Blanc c’est blanc
Critique
Oxenfree II : Lost Signals
Développeur
Night School Studio
Éditeur
Netflix
Date de Sortie
12 juillet 2023
Prix de lancement
19,99 € (PC, Switch), 23,99€ (PS4, PS5) et gratuit sur l'appli Netflix
Testé sur
PC
Après avoir quitté Telltale et Disney pour créer Night School Studio, Sean Krankel et Adam Hines nous avaient gratifié d’un excellent jeu indépendant à petit budget : Oxenfree. Nommé à plusieurs reprises, comme aux Game Awards 2016 au titre de la meilleure narration, ainsi qu’aux BAFTA Games Award 2017 où il a également concouru comme meilleur premier jeu, c’est un franc succès qui pousse même Skybound, son producteur, à imaginer en faire un film. Projet qui n’aboutira pas, comme celui du jeu suivant, après que Telltale, qui devait le produire, ait mis la clé sous la porte en 2018. Le studio californien des cousins traverse alors une mauvaise passe dont Afterparty ne suffira pas à se tirer complètement. S’ensuit le rachat par Netflix en 2021, ainsi que la mise en production d’Oxenfree II : Lost Signals, sorti le 12 juillet 2023 sur PC, PS4, PS5, Switch et mobile (pour les abonnés de la marque au N rouge), pour notre plus grand plaisir.
Grrrr Bzzzz Tchhiiiii
S’il est bien une suite directe du premier titre, Oxenfree II introduit cependant de nouveaux protagonistes. C’est cette fois-ci aux côtés de Riley, une jeune chercheuse environnementale, que nous allons scruter les ondes. Celle-ci revient dans sa ville natale de Camena, au large de laquelle se trouve l’île Edwards, cinq ans après les évènements précédents. Arrivée en bateau sous l’orage pour son premier jour de travail, elle entre en contact par talkie-walkie avec Evelyn pour la guider. Son rôle est d’étudier d’étranges signaux radio perturbant les équipements de la ville. Il n’y a plus que sur l’île Edwards que l’on entend à la radio des choses étranges, semblant provenir d’un autre temps. Et elle se retrouve bien vite confrontée elle aussi à des phénomènes surnaturels, comme ces boucles temporelles dans lesquelles elle se retrouve enfermée jusqu’à trouver le moyen d’en sortir.
Pour mener à bien sa mission, elle doit faire équipe avec Jacob Summers, un autochtone sympathique mais quelque peu farfelu. Ensemble, ils doivent poser des transmetteurs sur les points les plus hauts autour de la ville et les orienter sur l’île Edwards pour récolter des données électromagnétiques et comprendre ainsi l’origine des mystérieux signaux que l’on capte désormais à Camena. Mais dès la première parabole mise en place et correctement orientée, un trou triangulaire se forme dans le ciel au-dessus de l’île, accompagné d’une tempête électrique amplifiant alors les phénomènes paranormaux. Entre les visions, les voyages spatio-temporels, les voix étranges aux propos obscurs, chacun peut aisément penser devenir fou. Que se passe-t-il ? Et quel est cet étrange culte de l’Ascendance qui cherche à ouvrir un portail pour modifier la réalité ?
Ksssssss Tchhhhhh Fiuuuuu
Comme dans le premier épisode, les phénomènes étranges et incompréhensibles sont légion. Il est bien difficile de comprendre ce qu’il se passe, mais cela est parfaitement maîtrisé avec une mise en scène impeccable. Si vous aimez le genre et que vous avez accroché avec Oxenfree, vous ne devriez pas être déçu. Exit par contre Alex, Ren, Jonas, Nona et Clarissa, nous sommes face à une nouvelle histoire autour de nouveaux personnages. Les références au premier opus sont toutefois bien présentes et pour bien tout appréhender, il est préférable (mais pas indispensable) d’être au fait de ce qu’il s’est précédemment passé. Rappelons que la durée de vie est assez mince, tout comme celle de sa suite (comptez 6 heures ou plus, suivant votre façon de jouer et votre volonté de bien tout explorer). Il serait donc dommage de passer à côté, surtout si vous êtes abonné à Netflix, puisque les deux épisodes sont disponibles gratuitement (malheureusement, encore uniquement sur tablettes et smartphones).
