Critique

Ori and the Will of the Wisps

Développeur : Moon Studios – Éditeur : Microsoft – Date de Sortie : 11 mars 2020 – Prix : 30 €

Difficile de vous parler d’Ori and the Will of the Wisps, sans vous parler tout d’abord de son grand frère, Ori and the blind forest que nous n’avions pas traité dans nos colonnes. Metroidvania (comprendre jeu de plateforme et d’exploration) aux graphismes oniriques, à la musique envoutante, au scénario attendrissant (on chiale au début ET à la fin), ainsi qu’à sa sobriété mécanique (mais j’y reviendrai). J’attendais donc avec beaucoup (trop ?) d’impatience ce nouvel opus, espérant voir celui-ci corriger les quelques défauts de son prédécesseur. Cependant Hollow Knight est passé par là, plaçant la barre très (trop ?) haut, en chamboulant les fans du genre, et sans doute les développeurs de ce nouveau ORI eux aussi.

L'habile bête de Niwel

Le joueur incarne à nouveau Ori, que l’on retrouve dans sa maison, accompagné de sa famille d’adoption et en particulier d’une jeune chouette, nommée Ku, dernier rejeton de la maison. La jeune recrue à cependant des petits soucis d’ailes et ne parvient pas à voler correctement. Heureusement, grâce à l’aide de toute la petite famille, ce ne sera qu’une question de temps avant qu’Ori et Ku ne s’envolent ensemble vers d’autres cieux. C’est ainsi qu’après avoir malencontreusement traversé une tempête, nos jeunes amis se retrouvent séparés sur une ile inconnue où le jeu débute. Au départ, Ori ne dispose pas du moindre pouvoir, chose étonnante étant donné son passé, et commence son exploration de l’île. On y retrouve des graphismes magnifiques présentant un univers onirique, digne de son prédécesseur, et une ambiance toujours aussi prenante. Quelques minutes suffiront à découvrir les principaux mouvements, ainsi qu’une partie des habitants de l’île.

Assez rapidement apparaitra l’un des premiers boss du jeu, une jolie surprise car c’était justement ce qui manquait à Ori & the blind forest (O&BF pour faire plus court), dont les phases de fuites étaient loin d’être du goût de tout le monde pour clore les donjons (et que dire de la fin du jeu). Les boss prendront la forme d’animaux gigantesques, qui ne seront pas sans rappeler les productions Ghibli. Et si leur beauté est un atout en leur faveur, leurs attaques et mouvements le sont bien moins. Pour commencer, les séquences de combat sont toujours entrecoupées de ces fameuses phases de fuite issues d’O&BF dont je vous parlais précédemment. On aurait préféré des boss qui ne soit que des boss, et pas de nouveaux prétextes à ces phases peu intéressantes. Une fois en combat à proprement parlé, votre adversaire deviendra un sac à PV, qu’il faudra matraquer à outrance, tout en évitant ses attaques assez approximatives et ses mouvements presque aléatoires. On se demande parfois par quoi on s’est fait toucher, et il est difficile de comprendre la séquence par laquelle les étapes s’enchainent. Cela ne semble pas dépendre du niveau de vie restant au boss, ni d’un ordre précis toujours identique, et encore moins venir d’un chronomètre. Si ce n’est pas du hasard pur, je veux bien que l’on m’explique ce que j’ai manqué. 

C’est sans doute ce point qui fera fuir une partie du grand public, ayant moi-même failli à plusieurs reprises lâcher la manette pour ne jamais relancer le jeu, je doute que des joueurs plus occasionnels insistent face à ces boss mal équilibrés. Pour ce qui est du reste de l’aventure, on reste dans les grandes lignes de son prédécesseur avec de l’exploration progressive dans une carte variées aux décors enivrants. La musique est tout aussi réussit et appuie cette sensation de belle balade que procure le jeu. Si vous aviez apprécié O&BF pour son ambiance plus que pour le reste vous devriez vous y retrouver sans soucis dans cette nouvelle histoire en forçant un peu sur les boss.

Par contre si vous aviez apprécié O&BF pour son univers mais aussi (et surtout) pour ses spécificités de métroidvania, le constat est bien moins positif, mais laisser moi chipoter plus en détail. 

