Dear Esther

Le jeu narratif prend de plus en plus de place dans la bibliothèque dématérialisée de tous les amateurs de ce nouveau médium plein d’avenir. Mais quand on parie sur le récit total, sans aucune forme de « jeu » à proprement parler, peut-on vraiment s’en sortir indemne ?
Il est beau, il est intelligent…
Ancien mod Half-Life, ayant forcément surpris tout le monde à sa sortie, Dear Esther est une sorte de livre audio interactif. Attention, il n’est ici nullement question d’enchaîner les Quick Time Event et autres artifices, mais bien de marcher sur une île, de l’explorer, dans l’espoir d’entendre le narrateur continuer son histoire. Entièrement en anglais (pour l’instant, car d’incroyables passionnés du jeu sont déjà en pleine traduction), Dear Esther est d’une beauté incroyable. Chaque plan peut être pris pour une oeuvre d’art tant les lumières, la construction de l’île est paradisiaque. Et c’est voulu, pour cette histoire métaphysique qu’il va falloir déchiffrer tout au long de l’heure d’exploration proposée.
Une heure de paysages magnifiques, de musiques incroyables collant parfaitement à cet univers « vieux », très anglais, que des écrivains comme Edgar Allan Poe, Charles Baudelaire ou même, par certains aspects, Hemingway, n’auraient clairement pas reniés. Voici ce qui attend tous les curieux qui se plongeront dans le titre de TheChineseRoom. L’histoire « derrière l’histoire » est pleine de non-dits et donc de compréhension personnelle. Elle force à l’échange entre les différents joueurs, qui compareront alors leur ressenti, ce qu’ils ont compris de l’histoire et qu’elle en est la finalité.
Mais qu’est-ce qu’il est chiant !
C’est une bien bonne recette pour tout court-métrage qui se respecte ou même pour un jeu gratuit, ou à petit prix, mais en l’état Dear Esther se propose exactement comme un « gros jeu » ou en tous les cas, un projet d’envergure qui promet un dépaysement total, une vraie plongée dans un univers passionnant. Sauf qu’ici, c’est surtout le temple de la linéarité et de l’absence totale de gameplay (puisque vous ne faites qu’avancer, malgré quelques embranchements différents quelquefois ou des culs-de-sac vous faisant rebrousser chemin). En clair, Dear Esther va avoir bien du mal à être considéré comme un jeu vidéo à part entière, tant l’aspect « jeu » n’est absolument pas présent.
Pas du tout interactif (une simple caméra scriptée aurait très bien pu faire ce que le joueur fait dans Dear Esther), le jeu de TheChineseRoom est donc clairement magnifique et plein de belles choses pour tous les passionnés de littérature, d’expériences nouvelles et de ressenti. Mais il se termine très rapidement et se permet malgré tout d’être excessivement lassant. Aussi, on a cette impression plutôt dérangeante d’avoir à faire à un concept très intellectualisé et réservé à une « élite ». Comme si ceux qui n’aimeront pas Dear Esther seraient complètement à côté de la plaque et cela, c’est tout bonnement insupportable.
Le pour et le contre…
Dear Esther est donc bien compliqué à définir. Ce n’est pas un jeu, mais il est guidé par notre clavier et notre souris. Comme la visite d’un musée interactif ? Certes, mais il va plus loin. Il propose une belle histoire, très énigmatique et pleine de mystères, mais qui reste assez sympathique pour être mise en avant. Le final est majestueux et l’ambiance, qu’elle soit sonore ou visuelle, est juste parfaite. Il y a donc du très bon et du très mauvais dans Esther.
Et c’est là qu’à Game Side Story, on est bien contents de ne pas avoir à mettre de note ! Dear Esther n’est pas de ces jeux qu’on met sur un barème et en comparaison avec d’autres même si, d’une certaine façon, il peut être mis à côté de Dinner Date. Clairement, il dépasse cette habitude un peu désuète et prouve à qui ne le sait pas encore que le jeu vidéo est un médium plein d’avenir. Il suffit juste de trouver un bon compromis entre le récit et le jeu… Au final, on retient tout de même l’existence nécessaire de ce genre d’expériences qui poussent toujours plus loin, même maladroitement, le grand public vers un jeu vidéo plus « intelligent ».

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