Critique

Stunfest 2023 – Edition 18 du Festival du jeu vidéo à Rennes

Shutan
Publié le 20 juin 2023
Stunfest Chapiteaux entrée

De retour au Liberté après une édition séparée en plusieurs endroits en 2022, le Stunfest est de retour comme Albator, plus fier, plus fort qu’avant ?  Pas exactement. Le Festival (et ça se sent) est en mode « survie » et n’a donc pas repris l’ampleur et l’envergure des « meilleures années ».
C’est bien simple, il y avait moins de tout : moins de tournois, moins d’espace, moins d’évènements, moins de conférences et globalement un visiteur peu curieux pouvait faire le tour du festival en dix minutes si rien ne lui accrochait le regard (mais dans ce cas, que venait-il faire ici ?). Pour autant, le mode survie offrait un spectacle tout à fait honnête en terme de contenu et la sélection de la substantifique moële du festival est de grande qualité. Certes, un festival comme le Stunfest proposait habituellement une pléthore de tournois, d’animations et autres choses, simplement ici, c’était tout bonnement impossible.
Néanmoins, sans faire le rabat-joie, il y avait de quoi s’occuper, car bien qu’il y ait moins d’un peu tout, le « tout » est de très bonne qualité et proposé avec amour des visiteurs et du médium. Un festival qui respecte ses visiteurs (malgré quelques couacs de sécu) c’est quand même bien, non ?
Habituellement un festival geek, c’est quoi ? Deux halls remplis de stands vendant des contrefaçons chinoises, quelques artistes payant à prix d’or leur stand espérant faire recette mais finissant par partir en ayant à peine remboursé l’électricité, des magasins partout, partout partout, et globalement l’impression d’avoir payé son ticket pour pouvoir se faire plumer dedans aussi (sans compter les dédicaces payantes, ou avec un tirage au sort, enfin bref c’est pas le sujet). Le Stunfest n’est vraiment pas cela. Certes on va retrouver quelques stands, avec des goodies mais tout y est authentique et relativement artisanal (ou à petite échelle comme l’éditeur dont le nom commence par pix et finit par love).
Le Stunfest, dans ce que j’en ai pu ressentir est un festival profondément humain et qui veut donner un maximum. Il veut faire rayonner la culture vidéoludique dans tous ses aspects. C’est tout à fait honorable. Est-ce parfait pour autant ? Non évidemment, car comme c’est un festival humain, il a des défauts humains. Cependant en tant que spectateur il reste toujours très agréable à fréquenter, surtout comparativement aux autres festoches geeks où un revendeur chelou essaye de te refiler du crack de contrefaçon derrière chaque rideau.

Au programme : moins de baston, plus d'à côtés.

On ne devient malheureusement pas un festival subventionnable en promouvant uniquement la bagarre, même si c’est un pan spectaculaire (et fondateur) du jeu vidéo. Afin (probablement) de pouvoir satisfaire la volonté de valorisation culturelle, les différents beat’em up n’étaient pas spécialement mis en avant cette année (peut-être qu’un sortie précoce de Street Fighter VI aurait changé la donne, mais ça tombait mal). Cependant, des tournois avaient bien lieu durant tout le week-end, simplement ils n’avaient pas autant les honneurs habituels de la Grande Scène du Liberté.

Celle-ci était partagée pour différents évènements, finales de tournois, conférences et le clou si je puis dire du samedi, la finale régionale de la Silver Geek. Kezako la Silver Geek ? C’est une compétition de cheveux argentés, dirons-nous, où des équipes de personnes entre 70 et 90+ ans s’affrontent sur Wii Bowling dans une ambiance survoltée. C’est bon enfant, bien mis en scène et les séniors étaient ravis de l’expérience (qui est une expérience nationale), qui leur change un peu le quotidien. En tout cas ça me rassure sur mon futur sort de retraité geek, y aura des trucs à faire (si j’ai une retraite). D’autre part, on pouvait aussi assister à des conférences variées sur la grande scène, dont une sur les espaces liminaux présentée par Alt 236, Dollywood, Faé et Thomas Hercouet. Sur la grande scène a eu aussi lieu les concerts traditionnels du vendredi et samedi soir, qui n’ont pas pu se dérouler à l’Etage, pour des raisons d’économie, mais cela n’a pas empêché la fête de battre son plein et de proposer des expériences musicales comme un « Jeu Concert » sur To Hell With the Ugly (c’est comme un ciné concert, mais c’est pas un film) avec un orchestre jazz.

Le reste de l’espace hors grande scène était occupé par les poules des tournois divers et variés (avec un espace de retransmission sur twitch), une scène speedrun malheureusement manquant de lisibilité et de publicité, quelques stands de créateurs et d’artistes, et de performeurs (création homebrew, modification de Super Nintendo par FFVIMan, etc.) dans la zone des curiosités. À l’extérieur du Liberté, un grand chapiteau permettait de s’essayer à divers jeux d’arcade et de rythme, avec le corollaire d’une cacophonie ambiante un peu assourdissante mais qui ne gênait pas vraiment la découverte une fois concentré sur son jeu. Les jeux d’arcade en free play étaient aussi les bienvenus et des tournois improvisés de Super Street Fighter II ont eu lieu, dans une ambiance bon enfant. On retrouvait aussi à l’extérieur un espace pique nique peu ombragé entre les trois food trucks, la buvette, et un stand de distribution d’eau (gratuite) tout à fait bienvenu. La zone extérieure a aussi permis d’organiser des petits évènements comme un tournoi de Bomberman Saturn à 10 joueurs, directement projeté sur la toile blanche de la buvette, et aussi des blind tests chaque après-midi, le beau soleil permettant de profiter agréablement de l’évènement.

