de la simplicité de sa vie.

Un témoignage plus qu’un film, qui loin d’être inintéressant, n’aurait certainement pas dû être en compétition par son approche trop expérimentale. Mal vendu, il aura finalement déçu plus par le manque de communication autour de ce qu’il est vraiment plutôt que par son œuvre en elle-même. Un film bizarre, mais pas mauvais pour autant.

Piaffe

J’avais la chance d’être accompagné de Lady Yaya pour Piaffe. Notre rédactrice spécialisée en jeux de poney s’y connait en fait très bien en chevaux IRL aussi, c’est même son métier. J’ai donc pu bénéficier d’un regard de cavalière permettant de bien mieux appréhender ce film lui aussi très bizarre. 

L’histoire suit un jeune femme introvertie travaillant comme sound designer (ou bruiteuse comme on disait avant) travaillant sur un film publicitaire présentant un cheval. Proposant une première version ne convenant pas au client, celui-ci va lui demander de recommencer en s’imprégnant bien plus de l’univers du cheval. Et c’est ce qui va se passer puisque la jeune femme va progressivement voir une queue de cheval pousser sur son corps tout en changeant également son comportement. Elle vivra par la suite une étrange relation amoureuse sexuelle avec un botaniste tout aussi perché.

Toute la subtilité du film réside en réalité dans le comportement de la jeune femme qui va reproduire de façon extrêmement fidèle celui d’une jument. Alors moi, je n’ai franchement rien capté de tout ça, mais c’est Lady Yaya qui m’a fait la traduction ensuite.

La plupart des spectateurs n’étant pas des spécialistes équins, je comprends assez bien les mauvaises critiques que j’ai pu entendre du film au cours du festival. D’autant plus que même avec les références, le film ne semble pas non plus exceptionnel. En tout cas ce n’était pas le coup de cœur de Lady Yaya.

La pieta

J’avais déjà vu la Pieta au FEFFS mais ce n’était pas le cas de Lady Yaya. Celui-ci ayant été Gagnant du grand Prix Crossover à Stasbourg, je me suis lancé dans un second visionnage afin de vérifier si je n’avais pas manqué quelque chose lors de ma première expérience.

Bilan, mon avis sur le film n’a pas changé et je ne comprends toujours pas l’engouement malgré les qualités visuelles du film.

The Nocebo Effect

Dernier film en compétition que l’on a pu voir avec Lady Yaya, qui aurait d’ailleurs hésité entre celui-ci et Memory of Water pour son vote.

Dans The Nocebo Effect, Une créatrice de mode (jouée par Eva green) est soudain frappée par une mystérieuse maladie dont aucun médecin n’arrive à trouver remède. Jusqu’à ce qu’une nurse philippine, sortant de nulle part et recrutée par personne vienne soulager la styliste par sa médecine traditionnelle. Une histoire qui va mêler un folklore philippin rarement exploité au cinéma occidental dans un monde moderne qu’à l’inverse, on connait parfaitement.

Les personnages sont intéressants et bien écrits, mention spéciale à la petite fille de la famille qui joue merveilleusement (alors que les enfants acteurs ne sont souvent pas terribles) et apporte la petite touche d’humour du film pas si drôle sur le reste. 

Le scénario dévoile sa véritable nature au fur et à mesure du film jusqu’à une fin surprenante et intéressante.

Rétrospective gémellité

Cette édition du festival présentait une sélection de films sur le thème de la gémellité. On pouvait y retrouver d’anciens films tout comme des nouveautés. Il était cependant impossible de voir toutes les œuvres de cette thématique puisque comme expliqué en introduction, certaines d’entre elles ne passaient qu’une seule fois et à la même tranche horaire.

Us

Je n’avais jamais eu l’occasion de voir US, Lady Yaya, non plus et c’est sans doute notre film préféré du festival.

