Critique

Prince of Persia, The Lost Crown

Shutan
Publié le 10 février 2024
Pop TLC

Développeur

Ubisoft Montpellier

Éditeur

Ubisoft

Date de Sortie

18 janvier 2024

Prix de lancement

50 €

Testé sur

PC

Un nouveau Prince of Persia, c’est un évènement en soi. La série créée par Jordan Mechner en 1989 sur Apple 2 ne nous avait pas chatouillé les doigts depuis 2010, avec le dernier en date, les Sables Oubliés. Quatorze ans plus tard (ouah), nous voici avec un nouvel épisode (The Lost Crown) qui, tout comme les Sables du Temps en 2003, ressuscite la franchise en proposant un nouveau type de gameplay pour cette série et qui est une franche évidence maintenant qu’on a les mains dessus et qu’on se demande pourquoi ils n’en n’avaient pas fait un avant : un metroidvania, en 2,5D !

Le perse qui casse

Dans un premier temps, on aurait pu penser qu’il s’agisse d’un bête retour aux sources. En effet, la 2D vue de côté, les coursives du palais labyrinthiques, truffées de pièges mortels et de gardes retors, c’est la description qu’on pourrait faire du premier jeu de la série. Cependant, ici, pas de princesse à secourir en moins d’une heure, sinon elle va refroidir, non, un Prince à sauver, mais comme on est bloqué dans une prison temporelle, ça va, y a le temps. On incarne donc Sargon, un des Immortels de Perse (pas parce qu’ils ne pouvaient pas mourir mais parce qu’ils étaient toujours le même nombre, donc quand un tombait, un nouveau le remplaçait). Ici les Immortels sont seulement sept et ont des super pouvoirs de bagarre. Suite à un exploit guerrier, les copains de la baston sont tranquillou en train de célébrer leur victoire récente, quand soudain : le Prince Ghassan est enlevé et emmené au Mont Qaf, un lieu sacré mais maudit, en proie à l’une ou l’autre bizarrerie spatio-temporelle : champs de force invisibles, oiseau géant, cadavres véreux réanimés, arbres parlants, serpents géants, jour ou nuit sans fin, etc. Bref, la petite troupe se rend sur place et se retrouve piégée. Ils prennent alors la meilleure décision quand un groupe doit avancer en un lieu hostile inconnu, sans connaître ni l’adversaire, ni la disposition des lieux et que les portes se sont fermées derrière eux : ils se séparent pour couvrir plus de terrain. Logique. Sargon se retrouve alors seul, à arpenter le palais, la forêt, les égouts, etc, qui composent le Mont Qaf, à la recherche du prince perdu, là où le titre du jeu nous faisait croire qu’on partait à la recherche d’une couronne, le mensonge est total.

Immortel Adel

Sargon n’est pas complètement désemparé. Étant un immortel, il connaît les arcanes de la découpe en tranches fines de vilains pas beaux avec ses deux épées, et peut maîtriser différentes acrobaties aériennes. Manette en main, le jeu est très agréable, le personnage réagit promptement, les sauts et les différents mouvements s’enchaînent parfaitement, les premiers combats apprennent les différentes techniques à employer : la parade est un des meilleurs mouvement du jeu, placée au bon moment elle permet d’écourter les combats en déclenchant un finish move du plus bel acabit, l’esquive est à réserver aux coups imparables ou pour réduire ou augmenter la distance avec les ennemis, l’arc permet de casser les combos adverse, etc. Il est vivement conseillé de passer voir Artaban au refuge afin qu’il enseigne les techniques un peu avancées qui seront bien utiles pour battre les différents ennemis présents dans les couloirs du jeu. Les combats sont en effet un peu brutaux et même un ennemi simple peut faire fondre la barre de vie plus vite qu’une meule de raclette dans un volcan si on n’y prend pas garde. Heureusement pas besoin de faire de grind, il n’y a pas vraiment de niveau de puissance à faire progresser, mais le palais regorge de passages secrets et de coffres contenant parfois une extension de vie ou une amulette permettant de bénéficier de divers pouvoirs qui sont utiles sans casser complètement le jeu. La difficulté des combats est parfois un peu problématique, notamment certains combats de boss qui durent un poil trop longtemps pour leur bien, surtout ceux où une esquive ou une parade ratée oblige à se taper une cinématique de punition qui est certes stylée la première fois qu’on la voit, mais qui aurait gagné à être soit raccourcie, soit passable lorsqu’on se la prend une cinquième fois et qu’on a juste envie d’en finir. Le côté bagarre n’est donc pas facile, mais reste suffisamment satisfaisant pour qu’on sorte victorieux d’un affrontement contre un boss en ayant eu l’impression d’en chier alors qu’en fait, ça va, hein, une fois qu’on connaît les patterns, bon.

