Rapide Critique

Replay : Mémoires d’une Famille

Shutan
Publié le 17 août 2023
Couverture de Replay

Ecrivain

Jordan Mechner

Éditeur

Delcourt / Shampooing

Date de Sortie

26 avril 2023

Prix

30 €

Testé sur

Fauteuil de Lecture

Si vous êtes familiers avec les débuts de l’ère informatique et du jeu vidéo, le nom de Jordan Mechner ne vous est peut-être pas inconnu, d’autant plus si vous avez déjà joué à Karateka, The Last Express ou encore une toute petite franchise : Prince of Persia. Saviez-vous qu’il écrivait et dessinait aussi ?

Certes, plusieurs livres existent déjà sur la genèse de Prince of Persia et Karateka, (écrits par Mechner lui-même puisque après tout, il est encore le mieux placé pour en parler), mais Replay propose autre chose, il s’agit d’un récit autobiographique sur sa famille, où il relate comment lui, son père et son grand-père ont vécu un déracinement, par la faute de la guerre ou du travail (ou les deux).

Dans ce livre on a donc trois récits parallèles, celui d’Adolf Mechner, conscrit du « mauvais côté » pendant la Première Guerre Mondiale, et qui non seulement va survivre mais va devoir en plus trouver comment faire fuir sa famille juive sous le régime Nazi. Ensuite on a le récit de Franz Mechner, qui a fui l’Autriche mais est resté coincé en France alors que la Seconde Guerre Mondiale se déclenchait à l’aube de ses 8 ans. Et enfin le récit de Jordan Mechner, et ses errances à travers les États-Unis et la France pour concevoir ses jeux, au gré des obligations et contraintes d’une industrie de plus en plus gigantesque et écrasante.

Avec un trait clair et détaillé et une mise en page sobre, les différentes péripéties de la famille Mechner passent entre nos doigts et il est très difficile de lâcher ce pavé de plus de 300 pages.

Véritable traversée en avance rapide de l’histoire du vingtième siècle, il s’agit là non seulement d’une BD intéressante sur ce qui fait que Prince of Persia est ce qu’il est (un étranger en exil sauve la princesse), mais cela explique aussi en quoi la réalisation de The Last Express était importante alors qu’il était, au mieux, vu comme une curiosité à sa sortie. Sachant que tout le destin de sa famille tient au déclenchement ou non de la Première Guerre, faire un jeu où le scénario fait qu’on puisse l’annuler en fait une sorte de catharsis.

D’autre part, il remet aussi en cause une certaine vision de la création de jeu vidéo et de sa sur-industrialisation aux dépends des gens qui y travaillent. Et même en tant que « grand auteur » il n’est pas à l’abri d’un revirement de la direction, ou des éventuelles annulations.

Faire une autobiographie est un exercice difficile, il est possible qu’on juge son auteur comme étant présomptueux, sauf qu’ici on n’est pas dans une accumulation de réussites (ce qui serait vraiment inutile et ennuyeux). À travers ces trois histoires parallèles, Jordan Mechner propose un bilan sur ce qui fait qu’une vie est ce qu’elle est, qu’on a beau se dire qu’on est aux commandes et que notre destin est entre nos mains, on n’est jamais à l’abri d’une décision politique ou industrielle, ou, tout bêtement, un accident, une maladie, qui mettrait à mal notre situation actuelle, nos convictions, notre rapport à l’autre.

Une BD importante, pas seulement pour son rapport au jeu vidéo et à ses créateurs, mais aussi et surtout pour son intérêt historique. Les aventures du créateur de Prince of Persia sont intéressantes, certes, mais celles de son père et de son grand-père sont autrement plus dramatiques. Le travail de recherche est remarquable et l’émotion qui s’en dégage est véritablement un point fort. On a là une narration trépidante qui ne perd jamais en lisibilité malgré les différentes lignes temporelles. Comme quoi, le temps a toujours été une thématique forte chez Jordan Mechner.

Ghost Runner II

Une suite réussie avec pas mal de nouveautés

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