Des petites bêtes cachées dans la mousse​

L’aventure aux quatre coins de l’île permettra à Ori de débloquer de nouvelles aptitudes, de visiter des décors riches et variées et de rencontrer moult personnages. Si la recette semblera efficace à beaucoup de joueurs elle sera à l’inverse un peu en décalage pour les puristes du premier opus. Ori & the blind forest faisait en effet preuve d’une sobriété appréciée de nombreux joueurs. Très peu de texte et de dialogues, avec une narration non verbale bien ficelée, qui se retrouve ici remplacés par des discussions assez quelconques, voir ennuyeuses.

 La palette de coups variés d’O&BF était accessible directement via les touches de la manette, tandis qu’Ori and the Will of the Wisp (O&WW) utilise un système de menu, sous forme de roue, pour passer d’un pouvoir à l’autre et l’attribuer aux touches d’action. Voilà comment compliquer inutilement un système qui fonctionnait bien.

Les nouveautés ajoutées viennent elles aussi casser cette sobriété poétique. O&WW utilise un système de monnaie, permettant d’acheter des compétences actives ou passives à certains PNJ, rassemblés dans un village évolutif au fil de l’aventure. Des ajouts qui servent sans doute à se calquer sur Hollow Knight (on va dire HK pour faire plus simple), nouvelle référence du genre, dont il copie plutôt mal les mécaniques. On ramasse des habilités passives sous forme de pierres, correspondant aux badges de HK. On combat dans des sortes d’arène (comme celle de HK) des vagues d’ennemis pour débloquer des emplacements de badge…euh… de capacité, excusez-moi… On récolte de l’argent pour acheter des cartes au cartographe (comme dans HK), ou encore des aptitudes de combat à l’un des 2 seuls vendeurs du village (oh un village évolutif, comme dans HK, tiens, tiens…). 

Fait étrange d’ailleurs le reste du village ne semble pas utiliser la moindre forme de monnaie, les Mokis, peuple pacifiste et oisif semblent adepte du troc, vu les objets qu’ils vous refourguent lors de quêtes fedex particulièrement mal contextualisée (comprenez par là que le scénario des quêtes est quasi inexistant). La soupe est offerte aux villageois, la construction des maisons est faite gratuitement par un autre PNJ tant qu’on lui fournit les matières premières (histoire de rajouter un collectible dans la liste), bref cette ersatz de monnaie sent le rajout facile à plein nez. 

Le scénario est basique et complètement prévisible. Là ou O&BF avait réussi à me tirer la larme à l’oeil, je n’ai ressenti ici qu’ennuie et lassitude. Sans vous spoiler, on réchauffe les procédés narratifs du précédent jeu, sans y apporter l’empathie nécessaire aux personnages pour rendre le tout efficace.

Ça passe ou ça casse !

Dernier point mais loin d’être le plus anodin. Ori and the Will of the Wisps est un jeu Xbox Game Studios (donc Microsoft) comme l’affiche clairement l’introduction. Tournant sur une console Microsoft (ma Xbox One en l’occurrence) et ayant la capacité surprenante de ne pas être optimisé du tout.

Alors oui c’est beau, quand les objets ne sont pas invisibles (je vous ai mis 2 captures d’écrans pour vous illustrer un peu tout ça).
Alors oui c’est beau, quand le jeu ne freeze pas, me laissant le temps de boire tranquillement une gorgée de bière avant que l’action ne reprenne. Idéal contre un boss ou lors d’un séquence de fuite…
Alors oui c’est beau, quand le jeu ne plante pas complètement et me ramène au menu de la console…
Alors oui mon voisin à la plus belle bagnole du quartier. Elle est en panne tout le temps, donc ça ne lui sert à rien, mais c’est la plus belle du quartier…

Je peux comprendre l’existence de quelques bugs, mais l’état actuel du jeu, sortie il y a plus de 2 semaines au moment où j’écris ces lignes, est plus proche du foutage de gueule que de la simple erreur. 

Diablement beau et envoutant, mais techniquement à la ramasse. Le nouveau ORI saura satisfaire ceux qui étaient à la recherche d'une nouvelle balade sans prétention. Les fans de metroidvania, et plus particulièrement ceux de la sobriété du précédent Ori, seront en revanche déçu par une suite paresseuse, mal faite, singeant maladroitement son principal concurrent, dont il calque bêtement les mécaniques sur son univers qui en méritait pourtant tellement plus.

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Chezmoa

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