Côté plateforme, l’exploration du Mont Qaf est particulièrement réjouissante, une fois quelques pouvoirs déverrouillés. Voir le brave Sargon virevoltant d’écran en écran sans même poser le pied au sol pendant parfois plusieurs dizaines de secondes a quelque chose de très agréable. On peut foncer, sauter, rebondir sur les murs, s’accrocher aux hampes de drapeaux, puis après avoir débloqué les différents pouvoirs, il devient plutôt agréable de faire du backtracking, là où la plupart du temps c’est une corvée dans ce type de jeu. Backtracking facilité par les évidents points de téléportation et les raccourcis entre les différentes zones déverrouillés au fil de l’aventure dans une fluidité et une logique certaine. Et une innovation fantastique permet de faciliter la navigation, l’œil du vagabond offert au début du jeu permet de faire des « photos » des endroits du jeu où un objet ou un lieu est pour l’instant inaccessible, permettant de savoir en un clin d’œil si le nouveau pouvoir débloqué permet maintenant de passer. On sent que le jeu a été particulièrement réfléchi de ce côté là, prenant le meilleur de ses inspirations pour en sortir une sorte de nouveau maître étalon du jeu de plateforme exploration. Oui, carrément. Les pouvoirs de Sargon offrent aussi de multiples occasions de réaliser des « petits » challenges de plateforme qui rappellent fortement Celeste. En parlant des pouvoirs, on va retrouver les classiques du genre : double saut, grappin, etc. Certains de ces pouvoirs sont relativement inédits et inventifs, mais je n’ai pas trop envie de divulgâcher, donc je n’en dirai pas plus, mais sachez que certaines énigmes sont plutôt retorses et nécessitent de penser vraiment avec les différentes capacités offertes par ces pouvoirs.

Les royaumes durent plus longtemps avec Sargon

Techniquement on est face à un jeu solide, fluide (même sur Switch, 60fps constant a priori, joie et ravissement), utilisant le moteur Unity, et dont la patte graphique simple sans être simpliste cache des moments de bravoure redoutables dont la mise en scène rivalise avec du shonen pur et dur (y a des moments Ashura’s Wrath, c’est rigolo, mais sans le côté grand guignolesque). Chaque personnage a une personnalité marquée et qui sert le propos (sauf Radjen qui disparaît purement et simplement au premier quart du jeu, et Neith qui est, euh, juste là), et permettent à Sargon de mûrir et d’avancer jusqu’à la confrontation finale. Le scénario est relativement classique mais permet de se balader dans la mythologie et l’histoire Perse, ce qui est plutôt rare dans le monde vidéoludique, bien qu’énormément de monstres du bestiaire local aient fait le voyage dans nos jeux japonais ou occidentaux. Il ne nous épargne pas les poncifs à base de trahison, de frère maléfique et de rosace imprégnée de fluide corporel millénaire menant à la destruction de l’univers si on ne l’enveloppe pas dans un linge parfumé à la sauge le quatrième jour de décembre : classique (l’une de ces péripéties n’est pas dans le jeu, je vous laisse deviner laquelle). Le retour du Prince se fait donc sans accrocs, et on a là, déjà, l’un des meilleurs jeux de ce début d’année. En espérant qu’Ubi prenne acte et recommence à prendre des risques avec ses franchises. Le jeu n’est pas parfait bien sûr, certains aspects comme les hitbox des pics muraux sont bizarrement définies, il subsiste quelques bugs un peu gênants, et certains combats sont clairement trop longs pour leur bien mais pour un premier essai dans un nouveau genre pour la série, c’est un coup de maître. Il y a quelques petits soucis d’accessibilité aussi, par exemple une option permet de se soustraire aux passages de plateforme trop difficiles, mais une telle option n’existe pas pour les combats de boss qui nécessitent parfois un timing et une exécution millimétrés. Même s’il est possible d’ajuster les différents curseurs de dégâts, timing d’esquive et de parade en début de partie, il est dommage de ne pas pouvoir l’ajuster ensuite alors qu’on peut activer ou désactiver l’aide à la plateforme en jeu. Rien de vraiment gênant, mais ça peut faire grincer des dents.

Prince of Persia The Lost Crown est donc une franche réussite. Ubisoft Montpellier a réussi à ressusciter la franchise laissée en jachère trop longtemps, tout en la redynamisant et en remettant les pendules à l’heure pour le genre de l’action-exploration-plateforme. Il est dommage de devoir obligatoirement se fader la plateforme Ubisoft Connect pour y jouer mais bon, franchement ça vaut le coup de se faire violence pour une fois.

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