Critique

West of Dead

Développeur : Upstream Arcade – Éditeur : Raw Fury – Date de Sortie : 18 juin 2020 – Prix : 19,99€

A l’Ouest des Morts se trouve un ancien pistolero en quête de réponses, passé de vie à trépas sans trop savoir pourquoi, condamné à errer éternellement dans les dédales d’un Far-West réimaginé à la sauce comics avec son graphisme en cell shading du plus bel effet, affichant des couleurs pleines et sombres de gris ou de marron rehaussées de rouge. Un trait comme un encrage épais entoure les formes qui composent son petit monde avec des lignes noires cassantes dont le style rappelle celui du papa de Hellboy, le grand Mignola. Une similitude qui passerait presque pour anodine et involontaire si Ron Perlman ne prêtait pas sa voix grave, en off, au héros mortel de West of Dead.

Un visuel percutant

Un héros pour un roguelite sous forme de twin stick shooter pas piqué des hannetons en apparence, qui sans bouleverser outre mesure un genre déjà bien codifié et identifié, a définitivement au premier coup d’œil un style fort. Derrière le visuel percutant et la bande-son en accord parfait avec ce dernier, on retrouve un jeu tout sauf indélicat. L’action s’y trouve plus cérébrale qu’on aurait pu le croire avec un gameplay qui pousse à réfléchir un tant soit peu, un jeu au rythme se voulant tenu et lent à la fois. C’est-à-dire une fois engagé dans un combat, l’ennemi ne vous laissera que peu de répit une fois rentré dans son champ de vision. Cela ne veut pas dire pour autant que pour s’en sortir il suffira de tirer dans le tas.

Voilà donc un jeu conçu autour de l’idée de nous garder sur le qui-vive et en mouvement. S’il est possible de se mettre à couvert, jamais cela ne durera, notre couverture pouvant être détruite par les attaques ennemies. Ces derniers sont par ailleurs variés dans leur comportement installant un semblant de pression en nous forçant à nous adapter à chaque situation ; entre des chiens décharnés venant au contact ou encore des lanceurs de dynamite pour mieux nous faire bouger de notre planque. Pour nous aider, on pourra compter sur un maximum de deux armes, trouvables au gré de notre progression et ce de manière aléatoire, roguelite oblige.

Ces armes tombent dans trois catégories, allant du pistolet au fusil en passant par le canon scié. Si le premier tire rapidement, il est plus faible et moins précis pour les tirs lointains que le fusil. Le canon scié quant à lui dispose d’un champ d’action réduit compensé par une très grosse puissance de feu malgré un nombre de tirs réduit. A cela s’ajoute une ribambelle presque convenue de capacités secondaires limitées en nombre d’usages, trouvables également de manière aléatoire. D’autres objets ou passifs seront par contre à débloquer auprès d’une sorcière native américaine, comme une flasque de soin essentielle qui reviendra après chaque mort. Puisqu’il s’agit d’un roguelite et non d’un roguelike pur et dur, ces objets déblocables constitueront un élément persistant de notre progression, même après  chaque mort.

West of Dead est assez agréable à prendre en main la première heure. Son histoire est particulièrement présente avec son narrateur de prestige enveloppant notre exploration de ses catacombes, d’un discours monotone de mort-vivant. On parle de purgatoire principalement puisque notre première incursion se solde inévitablement par la mort avant de nous ramener à l’écran titre pour tout recommencer de zéro. Les niveaux qui le composent ont chacun un nom qui résonne comme un nouveau chapitre de son histoire, tandis que Ron nous conte son récit, empiétant parfois un peu trop sur l’action, contrairement à un Bastion qui faisait de même, mais dont la voix off était intégrée de manière plus organique à ladite action. Cela étant dit, on appréciera ce monologue interne flirtant avec la poésie et l’énigmatique, seyant à merveille avec l’atmosphère recherchée.

Quelques perturbations...

Servi par un enrobage de qualité, West of Dead aurait toutes les qualités pour plaire si ce n’étaient quelques éléments perturbateurs qui rendent son expérience par moment frustrante, sans parler de difficulté ici, car elle est loin d’être la plus insurmontable qui soit sur le marché des roguelite. Il en va de choix de game design discutables et de petites imperfections structurelles. Il en va aussi d’une jouabilité à l’ergonomie perfectible, semblant notamment avant tout conçu pour être joué avec une manette, alors qu’un twin stick shooter devrait naturellement se confondre avec plaisir quand il s’agit d’être joué au clavier et à la souris.

Il n’en est malheureusement rien quand certains menus ne daignent même pas prendre en charge la roulette de cette dernière pour faire défiler les options déblocables de la sorcière, obligeant à utiliser les croix directionnelles comme sur une manette standard. C’est frustrant et énervant mais peut-être moins que le fait que le bouton de la roulade, essentielle pour éviter certaines attaques ennemies, soit le même pour se mettre à couvert. Il arrive donc assez souvent que la confusion s’en mêle, mettant notre héros squelettique à couvert plutôt que de rouler loin de la menace à laquelle on tentait d’échapper.

L’IA aussi nous joue des tours. Si certains ennemis ont pour raison de vivre de nous poursuivre, il arrive bien souvent que ces derniers se bloquent contre un mur, obligeant à se mettre en danger pour les en déloger. Mais le plus énervant reste encore à se demander qui a eu la sotte idée de faire en sorte que quand on tire sur un ennemi caché dans le noir – le jeu reposant en partie sur une mécanique de lumière et obscurité – notre tir finisse bien souvent par rater en touchant bien loin de là où nous pouvions viser. Je peux en comprendre l’idée, pas forcément son exécution. Des ennemis sont souvent cachés dans le noir, et cela fait partie d’une certaine appréhension que l’on peut avoir avant d’entrer dans une nouvelle salle, puisque West of Dead reste un shooter roguelite tactique. Pour autant, beaucoup seront éminemment frustrés de voir leurs tirs faits en direction d’une zone d’ombre être complètement décalés sur les côtés pour cette obscure décision de game design.

West of Dead est vraiment un coup de cœur artistique en ce qui me concerne. Je suis amoureux de son esthétique et de son style général. J’aurais cependant aimé que la lune de miel se poursuive un peu plus longtemps. Alors forcément, si ces armes ont un joli impact sonore et que son action de twin stick shooter délicat nécessitant un brin de stratégie et de préparation plutôt que de sauvagerie font mouche au premier abord, certaines de ses imperfections fatiguent et usent à la longue rompant cet amour naissant entre le jeu et ma personne pour ne laisser que d’amères souvenirs d’un rendez-vous manqué avec la perfection.Il reste néanmoins un jeu intéressant à explorer pour qui saura faire fi de ses vicissitudes.

Vasquaal

Vasquaal

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