Reste à parler du gros morceau. L'espace Indé.

Parce que oui, même si j’y suis allé pour boire des bières et jouer au blind test, l’intérêt majeur pour GSS c’est de visiter et voir les petits indés et ce qu’ils nous mijotent de nouveau, d’original, de mignon, voire de hit à coup sûr, tellement qu’Edmund Mac Millen sera jaloux. Et de ce côté, il faut avouer que le Stunfest a fait les choses en grand et en beau. S’inspirant de ce qui avait été fait l’année dernière au Théâtre du Vieux St Etienne, la zone indie était dans un espace énorme, avec de l’espace, scénographié, et très agréable à parcourir. Les différents stands des créateurs étaient articulés en allées autour d’une scène où se relayaient présentations des jeux de l’Indie Awards par Quineapple et Luma et conférences (en lien ou pas avec le jeu indépendant) avec divers intervenants. Au dos de la Grande scène, se déroulait durant tout le week-end des tournois sur divers jeux indés comme Sclash ou Toaster-Ball (dont Hazz a fait la critique ici : https://www.gamesidestory.com/2023/05/16/toasterball/ ). Un espace expérimental permettait de présenter des jeux très étranges aux modes de contrôles sortant de l’ordinaire (comme Patine, qui demande à deux joueurs d’utiliser deux skateboards comme manette de jeu), ou au concept complètement surréaliste comme « Cordialement » qui se présente comme un simulateur d’E-sport administratif.

Ma sélec :

Dans la zone indé j’ai pu tester pas mal de jeux et en ai apprécié beaucoup dont je vais essayer de vous retranscrire l’expérience ici :

This is No Cave : un platformer malin, entre super meat boy et splasher où il faut surtout contrôler les trajectoires de sauts et rebonds. Une difficulté redoutable, et un challenge constant.

Zigglox : une sorte de Pikmin compétitif très mignon, facile à prendre en main mais difficile à maîtriser.

Aetheris : Un tactical RPG mâtiné de rogue like, dans un univers magnifique et onirique.

Sclash : Un versus dessiné « à la main » très stylé descendant de Bushido Blade, Barbarian et Nidhogg, où chaque coup porté peut mettre fin au combat.

Vectronom : Un jeu de rythme puzzle multijoueur complètement halluciné.

To Hell With The Ugly : un jeu d’aventure remarquable, basé sur une nouvelle de Boris Vian.

Kairo’s Life Remake : un simulateur de vie à embranchements très très multiples.

Draw your Game : Un jeu pour faire des jeux où des crayons de couleurs permettent de dessiner les éléments du jeu sur papier avant d’être scannés. Les différentes couleurs représentent différents attributs ensuite (rouge = danger, etc.)

Sandwalkers : Un RPG de stratégie, très inspiré de Curious Expedition, mais dans un univers désertique.

Crime O’Clock : Version vidéoludique de Micro Macro Crime City, où on doit résoudre différentes enquêtes sur une grand carte évolutive en recherchant les indices.

Danghost : Un Puzzle game d’arcade entre Super Puzzle Fighter et Puyo Puyo où on doit aligner des fantômes de différentes couleurs puis les capturer pour faire des combos et embêter ses comparses exorcistes. Encore une fois un jeu très simple à prendre en main, mais dont les possibilité stratégique sont assez énormes. Le design du jeu est chatoyant, avec des personnages marqués, un univers japonisant très agréable même si un poil cliché. Ce jeu a remporté le grand prix des Indie Awards 2023.

Island of Winds : Un jeu d’aventure dans un contexte assez inédit, l’Islande du 17è siècle. il faudra utiliser la magie et l’observation pour restaurer l’équilibre sur des petites îles, exorciser des moutons, et des araignées. Un jeu relativement non violent, mais cela ne l’empêche pas d’être très prenant.

Project Operator : En tant qu’opérateur d’une organisation secrète gouvernementale, on doit assister des enquêteurs sur diverses affaires en analysant données, preuves et extraits de conversations pour faire éclater la vérité. Du moins c’est ce qui est marqué sur la fiche de poste, il semblerait que quelque chose de plus sombre soit à l’oeuvre…

Stunfest 2023, road to 2024 : une édition durant laquelle je n’ai pas boudé mon plaisir, après l’édition précédente plutôt décevante sur beaucoup de points, le niveau est relevé. Certes, le manque de jeux de combat, étant pourtant l’origine du stunfest, a pu faire grogner mais j’espère juste que ce pan entier n’est pas en train d’être enterré et reviendra de manière plus éclatante quand la situation financière sera meilleure. Il a manqué tout de même les grandes finales comme « avant » cependant ce qui a été mis en place n’était pas honteux pour autant. Une édition certes plus petite, mais dont les divers éléments forment un tout plus cohérent. Un peu de baston, un peu de musique, un peu de boisson, un peu de jouets en plastique, de la nouveauté, du rétro, du speedrun, des conférences diverses sur les métiers et les représentations du jeu vidéo. Il s’agit d’un media complexe dont, pour le temps d’un week-end, on peut essayer de voir un maximum de facettes et apprécier ensemble ce pourquoi le jeu vidéo est si particulier. Créateurs, spectateurs, conférenciers, journalistes, universitaires, joueurs, tout ce petit monde réuni pour faire la fête et célébrer le grand Jeu, c’est un évènement précieux, et il faudrait que ça continue.

Ghost Runner II

Une suite réussie avec pas mal de nouveautés

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