Une famille se rend dans sa maison de vacances à Santa Cruz et va vite se retrouver dans un combat contre une autre famille leur ressemblant terriblement. S’en suit une chasse à l’homme qui va révéler au fur et à mesure les détails d’une histoire bien ficelée.

À l’inverse de La Tour (voir en section en compétition), ici chaque personnage est parfaitement calibré. Le scénario est subtil et laisse place à plusieurs interprétations et sous-messages qui permettront de belles discussions. Le tout dans un rythme parfaitement maitrisé, fourmillant de retournements de situation, je n’ai absolument pas vu passer les 2 h de temps.

Côté visuel, le film est magnifique avec des plans et une colorimétrie fantastiques. La Bande originale est, elle aussi, une totale réussite. Qu’il s’agisse de créations spécifiques au film comme la musique d’introduction, ou de reprises comme cette version horrifique de I Got 5 on It.

Un vrai chef-d’œuvre que nous nous réjouissons d’avoir pu rattraper avec Lady Yaya.

Goodnigh mommy

Proposant dans sa bande-annonce des séquences que l’on ne verra pas sur le métrage final, Goodnight Mommy raconte l’histoire de deux jumeaux vivant dans la superbe maison à la campagne de leur mère. Un jour, ceux-ci découvrent leur mère rentrant le visage bandé, suite à une opération, et vont commencer à douter de l’identité de cette femme.

Le film propose une belle intrigue, tout en présentant un rythme assez calme qui laisse sa place au contemplatif des séquences en extérieur. 

Un rythme qui laisse aussi la place aux discussions des spectateurs irrespectueux. C’est, en effet, l’une des séances où j’ai le plus entendu de discussion à haute voix, vu de gens sur leurs téléphones, ou subi des ricanements incessants.

Tropique

Seul film pour lequel nous n’avons pas pu obtenir de réservation. Nous avons donc tenté l’aventure de la seconde file d’attente pour les places de dernière minute. Une situation qui rappelle aux anciens comment était le festival avant le système de réservation, une époque où les festivaliers se parlaient bien plus facilement entre eux puisqu’ils faisaient la queue 2 h ensemble.

Nous avons ainsi pu rencontrer pendant notre attente une fantastique jeune fille qui a réalisé un splendide Shrek des neiges avec ses chaussures absolument pas adaptées à sculpter de la neige. La sculpture de fortune n’aura cependant pas résisté longtemps puisqu’à la séance suivante celui-ci avait déjà été piétiné (paix à son âme).

Aussi présenté en sélection hors compétition, Tropique est un film français qui m’a particulièrement déçu. Non pas que le film soit mauvais, mais son prétexte “fantastique” aurait très bien pu être remplacé par n’importe quel accident de la route. Le tout n’étant que prétexte à un drame familial.

Les films fantastiques français ont cette fâcheuse tendance à prendre n’importe quel contexte fantastique pour nous montrer un drame familial (j’avais eu le même avis sur le fil La nuée). Si je vais à la boulangerie, c’est pour acheter du pain et pas un steak, donc quand je vais voir un film fantastique, j’aimerais y trouver du fantastique. C’est peut-être très bien hein, d’ailleurs mon boulanger fait peut-être d’excellents steaks, mais ce n’est pas ce que l’on était venu chercher. Arrêtez de nous mentir sur la marchandise.

Tropique raconte donc l’histoire de deux frangins se préparant pour passer un concours de cosmonaute. Le plus doué des deux va malheureusement subir un accident à base de comète tombée du ciel pendant une baignade nocturne (dont apparent tout le monde se fout) qui va le transformer en handicapé mental léger avec de sérieuses déformations physiques.

Forcément passer de beau gosse super intelligent à l’handicapé du lycée va poser des désagréments sociaux, que ce soit la victime, son frère ou leur darone. Bref, absolument rien de fantastique là-dedans, on pouvait vous faire la même histoire avec un accident de la route, ou même juste une chute dans l’escalier.

