Critique

Resident Evil 4 (2023)

Gramul Zlou
Publié le 25 avril 2023
Leon Kennedy dans le château de Resident Evil 4 Remake

Développeur

Capcom

Éditeur

Capcom

Date de Sortie

24 mars 2023

Prix de lancement

60 €

Testé sur

PC

Le jeu d’horreur-action-survie Resident Evil 4 originel, paru en 2005, a durablement marqué l’esprit du public à la fois par le bouleversement des propres codes de sa série, mais aussi par l’établissement de systèmes et pratiques de jeu perdurant jusqu’à aujourd’hui.

18 ans ont passé et Capcom publie donc désormais la refonte d’un titre majeur, dans la continuité de ses récentes revalorisations patrimoniales d’une saga phare de son catalogue.

Y en avait-il besoin? Que saurait apporter Resident Evil 4 Remake dans l’actuel panorama de 2023 ? Non sans bémol comme toute chose en ce monde et on y viendra à l’occasion, mais grosso modo la réponse à cette question la voilà : ce qu’est susceptible de proposer Resident Evil 4 à l’heure actuelle, c’est un voyage magnifique en terres insalubres, une rédemption et de la joie.

REVIENS LÉON RIEN D'AUTRE NE COMPTE À LA MAISON

Pour qui n’aura pas du tout l’habitude des contrôles façon jeu de tir vu de dos, mais aurait éventuellement connu les premiers épisodes de Resident Evil parus sur l’antique PlayStation, la découverte initiale de notre expérience / sujet du présent test pourrait dérouter : wow la caméra bouge c’est fluide, c’est beau, ah mais les zombies nous poursuivent partout, oh mais il y a des exécutions avec des suplex et des coups de pied kung fu? Pourquoi est-ce qu’on ramasse de la monnaie dans des tonneaux comme un « bête » jeu d’arcade alors qu’on était censés plonger dans la peur ?

Resident Evil 4, dans son ADN premier, est une évolution considérable en terme de dynamisme par rapport aux opus précédents de sa lignée.

Il n’empêche, passé un temps d’adaptation que l’on invitera chaleureusement à accorder à ce brave titre par ouverture d’esprit, tout devient clair : en regard des remakes de Resident Evil 2 ou 3, Resident Evil 4 aujourd’hui ne joue définitivement pas dans la même cour, aux sens propre comme figuré.

Car il se trouve que faisant fi de la réinvention concrète d’un imaginaire connu, stratégie adoptée dans les sorties / rénovations de ces dernières années, l’équipe de développement de Resident Evil 4 a entrepris de coller au matériau originel, puisqu’outre l’aura mythique de cet épisode, le contenu s’y prêtait tout bonnement.

En effet, dans Resident Evil 4, l’épopée est découpée en chapitres : les zones, bien qu’interconnectées, se structurent en lieux propices aux embuscades par l’ennemi, à l’infiltration pour notre personnage, à l’action autant qu’à la déambulation contemplative.

Chose choquante, peut-être, pour un jeu actuel avec des moyens et de l’ambition : en fin de compte Resident Evil 4 s’affirme comme un titre qui n’a pas peur d’être un jeu vidéo, et fait occasionnellement le pari de la fantaisie ou du délire pour la cause supérieure de son expérience globale, ce qui est admirable en un sens.

Ainsi, de la souplesse des mouvements et du panel d’actions contextuelles dans les combats ou les esquives, jusqu’au principe de stockage des objets, leur fabrication par les ressources trouvées ou un système profond juste ce qu’il faut de progression des pouvoirs par ces outils que sont les armes, d’accès aux bonus via les trésors cachés dans les cartes de jeu, tout se rejoint pour donner un noyau de mécaniques fondamental qui s’avère magnifique de par son intelligence d’enchevêtrement, et un équilibre particulièrement inspiré dans sa vue d’ensemble sur les limites à apporter aux folles démesures qui seront permises à force d’aller loin dans le jeu, en débloquant tout un arsenal surpuissant, voire en se mettant bien à l’abri des coups par une multitude de soins en réserve.

Plus on ira profond à son rythme, et plus Resident Evil 4 se révèlera, avec de très bonnes règles de jeu, mettant un accent prononcé sur l’épure (de précision des visées, de vitesse d’exécution, d’économie de possessions), la maîtrise mais sans globalement faire passer, et c’est heureux, les personnes ayant choisi ce périple par une exigence de performance immédiatement trop haute et donc malvenue conditionnant la suite.

Voilà un jeu réalisé avec soin, dans un moteur taillé sur mesure, qui offre différentes possibilités pour s’adapter à son contenu.

Resident Evil 4, pour peu que l’on ne surestime pas ses propres forces, est un jeu incroyablement invitant dans la multitude de styles d’approche qu’il nous permet d’une façon fluide et naturelle, tout en étant encadré par une structuration des environnements fort talentueuse. Pour peu que l’épouvante et le glauque, le sang et les dérives sectaires espagnoles et rurales (fictionnelles, heureusement !) ne vous rebutent pas, on a ici affaire à ce qui peut être une introduction de luxe à tout un genre auquel vous auriez pu être précédemment réfractaire, comme ce fut mon cas. Et de là, beaucoup d’autres horizons se dessineront à n’en pas douter.

LE HARPON QUI (NE) TUE (PAS)

Hélas, on ne peut pas taire non plus quelques forts écueils, particuliers à des morceaux de l’histoire lorsque menée à niveau plus ardu ; si dans une très grande majorité Resident Evil 4 s’avère une formidable et plus que complète réussite, à la durée de vie profondément riche de par son encouragement à la rejouabilité, par une précision accrue, la mémoire de ses parcours les plus optimaux, le jeu chute aussi quand il cesse d’être lui-même. Petite explication.