Nous sommes donc face à une histoire différente mais au concept identique, si ce n’est que l’on se trouve désormais sur la côte et que nous avons à faire à des trentenaires, et non plus à des ados, ce qui modifie inévitablement les rapports qu’ils entretiennent entre eux. On retrouve par exemple le principe du déverrouillage des portes avec les ondes radio, ou encore les phénomènes de possession, autour des fantômes de l’USS Kanaloa. Cela reste également un thriller narratif surnaturel où l’on doit effectuer des choix qui peuvent influer la suite du jeu et les statistiques de fin, notamment sur le plan des relations humaines et des quêtes annexes. Cet aspect a d’ailleurs été poussé plus loin dans Oxenfree II, et c’est tant mieux. Nous avons également un peu plus de temps pour réagir, ce qui n’est pas non plus un mal. Et chaque élément interactif est clairement signalé par un point lumineux dès lors que l’on s’en approche.
Chhhhiiiiii Bjiiiii Gzzzz
Sur le plan des nouveautés, on trouve un système de communication par talkie-walkie avec 9 canaux disponibles correspondant à 9 personnages différents avec qui on peut (ou pas) entrer en contact pour obtenir des informations. La carte est également plus lisible et aide plus efficacement à se repérer. Davantage ouvert, le monde d’Oxenfree II se découpe en plusieurs zones imposant des temps de chargement à chaque fois. Précisons que les dialogues se poursuivent toutefois au-delà de la transition, sans être interrompus, ce qui aurait été dommage pour un titre reposant beaucoup là-dessus pour son ambiance. S’il permet de se rendre où bon nous semble, le scénario oblige néanmoins à suivre un certain chemin pour avancer. Il faut parfois sauter, ou encore escalader, voire descendre en rappel, mais ce n’est pas non plus un jeu de plateforme, tout est automatisé. De plus, les cordes permettent de créer des raccourcis, mais seulement lorsque cela est prévu, limitant en attendant l’espace d’évolution, ce qui est plutôt bien vu.
Notons aussi la présence de puzzles assez simples, mais sympathiques, ainsi que de mini-jeux consistant à reproduire et superposer des formes, et des lettres à collectionner qui agrémentent le background et poussent à explorer chaque recoin en s’écartant du chemin tout tracé qui nous est proposé. Nous avons tout particulièrement apprécié les phases consistant à traverser des portails pour se rendre dans le passé afin de résoudre les problèmes du présent. Nous aurions toutefois apprécié que cette mécanique soit davantage exploitée. Graphiquement, le titre conserve le style qui est le sien et qui lui va si bien, avec de magnifiques paysages, encore une fois très bien mis en scène. Le montage parvient même parfois à effrayer quelque peu avec des images brèves et soudaines, agrémentées d’une musique parfaitement adaptée. Saluons au passage la bande-son, encore une fois signée scntfc (Andrew Rohrmann).
Nous terminerons par l’un des points forts et marquants de la licence qui donne réellement vie aux personnages : ses dialogues. Toujours aussi nombreux, ceux-ci bénéficient d’un excellent doublage. Uniquement disponibles en VO sous-titrée, ils sont cependant un peu moins rapides que dans le premier épisode, ce qui nous laisse davantage de temps pour les lire. Ils accompagnent avec justesse et beaucoup de sentiments nos pérégrinations, tout en conservant des phases plus silencieuses, maîtrisant ainsi parfaitement le rythme et participant grandement à l’ambiance léchée du soft. Un modèle du genre.
Ce nouveau thriller narratif surnaturel de Night School Studio, poursuivant à la fois l’épisode précédent tout en offrant une nouvelle aventure avec de nouveaux personnages, nous procure à nouveau une expérience marquante. Grâce à une mise en scène soignée, une bande son parfaitement en accord, des personnages attachants, un doublage de qualité, des graphismes séduisants et un scénario jonglant impeccablement avec le surnaturel, il conforte le savoir-faire du studio californien en la matière. Il ne bénéficie certes plus de la surprise de la découverte de son prédécesseur, mais on sent davantage de maîtrise, avec de surcroît un gameplay apportant quelques nouveautés bienvenues. Même si certaines mécaniques auraient mérité d’être encore plus exploitées et que, sous ses airs de faux monde ouvert il reste plutôt dirigiste, Oxenfree II demeure un titre à côté duquel il serait regrettable de passer, surtout si vous avez apprécié le premier épisode.