First Person VR blood sucking game
Critique
Let Bions Be Bygones
Développeur
Bohemian Pulp
Éditeur
Microprose Software
Date de Sortie
30 avril 2024
Prix de lancement
14,99 €
Testé sur
PC
Avec des graphismes pleins de gros pixels et une ambiance polar noir dans un monde cyberpunk montrant tous les clichés possibles du détective désabusé au bout du rouleau, Let Bions Be Bygones avait clairement tout pour attirer mon attention. D’autant que celui-ci promettait également de nombreux choix et embranchements scénaristiques. Est-il alors à la hauteur de ses ambitions ?
Dès la courte séquence d’intro, tout y est. Un détective pessimiste, éreinté par la vie, croulant sous les rappels de ses impayés, et comatant sur son bureau après une nuit un peu trop chargée en alcool local, va voir une femme fatale frapper à sa porte et lui proposer une enquête, et un salaire, plus que bienvenu. Un classique du genre, qui rappela aussi aux meilleurs d’entre vous l’introduction du génial, et je pèse mes mots, Discworld Noir. Et quitte à citer les classiques, dans le visuel et la vibe général, on pense au départ également à l’excellent Gemini Rue. Continuons dans les comparaisons, cette fois au niveau de l’univers, où l’on pensera assez vite à Altered Carbon, avec un monde cyberpunk où les consciences peuvent être téléchargées dans des corps synthétiques, ici appelés Bions, et où, bien entendu, la cassure des classes sociales s’est amplifiée à l’extrême avec des plus riches, les Uppers, vivant dans les strates les plus hautes de la cité.
Comme attendu, les implants et autres améliorations cybernétiques sont légion dans cet univers, mais vous connaissez maintenant la chanson depuis le temps et les œuvres sur le même thème. Ceci dit, il vaudrait mieux que ce soit le cas, tant le jeu se plait à nous balancer des termes à la figure sans jamais les expliciter clairement, et si on en comprend beaucoup par le contexte, certains restent assez vagues. Un glossaire aurait pu être intéressant, ajouté dans le journal de notre détective par exemple.
C'est mon choix ?
Let Bions Be Bygones est un jeu d’aventure très textuel, dans le sens où quasiment tout se passe par les dialogues. Comprenez par là qu’il n’y a pas d’inventaire, même si certains objets doivent être récupérés afin de progresser, ni vraiment d’énigmes à proprement parler. Le principal gimmick réside dans les choix. Le jeu de Bohemian Pulp se veut justement réactif à vos choix et tente de proposer un grand nombre de variations en conséquence de ceux-ci, que ça soit sur l’histoire elle-même et le déroulement des évènements qui la composent, en proposant plusieurs chemins possibles pour obtenir des informations ou pour arriver à un même point, ainsi que plusieurs fins. Le premier choix important du jeu consiste d’ailleurs indirectement en celui de ses « partenaires », un flingue parlant, et une photo de son ex, faisant planer son fantôme autour de notre détective, lui servant de conscience.
Mais plus original, c’est votre propre personnalité qui va changer et évoluer au fur et à mesure de vos choix de dialogues. Vous pouvez incarner un con, cliché ambulant et alcoolique, ou au contraire, un détective rincé certes, mais essayant de remonter à la surface et retrouver une dignité. Voire un mix des deux… Ce qui ne va pas seulement impacter votre role-play, mais également le déroulement du jeu, car selon votre personnalité, votre personnage répondra parfois automatiquement d’une certaine façon, ce qui pourrait vous couper certains dialogues ou chemins d’investigation. Cette personnalité peut par ailleurs altérer votre histoire avec certains PNJs radicalement. Par exemple, dans un premier run, un certain Jim était particulièrement ravi de vous aider, puisque, dû à la personnalité de notre personnage, nous l’avions apparemment couvert dans une affaire d’adultère. À l’inverse, lors d’une deuxième partie avec un détective moins fréquentable et empathique, on comprend que celui-ci l’a dénoncé à sa femme et Jim est de fait bien moins serviable, nous forçant à trouver une autre solution pour arriver à nos fins.