Rétrospective

Je suis souvent assez fan des rétrospectives pendant les festivals. C’est l’occasion d’avoir une séance de rattrapage sur grand écran ou de revoir ses classiques avec une nouvelle qualité.

La nuit des morts-vivants

Étant fan de films de zombis, je ne pouvais pas manquer cette remasterisation en 4K du premier du genre. L’image est certes magnifique, mais au-delà du plaisir de nerd, il faut bien admettre que le film a bien mal vieilli.

Les fans de Roméro seront ravis de revoir La nuit des morts-vivants, mais pour le quidam, c’est un peu plus compliqué. Lady Yaya qui n’avait, par exemple, jamais vu ce film l’a trouvé limite nanardesque lors de certains passages, et je ne peux qu’être d’accord avec elle. Un film à (re)voir pour la science et la culture plus que pour ce qu’il peut proposer en lui-même.

2 soeurs

Tout juste sorti de l’interminable séance de La Tour, nous traversons la ville pour nous rendre au petit, mais confortable, MCL. Tout juste installé, nous discutons un peu avec nos voisins de sièges pour leur déconseiller d’aller voir la purge de laquelle nous sortons, tandis qu’ils nous préviennent de leur déception sur le film Domingo. Les festivaliers s’échangent souvent les bons tuyaux et se préviennent également des œuvres moins “convaincantes”.

À peine la séance commencée que l’image m’intrigue. Étant assis au fond de la salle juste sous la cabine de projection, je tends l’oreille pour tenter d’y déceler le bruit d’un projecteur à bobine. Je n’entends rien, mais l’image à l’écran ne fait aucun doute, le film est projeté à l’ancienne avec de la bobine. Par curiosité, je poserai la question le lendemain lors d’une autre séance au MCL et le projectionniste me confirmera que la séance était bien projetée en 35 mm. Un détail pour certains, un véritable argument pour d’autres. Dans tous les cas cette spécificité n’était malheureusement annoncée nulle part, vraiment dommage.

La séance était aussi ma première découverte de cette œuvre dont je me souviens avoir vu un DVD trainer chez un cousin il y a fort, fort, longtemps. Celui-ci me vantait les mérites du film et du cinéma coréen en général, deux points sur lesquels il avait d’ailleurs raison. 

2 sœurs nous raconte l’histoire de deux jeunes filles (frangines donc, jusque là vous suivez) se rendant dans la maison pour le moins atypique de leur père. Une grande baraque isolée à la campagne avec son petit lac où l’on suivra les deux héroïnes et leur relation avec leur belle-mère. Très vite la beauté du lieu fait place à l’étrangeté de celui-ci et l’on va découvrir brique par brique le passif des personnages à travers des scènes parfois très belles et d’autres fois très dérangeantes.

La réalisation est belle, la musique magnifique et l’on ne décroche pas à un seul moment de ce film qui mettait le cinéma coréen en avant, il y a déjà 20 ans.

The Host

On ne peut plus parler de cinéma coréen sans penser à l’excellent Parasite de Bong Joon-ho qui a (enfin) popularisé ces productions au grand public français. Le festival proposait d’ailleurs cette année de redécouvrir l’une des premières œuvres de ce même réalisateur, dans un tout autre genre.

La famille Park tient un petit snack au bord de l’eau dans la ville de Séoul, essentiellement géré par le grand-père, aidé par son imbécile de fils. Par une belle journée, un monstre géant sort de l’eau et embarque la plus jeune fille. La famille se lance alors à la poursuite du monstre pour trouver son nid et tenter de sauver la cadette.

Mêlant film de monstre et relations familiales tendues, The Host est un parfait mélange des genres qui propose un drame familial sans oublier d’être un film fantastique (coucou les Français, prenez-en un peu de la graine). 