À la fin du chapitre 3, au début du jeu, survient un combat marquant (mais pas dans le bon sens du terme) dans le cas où celui-ci s’avère joué en mode difficile (le réglage intitulé « hardcore »).

Pour cette dimension de challenge à l’aventure, en raison d’un cœur de jeu formidable, Resident Evil 4 offre généralement toutes les clés à chacune et chacun pour comprendre ce qui peut et doit être amélioré en cas d’échec, car ici la difficulté est une affaire d’ajustements savamment choisis, qui en l’occurrence passent par des délais raccourcis de réaction impérative face aux attaques des adversaires par exemple (favorisant davantage les parades minutieuses que durant une partie en difficulté standard). Il y a toujours l’issue de minimiser ses ambitions en sélectionnant un degré de défi moindre, quitte à revenir sans déplaisir à ce voyage ultérieurement, mieux affuté.

Mais certaines séquences comme le segment évoqué plus haut ne donnent pas le choix des contrôles, et forcent le spectaculaire subi plutôt que l’appropriation des possibilités complètement intégrées à l’identité de la série depuis son début.

Cela donne lieu à des moments qui, s’ils peuvent être divertissants voire anecdotiques à bas obstacle, comme des formalités, vont soudain s’avérer écœurants de frustration par manque de lisibilité des règles particulières établies alors, épreuves nécessaires au demeurant pour continuer l’histoire, obligeant semble-t-il ainsi toute une audience à bouriner les très nombreuses tentatives acharnées comme des bourricots quand jusque-là les gens avaient été merveilleusement accompagnés d’une façon progressive, intelligente et douce vers un possible (mais pas du tout imposé) dépassement de soi au service d’une meilleure lecture de ce qui fait l’architecture d’une expérience interactive.

Bref, ces quelques passages Hollywood Chewing Gum avec des contrôles tout nazes pour faire je t’en mets plein les mirettes ne sont hélas pas du tout convaincants et ceci pourra constituer une pincée de petits cailloux fâcheux dans cette succulente soupe aux lentilles que l’on aurait aimé savourer sans réserve jusqu’au bout.

Illustration autre de ces baisses d’inspiration, peu révoltant de prime abord mais difficilement acceptable du point de vue d’un joueur instinctif et rigoureux, qui plus est à la répétition, dans ces moments d’éloignement de l’essentiel pour ce qui nous est joliment permis sur Resident Evil 4, nous avons droit à des thèmes musicaux beaucoup plus mélodiques et orchestrés de façon conventionnelle, qui rompent avec l’ambiance sonore singulièrement travaillée et offerte comme guide d’orientation, source de malaise tout le reste du long de l’expérience à un degré de justesse impeccable, faisant littéralement corps avec la sensorialité mise en œuvre tant par les contrôles du jeu que les contextes justifiant ces mêmes commandes à mobiliser.

Si les morceaux d’égarement évoqués ci-dessus ne feront pas fuir foule dans les difficultés les plus admises, mieux vaut prévenir que souffrir : pour continuer de profiter du jeu encore et encore, gravir la montagne, il faudra également apprendre, « légèrement », à être acrobate quant à ses propres pulsions meurtrières envers l’écran, la manette, le clavier souris quand surgiront cette poignée de passages navrants au possible alors que le reste du temps, tout est justifiable et habilement articulé.

Bien sûr, en parallèle du jeu vidéo fondamental, et pour certaines personnes *surtout* d’ailleurs, nous avons ici proposée l’expérience d’une histoire qui se laissera presque parfaitement suivre par le grand nombre une paire de fois au plus, sans trop se prendre la tête. La profondeur du système de Resident Evil 4 mérite cependant que l’on évoque là où le bât pourrait blesser de façon éventuelle, dans une implication approfondie et durable.

REVENIR À L'AUTHENTIQUE

Ne boudons pas notre plaisir, en aucun cas, toutefois : Resident Evil 4 est un accomplissement considérable.

Des visites un peu trop guidées de ses prédécesseurs ‘remake’ il s’est émancipé, fidèle à son origine pour revendiquer plus fort que jamais tout l’intérêt d’un jeu vidéo ; certes un véhicule pour de la narration, mais aussi des atmosphères qui ici bénéficient d’un savoir-faire somptueux, dans la qualité des matériaux de l’environnement où les marbres luisent, où le bois nous craquelle en tête de ses moindres fibres et où les cuisines révoltantes de saleté me rappellent l’état dans lequel mon ancien colocataire pouvait laisser l’appartement, où le travail des comédiens de doublage, avec toutes les variations de réactions circonstanciées sans être infaillible s’avère très impressionnant d’une façon immédiate, puis attachant au long cours ; où la dimension sonore incarne à elle seule une autre star de l’ensemble avec ces superbes mises en lumière et en espace que le jeu nous aura offert.

Par dessus-tout, Resident Evil 4 Remake montre combien l’intérêt d’un jeu vidéo réside dans sa multiplicité contenue, par les approches possibles, les différentes longueurs d’onde dans l’attention qu’on y accorde (promenades, combats, gestion, histoire, quêtes secondaires). Et comment, dans le cadre du grand, très bon jeu qu’il est, ce résultat dépasse de loin la somme de ses parties, pour donner une impression tenace, un souvenir réjouissant auquel on retournera bien vite.

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