Du JRPG, du Polar, et des bugs
Critique
Harold Halibut
Développeur
Slow Bros.
Éditeur
Slow Bros.
Date de Sortie
16 avril 2024
Prix de lancement
34,99 €
Testé sur
PC
Ça faisait maintenant un bon moment qu’Harold Halibut avait montré son impressionnante stop-motion au travers de plusieurs trailers diffusés dans différents événements vidéo ludiques, et autant dire que l’effet fut saisissant, intriguant autant par son style que par son univers, et attisant donc toutes les attentes. Après plusieurs longues années de patience, nous avons enfin pu mettre les mains sur cette aventure narrative on ne peut plus atypique.
Putain 10 ans !
Commençons de suite par le plus évident, je parle bien entendu de la DA de ce Harold Halibut. Il aura fallu plus de 10 ans à Slow Bros. pour venir à bout de ce colossal projet, un temps de développement gargantuesque qui s’explique principalement par l’orientation artistique choisie par l’équipe, à savoir de l’animation stop-motion, style pâte à modeler, entièrement faite à la main. Et si l’investissement semble immense, on peut dire que le résultat est visuellement à la hauteur du travail effectué, pour peu que l’on apprécie ce genre de rendu. Disons-le tout de suite, Harold Halibut est magnifique. En mouvement, c’est tout autant impressionnant, voire encore plus avec toutes ces animations qui rendent vie à ce joli petit monde. On se croirait littéralement devant sa TV, et le jeu de lumière adopté est du plus bel effet. De ce côté-là, on est très vite conquis, et ce ne sont pas les quelques rares soucis de collisions ou de placement de personnages qui vont gâcher le plaisir.
D’autant qu’un soin particulier a aussi été amené à la musique venant renforcer l’ambiance étrange et rétro futuriste du titre. Elle sait parfois se faire silencieuse, laissant le joueur profiter des sons ambiants de la station, pour mieux reprendre et ponctuer les moments narratifs de la meilleure des façons. Elle joue d’ailleurs une part importante dans notre ressenti du titre, à tel point qu’elle devient indissociable de l’aventure elle-même, et est de fait une vraie réussite. Fort heureusement, vu le style de jeu, le doublage anglais est, lui aussi, de très bonne qualité. Il peut certes paraitre occasionnellement un peu caricatural, mais c’est toujours dans l’esprit et le ton du jeu lui-même, nous y reviendrons plus loin, et il donne autant vie aux personnages que le font les animations. On peut cependant noter une gestion de la spatialisation du son, c’est-à-dire un son plus faible quand on s’éloigne des personnages qui parlent, assez étrange par moments, c’est le cas au début où l’on doit suivre quelqu’un sans la possibilité de courir, et on entend parfois à peine ce qu’il nous dit alors qu’on est littéralement 2m derrière. Mais ça reste très rare lors de l’aventure.
Fedora 1, c'est avant tout des rencontres
L’aventure, elle, justement, commence à bord du Fedora 1, un vaisseau spatial ayant quitté la Terre 250 ans plus tôt dans le but de trouver d’autres planètes habitables, mais s’étant malheureusement écrasé sur une planète océanique, résidant maintenant au fond de l’océan. Vous y suivrez les aventures d’Harold, homme à tout faire et assistant de Jeanne Mareaux, la scientifique en chef du vaisseau. Harold est un garçon timide, discret et souvent dans la lune, ce qui semble d’ailleurs souvent agacer les personnes dans son entourage. Il paraît en effet être resté un peu en enfance, avec une certaine naïveté, mais à la fois dégage une mélancolie palpable, ayant du mal à trouver sa place, son but, dans ce monde qui le dépasse. Mais avant tout, Harold est un personnage éminemment sympathique, faisant preuve d’une forte empathie, ce qui lui permettra de tisser des liens forts avec les personnages de la station lors des péripéties contées par le jeu.
