Critique

PAGUI打鬼

Développeur / Éditeur : padendon – Date de Sortie : 08 octobre 2019 – Prix : 20 €

On le voit sur Steam depuis quelques temps : au delà des jeux hentaï, le marché du jeu asiatique s’étend et devient de plus en plus étonnant. Les qualités de productions sont globalement importantes, surtout pour de petits studios, de petits projets, qui ont une particularité : la volonté de raconter quelque chose et surtout, de mettre leur culture en avant. Des cultures originales auxquelles nous, occidentaux, avons encore du mal à nous intéresser. Au cinéma, les sous-titres et les salles d’Art & Essai sont là pour tenter le coup et donner la possibilité aux plus curieux de se faire plaisir. Et si Steam jouait malgré-lui (et tant mieux pour les créateurs et les joueurs) ce rôle si particulier ?

Histoire de fantômes chinois

Basé sur une vraie histoire Taïwanaise, racontant l’épopée d’un jeune orphelin ayant été éduqué dans un temple, décidant un beau jour de partir à la recherche de ses parents et de son identité, PAGUI nous propose une histoire de démons, de spectres et tout cela dans un Taïwan de 1950 assez effrayant. Unreal Engine dans une main, filtres visuels dans l’autre, le jeu de Padendon tente l’effroi par la réalisation et y parvient avec talent. 

Tout commence par cette grand-mère qui nous apparaît après quelques sursauts. Une ancêtre pourtant bienveillante qui sera là pour guider le joueur dans sa quête de vérité. Armé de façon sommaire mais pouvant au fil des objectifs réussis obtenir quelques pouvoirs et combos magiques, vous serez donc devant un ersatz de jeu de combat faussement complexe. Les coups sont claqués aux gâchettes si vous jouez à la manette, les pouvoirs avec les sticks (et ce n’est pas bien pratique), tout cela dans un florilège d’animations soignées… Mais qui force à un gameplay trop rigide. On peut largement faire avec.

Si les premières zones vous proposent de contourner les spectres et autres forces démoniaques qui tenteront de vous tuer, vous aurez rapidement le droit de les enchaîner à coup de combos magiques. À noter que certains spectres apparaîtront avec un crâne rouge au-dessus de leur semblant de tête : ceux-ci sont impossibles à tuer avant une bonne heure et demie de jeu (si vous vous en sortez bien). Mais ne comptez pas sur ce texte pour vous révéler comment.

Saisi par une autre culture

Nous manquons cruellement de culture vidéoludique originale, provenant de différents pays du monde alors même que les studios indépendants se créent partout sur le globe depuis une dizaine d’années maintenant. PAGUI est la preuve que l’on peut toujours y trouver de petites perles, non pas technique ni même de concept, même si certaines idées sont intéressantes et que visuellement, il n’est pas foncièrement moche. Mais bien dans son récit et sa conception d’une histoire.

Faisant référence à une Histoire (celle de Taiwan), à une religion, à des croyances que nous n’avons pas l’habitude de voir dans nos jeux actuels, PAGUI parvient à proposer un récit émouvant malgré toute sa naïveté et ses problèmes typiques du projet amateur. Les vidéos sont très bien réalisées, pour tout vous dire souvent meilleures que celles d’un Shenmue 3 par exemple, ou du dernier Kingdom Hearts concernant les plans et la réalisation, mais souffrent de beaucoup de faux raccords entre les scènes. Coté voix, si cela fait énormément du bien d’entendre une autre langue que l’anglais, le japonais ou le français, l’enregistrement reste très amateur et blindé de défauts, de coupures, de mots hachés.

Mais on s’en fiche éperdument. Au bout d’un petit temps de jeu, on rentre complètement dans cette boucle de gameplay nous demandant de frapper de l’ennemi, de fouiller des lieux, de comprendre quelques rares énigmes et d’aller voir mère-grand pour faire un rapport sur nos découvertes. Au bout de deux heures de jeu, le principe s’envole et on a accès à une nouvelle zone, plus glauque, plus démoniaque, aussi plus emprunte de références mystiques et religieuses. Alors que le jeu allait justement peiner à se renouveler, l’histoire nous amène vers d’autres sentiers percutants.

Reste une dernière heure avant la conclusion, affirmant une durée de vie de maximum 5 heures si tant est que vous compreniez rapidement ou aller et quoi faire, qui pêche par un énorme défi final assez perturbant : une succession de phases de plateformes punitives entrecoupées de combats en arène réellement plus difficile que le reste du jeu. Ces affrontements mettent d’autant plus en exergue les problèmes de rigidité, d’accès aux objets de soin et clairement, c’est le point faible du jeu.

Si vous vous accrochez (et franchement, c’est jouable), vous aurez le droit à un affrontement contre un Boss Final vraiment massif et intéressant, ainsi qu’à deux fins disponibles toutes les deux étonnantes et réussies. Car oui, PAGUI n’est pas parfait sur plein de points, mais en termes d’ambiance, de récit, de références historiques et culturelles, il est maitrisé du début à la fin de son aventure.

Dans un anglais correct, à un prix un peu élevé de 20 €, PAGUI vous propose une demi-dizaine d'heures en terrain sans doute inconnu. C'est la mise en avant de références historiques et culturelles originales que le jeu vidéo met trop peu souvent, voir jamais en avant. PAGUI montre que le jeu vidéo chinois est décidément très à même de devenir un vrai vivier créatif indépendant. Clairement, des histoires comme celles-ci, aussi effrayantes qu'émouvantes, originales que prenantes, j'en veux tous les jours. Et je troquerais volontiers mes classiques et mes clichés culturels contre ce type d'expérience.

Image de Skywilly

Skywilly

Rédacteur en chef collectionneur de Skylanders et qui passe beaucoup trop de temps sur ces briques Lego. Heureusement qu'il y a des petits jeux pour s'évader ! Auteur de Le jeu vidéo indépendant en 2015 : Portraits de créateurs

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