On retrouve la patte du réalisateur, alternant efficacement entre séquences très lourdes et scènes très légères, voire presque joyeuses parfois. Un travail qui passe à la fois par l’image, mais aussi beaucoup par la musique. Un œuvre qui a très bien vieilli et reste aujourd’hui encore une belle démonstration de ce qu’un film de monstre géant peut être.

Nuits blanches

Le festival est habituellement ponctué de sa traditionnelle nuit blanche présentant une trilogie de films se prenant moins au sérieux que ceux de la journée. Quelques années auparavant, j’ai pu y découvrir Sharknado, Zombeavers, ou encore American Burger.

Cette année, le festival proposait non pas une, mais deux nuits blanches de deux films chacune. Une surdose qui ne permettait malheureusement pas d’en profiter pleinement. Si s’organiser pour se coucher un peu tard sur une soirée reste faisable, difficile d’enchainer les deux nuits complètes si l’on veut profiter un minimum d’autres séances du festival. Parfois, il vaut mieux faire moins, mais faire mieux.

La nuit Sang lendemain

Projet Wolf Hunting

La thématique de cette soirée était ouvertement l’hémoglobine. Ouvrant le bal avec un film coréen qui ferait passer Tarantino pour un économe sur les effusions de sang. Prenez plusieurs dizaines de Gangsters dangereux, enfermez-les dans un cargo avec des flics, ajoutez quelques armes (blanches comme à feu) et secouez bien. C’est bourrin et sanglant, mais on peut faire encore plus ! Saupoudrez d’un super soldat génétiquement modifié dans le labo secret de la cale du cargo (oui, vous avez bien lu) et voilà ! Vous obtenez un genre de Terminator qui va s’occuper des survivants de la rixe qui a eu lieu quelques minutes plus tôt.

Avec Projet Wolf Hunting, on n’était pas là pour réfléchir, mais pour voir du sang, la promesse est tenue.

Nous n’aurons pas eu l’énergie pour rester au second film, préférant assurer notre niveau de sommeil pour ne pas dormir aux séances du lendemain.

La nuit décalée

Mad Heidi

Cette seconde nuit proposait d’entamer la soirée avec Mad Heidi. Bien qu’ayant déjà vu le film deux fois en salle, j’avais hâte de le rerevoir et surtout de le faire découvrir à Lady Yaya. Il nous aura fallu attendre très, très, très longtemps dans le froid pour être certain d’avoir de bonnes places. Les nuits ne sont, en effet, pas réservables via le pass et l’on doit donc arriver tôt si l’on veut être sûr de rentrer. 

Ajoutez à cela une organisation chaotique, où on fait rentrer les gens de la file sans pass avant ceux en ayant un. Et, où on fait patienter les festivaliers dehors pendant que l’orga gonfle des ballons et prépare une fondue sur scène. Alors c’est sympa, la blague est rigolote, mais est-ce que ça valait le coup de nous faire tous rentrer en retard après avoir attendu dans le froid juste pour ça, je ne crois pas. 

Après cette longue attente, l’interminable installation des festivaliers se fait dans la plus grande joie avec un brouhaha permanent qui transforme la salle en véritable soirée. On y croise des types déguisés en Jesus, une séance de fondue sur scène et bien sûr une présentation déguisée avant de lancer des trucs à la tronche du public (une tradition de la nuit décalée). Un joyeux bordel au sens le plus premier, tout le monde s’amuse et rit avant la projection de ce chef-d’œuvre dont je vous ai déjà parlé lors de mon reportage sur le FEFFS.

Concernant le film en lui-même, le scénario est un chef-d’œuvre. Heidi vit paisiblement à la montagne, couchant avec Peter le chevrier, tandis que le reste de la Suisse est sous oppression totalitaire. En effet, il est interdit de vendre ou consommer un autre fromage que celui produit par l’état. Des méthodes médicales de contrôle sont mises en place afin d’éliminer le pays de la présence des intolérants au lactose. L’armée suisse (si, si) est déployée dans le but de neutraliser les manifestants qui lancent des emmentals au lieu de pavés. Le tout amené par des séquences qui rappelleront sans trop de doutes les méthodes nazies.