Trop ambitieux ?
Dans l’idée, c’est vraiment intéressant, et même assez convaincant sur le premier acte. Le souci, c’est qu’en jeu tout reste extrêmement vague. On ne sait jamais trop vers quoi on se dirige en choisissant tel ou tel dialogue, et on subit plus les conséquences et embranchements qu’on ne les choisit. C’est potentiellement souhaité par les développeurs voulant forcer le joueur à jouer le jeu du role-play et de voir défiler les conséquences de ses actions, puis de recommencer différemment pour voir d’autres chemins. Le problème, c’est que ne sachant pas réellement ce qui a conduit à telle ou telle version de l’histoire, difficile de savoir comment obtenir un résultat souhaité. De plus, après plusieurs playthroughs, on ne s’identifie plus particulièrement à l’une ou l’autre de ces versions.
D’autant plus que si le premier chapitre semble maitrisé, que ce soit au niveau du rythme et des possibilités, et celui où on se sent le plus dans la peau du détective, tout semble s’accélérer et s’embrouiller par la suite, et l’on a vite l’impression de ne plus rien contrôler. Pire, on a l’impression que le jeu lui aussi s’emmêle les pinceaux. Il y a de fortes chances que cela soit dû à une trop grande ambition dans le nombre de chemins différents proposés. D’un coup, l’histoire avance de façon brutale et saccadée, parfois au point de ne pas trop comprendre comment on est arrivé là, et beaucoup d’informations glanées précédemment au cours de notre enquête paraissent mises de côté. On le remarque aussi par la taille très courte du chapitre 3, 20-30 min environ, celui-ci devant servir d’épilogue liant tous vos choix précédents, même s’il offre plusieurs variations et donc une bonne rejouabilité. Il en reste que les fins sont extrêmement abruptes, et il manque quelque chose comme un récap des conséquences de nos choix sur le monde et ses personnages.
On ressent aussi cette difficulté à gérer tous les embranchements dans les différents bugs de scripts rencontrés. Que ce soient certains dialogues disponibles référents des personnages pas encore rencontrés, ou des réactions pas tout à fait cohérentes avec ce que Cooper est déjà censé savoir dans notre partie. Rien de complétement rédhibitoire pour ceux-ci, mis à part casser un peu l’immersion par moment, c’est au contraire plus problématique quand un script ne se déclenche pas et bloque la progression. Heureusement, Bohemian Pulp semble sortir des patchs assez fréquemment, il est donc possible que le jeu soit déjà plus stable au moment où vous lirez ces lignes.
Finissons par parler de l’écriture, qui, si dans l’ensemble reste assez correcte, est plutôt inégale. Elle est parfois assez convaincante, notamment lorsqu’elle s’inspire des tropes du polar noir, parfois assez décevante et limite parodique. Et c’est également le cas, voire pire, des doublages dont la qualité est extrêmement variable, allant du très correct jusqu’aux limites du ridicule, avec certains passages qu’on pourrait croire tirés du Muppets Show, ce qui, vous en conviendrez, nous sort un peu de l’ambiance. Mentions spéciales à la voix du dénommé Mali Cvet si difficile à écouter qu’on en vient à passer les dialogues au plus vite, et celle du pistolet parlant, vraiment très agaçante.
Let Bions Be Bygones est donc un jeu plein de promesses dans son premier acte. Joli, bien qu’un peu brouillon, avec une belle ambiance mêlant cyberpunk et polar noir, et offrant une vaste panoplie de choix et conséquences, bien que ceux-ci restent un peu trop vagues dans leurs mécaniques. Malheureusement, le titre de Bohemian Pulp pêche dans la finition, avec notamment des dialogues et doublages pas toujours réussis, et sa réalisation, avec ses deux derniers actes bien moins maitrisés, que ce soit dans la narration ou dans la gestion des choix. En l’état, il est un jeu qui reste intéressant, plein de bonnes idées, et dont le premier tiers nous laisse espérer d’autres jeux du même genre, potentiellement mieux maitrisés.