Critique

Road 96

H0wler
Publié le 26 août 2021

Développeur

Digixart

Éditeur

Digixart

Date de Sortie

16 aout 2021

Prix de lancement

19,99€

Testé sur

PC

Qu’importe ce que certains diront : tout est politique. Quelles que soient les années ou le support, si une œuvre raconte quelques chose, c’est politique. C’est d’autant plus vrai avec les jeux indépendants, ceux-ci étant loin de toutes situations litigieuses avec des investisseurs, les projets très engagés et militants n’ont pas attendu pour fleurir par centaines. Sur la liste, on peut maintenant voir Road 96 (pas très loin de This is the Police et Papers Please). C’est un jeu narratif, dont la particularité se joue sur un déroulement procédural. Ça sort sur PC et Switch, c’est développé par les Montpellierains de DigixArt et promis, je vais garder mon chauvinisme Héraultais de côté pour cette critique.

Hit the road Jack

Une narration procédurale, en voilà une curiosité. Quelque chose de jamais vu et qui intrigue autant quelle rend sceptique. En bon joueur de RPG que je suis, je serais le premier à dire que pour qu’une narration nous tienne accroché au fauteuil, il faut qu’elle soit gérée d’une main de maitre, sur le fond, la forme et le rythme. Road 96 nous place dans l’univers fictif (très américain il faut le dire) de Pietra, en pleine campagne électorale, alors que Tyrak, le régisseur actuel, s’oppose à Flores pour la dernière ligne droite. Évidemment, les deux opposants voient le monde drastiquement différemment : le rouge de la sécurité pour Tyrak, le bleu de la liberté pour Flores. Alors, moi aussi j’adore Star Wars et pourtant, je suis pas sûr qu’il était nécessaire d’emprunter son manichéisme chronique. Surtout qu’il n’est pas du tout aidé par l’utilisation des Brigades Noires, ce groupuscule secret et révolutionnaire, dont le logo (un B entouré d’un cercle noir) se retrouve un peu partout sur les murs, devant les QG secrets et même sur l’avant bras de l’un de leurs chefs. Il est difficile de ne pas souffler très fort du nez en voyant le scénario se ramener avec son gros panneaux à LED avec des flèches, car j’aurais vraiment aimé qu’il joue avec mes repères moraux (du moins, bien plus souvent que les rares fois où il essaie).

Ses gros sabots lui permettent cependant d’intégrer rapidement la notion de choix aux joueurs, vu que les différents adolescents fugueurs que vous allez incarnez vont devoir en faire. D’ailleurs, dès le début, le jeu vous pose quelques questions concernant votre personnalité, si vous êtes plutôt un votant, un abstentionniste ou un révolutionnaire, car c’est bien là les 3 grandes voix qui s’offrent à vous. Tout au long de vos différents roadtrip, vous allez parcourir la moitié du pays et rencontrer des gens aux différents endroits clés, dans les bus, les taxis ou même en auto-stop. Des révolutionnaires, des mecs qui veulent pas de problèmes, des fachos, des fugueurs comme vous, bref un tas de monde.

Fuir le pays est un choix parmi tant d’autres, et il est très appréciable de voir que notre route peut ne pas se finir à la route 96, Saint Graal des fugueurs pour passer la frontière. Lors de mes péripéties, j’ai eu l’occasion de m’échapper plus d’une fois, mais aussi simplement de tomber sur un barge en stop qui a décidé que quand même, c’était plus drôle de me tuer sur le bords de la route simplement pour avoir affiché mes opinions politiques. Vos choix et vos convictions ne tiennent souvent qu’à un fil et le jeu arrive parfaitement à maitriser cette nuance. Qu’importe ce que vous pensez, si la personne qui vous a pris en stop n’est pas d’accord avec vous, peut être va-t-il vous accuser de révolutionnaire et vous livrer aux flics ? Ou pire encore, en finir avec vous sur le bas côté de la route, sans témoin ? Ou peut être qu’il est de votre côté ? Road 96 vous met très souvent dans ce genre de situation délicate, des passages qui ramènent à la réalité et rappellent des sombres histoires de co-voiturages, à base d’homéopathie, terre plate et autres « faites vos propres recherches ».

Salut à toi Brigades Noires

Au-delà d’influencer votre voyage, vos choix influeront aussi le monde qui vous entoure. Si votre personnage ne garde pas ses souvenirs à la fin d’une aventure, vous gardez cependant l’influence que vous avez eu sur les votes, que ce soit pour Tyrak, Flores ou l’absention. Ils joueront aussi un rôle avec les sept personnages principaux, augmentant petit à petit les connaissances qu’on a sur eux et débloqueront certains objets pour vous aider dans vos aventures. Si l’absence de personnage incarné fixe, avec son propre caractère, est à déplorer, on regrette encore plus que les fugueurs n’aient pas plus de variables, que ce soit avec un trait particulier qui influe sur certains dialogues/actions ou simplement avec des réponses particulières. Le jeu se serait parfaitement adapté à un malus « débile », bien familier chez Cain et Boyarsky.

Au vu des quelques images postées plus haut, vous vous êtes surement dit « bon, l’est pas mal ton petit jeu, mais visuellement c’est pas fou » et vous avez raison. Un peu. En fait, Road 96 fait partie de ces excellents exemples de jeux légers techniquement mais qui savent mettre une ambiance. Avec son style très saturé, peint à la main, il sait jouer avec ses lumières pour créer des ambiances différentes et surtout, il transpire le road trip comme jamais avec ses paysages désertiques, ses stations essences et motels déglingués, et ses personnages hauts en couleurs. Et, qui dit Road Trip dit musique, et pour l’occasion, ils ont réunis une petite équipe d’artiste électronique (Toxic Avenger, Cocoon, Volkor X, Kalax etc.) pour composer un tas de tracks qui viendront appuyer l’emphase sur certaines scènes. Mais cerise sur le pompon de la farce, toutes les pistes peuvent être trouvées dans le jeu sous forme de cassettes, de quoi prendre une pause bien méritée à proximité des dizaines de lecteurs cassettes accessibles, nous laissant savourer nos musiques favorites.

Il faut compter une quinzaine d’heures pour arriver au bout de sa première run de jeu, qui vous permet de voir la totalité du scénario forgé avec vos choix. Le rythme est parfaitement maitrisé : c’est juste ce qu’il faut en terme de temps, surtout que chaque étape dans le jeu est entre-coupée d’une suite de dialogues entièrement doublés en anglais mais qui évitent d’être trop verbeux. On a même le luxe de quelques mini-jeux, histoire de dynamiser un peu le tout. Sur ce coup là, tout est très brillant, le temps file comme jamais et si vous en redemandez plus, vous avez le droit à un New Game + pour tester les différents choix et surtout, utiliser les items passifs récoltés tout au long de l’aventure.

Road 96 est un super titre. Pas parfait, à cause de son écriture bien trop grossière pour prétendre à une Sélection, mais il apporte un peu de fraicheur dans les jeux narratifs, bien loin des carcans imposés par Dontnod et Telltale. Il propose l’histoire la plus interactive possible tout en gardant un rythme aussi soigné que sa direction artistique.

Star Wars Outlaws

Sans être parfait, voilà un jeu qui a le mérite d’être pleins de surprise.

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