Heidi était bien loin de tout ça jusqu’à ce que son amant Peter le chevrier ne soit arrêté et puni pour trafic illégal de fromage de chèvre. Un déclencheur qui va transformer la gentille Heidi en guerrière, qui ira s’entrainer dans les bois et reviendra armée de sa puissante hallebarde pour découper ces méchants naz… euh… méchants militaires suisses.

Vous devez tous voir Mad Heidi, et regardez-le en mangeant du fromage si vous êtes un vrai.

Hors compétition

Certains festivaliers ne viennent que pour les films en compétition et font l’impasse sur les projections hors sélection. Une bien triste idée qui ne permet pas de tirer pleinement parti des œuvres proposées par le festival.

Maurice le chat fabuleux

Maurice le chat fabuleux est une adaptation cinématographique du roman Le fabuleux Maurice et ses rongeurs savants de Terry Pratchett (faisant d’ailleurs partie des annales du disque monde). On retrouve tout l’humour de la saga dans ce long métrage bien animé et plein de sous-entendus que les chérubins n’ont pas compris (et c’est tant mieux).

Le scénario est une version revisitée du conte Le Joueur de flûte de Hamelin, retranscrit par les frères Grimm, il y a fort, fort, longtemps. Cependant, à la différence du conte, le joueur de flûte est ici un escroc de mèche avec les rats et le fabuleux chat Maurice pour extorquer de l’argent aux habitants de chaque village. Une affaire particulièrement rentable jusqu’à se retrouver dans une ville où un immense danger rôde.

Véritable vent de fraicheur de la sélection du festival, Maurice le chat fabuleux est un excellent divertissement fantastique pour petits et grands.

L’aparté du chipoteur

Seule séance jeunesse de la programmation proposée aux festivaliers, celle-ci avait eu la mauvaise idée d’accueillir les écoles. Ainsi pour une séance à 14 h 30, la dernière classe est arrivée à 14 h 34, vampirisant au passage toutes les bonnes places pour les mouflets.

Loin de moi l’idée de vouloir empêcher nos jeunes bambins de regarder un film, je suis cependant assez bien placé pour savoir que mélanger séances scolaires et d’exploitation est une mauvaise idée. 

Les écoles ne sont JAMAIS à l’heure. Déplacer une armée de gamins, c’est toujours compliqué, mais les encadrants savent très bien que vous allez les attendre dans tous les cas, et donc ne se pressent pas.

De plus, une séance scolaire passe par un tarif conventionné aux alentours de 2,50 € à 3 € par tête. Remplir une salle de scolaires est donc moins rentable que de festivaliers.

Ainsi, j’ai du mal à comprendre que la seule et unique séance jeunesse du festival (qui est aussi parfaitement adaptée aux adultes) soit vampirisée de la sorte. Avec mon pass à 100 € j’ai le droit à une séance en retard, dont toutes les bonnes places ont été attribuées aux enfants. 

Si j’avais su, j’aurais peut-être sélectionné une autre séance. Encore une erreur de programmation et de communication de la part du festival.

Courts métrages

Les cours métrages sont un laboratoire d’expérimentations où l’on peut découvrir des concepts originaux sans prendre le risque de lasser le spectateur sur 1 h 30 à 2 h de métrage.

Il serait bien peu intéressant de vous décrire chaque court en détail, mais on y trouvait une grande variété de propositions en finalement pas tant de films. 

Et c’est surtout ici que l’on découvre que les Français peuvent être talentueux. De la comédie zombiesque rafraichissante, au concept étrange de voiture semi-organique, on découvre de vrais bonnes idées qui donnent plus de plaisir en 10 minutes chacune que La Tour n’a été capable de le faire en 2 h. 