Le fait de découvrir et s’intéresser à la galerie de personnages pour le peu excentriques du Fedora I est d’ailleurs la plus grosse partie du jeu, justement. Harold Halibut est en effet un jeu d’aventure principalement narratif, pas si loin d’un film d’animation interactif, avec seulement de très rares choix de dialogues qui sont de plus sans conséquences. On ne trouvera aucune énigme, ni objet à ramasser, le gameplay consiste quasi exclusivement à se déplacer d’un endroit à un autre et à discuter avec différents PNJ, à l’exception peut être de rares mini-jeux. On passe d’ailleurs beaucoup de temps à se balader d’un endroit à l’autre de la station, pour suivre nos objectifs principaux ou secondaires affichés sur notre journal, sachant également que beaucoup de dialogues optionnels ne sont pas directement liés à ces quêtes, mais à découvrir en explorant simplement la station.
« Everyone can make mistakes, but not anyone can learn from them »
Le principal souci de cette approche est que cela rend le début du jeu particulièrement poussif. On découvre petit à petit tout ce monde, réalisant beaucoup de quêtes FEDEX, et de fait, on passe beaucoup de temps à faire des allers-retours au petit trot, Harold ne courant pas bien vite. Heureusement les animations sont plutôt mignonnes et font passer un peu mieux le temps. Beaucoup de quêtes secondaires vont justement vous faire courir à droite à gauche pour parler à une personne, ce qui est certes utile pour mieux apprendre à connaitre les habitants du Fedora, mais ralentissent également d’autant plus le rythme et la progression de l’intrigue principale qui peine encore plus à décoller. Ce qui, paradoxalement, rend d’autant plus difficile au départ de vraiment s’attacher à la plupart des personnages, à quelques exceptions près. Surtout qu’on passe au final souvent plus de temps se déplacer que dans le dialogue lui-même.
C’est en tout cas vrai pour un bon premier tiers de l’aventure. Une fois que l’intrigue progresse, et que l’on s’est un peu plus attaché aux personnages de la station, la progression devient peu à peu plus intéressante. Cette galerie de personnages, qui semblaient au départ introduits au forceps et caricaturaux, finissent par faire mouche et on se prend au jeu, à s’attacher à eux. Mais cela dépendra principalement de vos préférences. L’écriture de cet Harold Halibut est de qualité, mais elle paraît plus souvent destinée à un public plus jeune, du moins concernant son intrigue principale, ou dans ses twists. Néanmoins, comme ça peut être le cas dans les Disney ou autres Pixar, le jeu regorge de belles réflexions plutôt intéressantes sur la nature humaine, ou encore le renfermement sur soi, qui ont le droit à de beaux dialogues. Harold, tentant fréquemment d’expliquer de belle et touchante manière, les spécificités humaines à son ami, lui aussi perdu, comme un adulte bienveillant le ferait avec un enfant.
Si bien qu’au final on en vient à se demander si ce qui apparait comme ses plus gros défauts sur une bonne partie de l’aventure ne finit pas par devenir un de ses plus gros atouts à la fin. On finit par être de plus en plus touché par la personnalité d’Harold, voire de s’y identifier, comme on finit par apprécier tous ces personnages et être content de pouvoir discuter de tout et de rien avec eux. On finit l’aventure presque triste de leur dire au revoir, mais comme Harold, enthousiasmé des aventures qui nous attendent. C’est en tout cas, une fois la claque de l’aspect visuel passée, ce qui probablement marquera le plus les joueurs, et restera avec eux après les crédits de fin.
Harold Halibut est un jeu plein de contradictions, si bien qu’il est difficile de vraiment le définir. Étant à tant de niveaux un OVNI vidéo ludique. Plus proche du film d’animation interactif que d’un jeu d’aventure à proprement parler, avec un rythme très lent surtout au départ, et une écriture de prime abord semblant plus destinée à un public jeune, Harold Halibut n’est clairement pas fait pour être mis entre toutes les mains, et est loin d’être exempt de tout défaut. Cependant, grâce à une DA et une ambiance globale fantastiques, il en reste néanmoins un jeu qui marquera au final beaucoup de ses joueurs, qui garderont en tête des visuels et des musiques superbes, ou encore certains de ses dialogues qui touchent parfois terriblement juste et pourraient bien résonner encore un petit moment dans un coin de leur tête. Quoi qu’il en soit, un jeu qui ne laissera pas indifférent.
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