On sort de la séance avec le sourire, débordant d’idées un peu farfelues et même un peu d’espoir. Et si dans 2 ans l’un de ces réalisateurs revenait avec un long métrage…

Venus

Ce nouveau film du réalisateur de REC, est une œuvre espagnole. Je ne vous divulgâcherai pas si celle-ci parle d’une mère toxique ou de religion, vous le découvrirez bien assez tôt.

Le spectateur suit une gogo danseuse qui a eu la bonne (ou pas) idée de piquer un gros sac de drogue dans la boite de nuit pour laquelle elle travaille. Poursuivie par les malfrats qui espèrent bien récupérer leur camelote et se venger au passage, la jeune femme se réfugie dans un vieil immeuble décrépi où habite sa sœur vivant seule avec sa fille.

La situation pourrait paraitre paisible, mais l’immeuble cache un étrange secret que notre gogo danseuse va découvrir malgré elle au fil de l’histoire. Les gangsters resserrent petit à petit l’étau et finissent par retrouver la jeune femme tout en se trouvant eux-aussi face au mystère de l’immeuble.

Venus propose une intrigue intéressante, avec pas mal de sang (et de boyaux à certains moments) qui aboutit à inévitablement un dénouement digne d’un film espagnol.

Irati

Dernière séance du festival pour nous, espérant une petite pointe de fraicheur Fantasy avant de quitter Gerardmer et de rentrer dans notre bonne vieille Bourgogne. Une séance qui va peiner à démarrer puisque les sous-titrages du film ne sont pas calés sur l’audio. N’imaginez pas un décalage d’une ou deux secondes qui puisse être un peu gênant, mais un écart bien plus important, rendant toute compréhension impossible.

À la seconde tentative, on se retrouve avec des sous-titres correctement calés, mais superposés aux précédents, toujours illisible donc. À la 3ᵉ le tout est enfin visionnable, petit applaudissement et ce dernier film peut débuter.

Irati nous plonge dans les Pyrénées dont la terre est envahie par l’armée de Charlemagne. Le chef du village va alors conclure un pacte avec la divinité locale pour sauver son peuple en l’échange de sa vie. Il fait promettre à son fils de continuer à protéger la vallée avant de se sacrifier, laissant le lourd héritage à sa descendance. Celui-ci va cependant partir juste après sa mort pour une éducation chrétienne qui ne va pas concilier facilement avec les anciens dieux.

Le spectateur suit ainsi le retour de l’enfant bien des années après son départ. Celui-ci est à présent un jeune adulte bon et sage, souhaitant la paix dans sa vallée. Sa foi chrétienne sera rapidement mise à l’épreuve par ses confrères du village et il devra alors choisir entre cette nouvelle religion et les anciens dieux de la vallée.

Abordant le sujet de la christianisation appliqéeé à un petit village de montagne, Irati nous présente un folklore varié de divinités et créatures anciennes qui sortent des poncifs habituels. Le lien avec les humains est assez fort, les créatures mystiques sont mêlées à notre monde, les anciens dieux vivent, eux aussi, parmi nous et l’on peut les solliciter au besoin. Le film nous raconte cependant comment cet autre monde va progressivement disparaitre, chassé par le christianisme. C’est assez symbolique, parfois beau, parfois triste et même parfois les deux en même temps. Voir la terre saigner là où est plantée une croix est un symbole assez fort de cette dure transition.

Irati nous propose de belles images qui devraient passer sans trop de problèmes les affres du temps. Les différentes créatures et les dieux anciens sont représentés sans tomber dans le cliché. Les effets spéciaux sont propres et n’utilisent pas à outrance la facilité de la 3D dégueulasse comme on pourrait le voir dans de nombreux films fantastiques.

Une projection en belle conclusion de ce festival, qui laissera même un petit goût de magie sur le retour. J’ai même espéré croiser nos anciens dieux sur la route, mais il semblerait que le chistianisme ait à jamais eu raison d’eux.