Don’t Sink

Pirates des Caraïbes a beaucoup influencé mon imaginaire. Comme je pense beaucoup de ma génération, quand on me dit « Pirate », j’ai l’image d’un type fringué sombre, tricorne, bateau noir avec des voiles crades, une mer déchaînée et un lourd plafond de nuages. Peu de pillages et d’attaques de bateaux marchants, principalement des malédictions, des trésors enfouis, et des divinités océaniques cyclopéennes.



Don’t Sink, avec ses couleurs acidulées, son ciel bleu électrique et ses pirates rigolos est aux antipodes de l’archétype ténébreux et grandiloquent que les films de Verbinski ont contribué à installer. Bien plus proche de l’adaptation de L’Île au Trésor Disney des années 50, avec ses costumes colorés et ses acteurs qui font des grimaces, que des pirates déclinants et liquéfiés par la malaria d’un Long John Silver (Lauffray & Dorison).

L’aventure s’entame avec la création d’un avatar, un petit boucanier sympa, de cinq pixels de haut, étonnamment personnalisable. J’ai opté pour le traditionnel borgne à jambe de bois, Captain Ade de son intitulé, Captain Ade qui démarre avec un bateau tout pourri et qui comprend vite qu’il va lui en falloir un avec plus de tonneaux, plus de canons, plus d’équipage, s’il veut pouvoir naviguer sans trop prendre l’eau et se coltiner les 21 quêtes principales du jeu.

Vingt et un, c’est un petit chiffre, pour un petit jeu, plié en deux heures, à raison de moins de dix minutes par quête ; un format parfait pour une pause-café, une petite partie avant le boulot ou après. C’est un jeu compréhensif, en ça qu’il sait que, parfois, on ne peut/veut pas passer cinquante heures sur une quête épique en monde ouvert, mais vivre sa petite vie toute simple de pirate vingt minutes par jour, ça, c’est gérable.
Et ça fait sacrément du bien, de voir quelque chose qui assume d’être aussi simple et minimaliste, quelque chose qui a une formule aussi carrée que celle d’un dessin animé du samedi matin. On te donne ta quête, tu prends ton bateau, tu rencontres d’autres bateaux que tu affrontes, tu poses le pied sur une autre île et c’est plié.

Et tu ne te poses pas trop de questions, le jeu est accessible, jamais bloquant, jamais brutal. Si j’ai pu perdre mon rafiot, perdre quasi tout mon équipage, perdre quasi tout mon or, il m’a laissé me refaire à chaque fois, remonter la pente sans trop de galères. Donc facilement, on commence à accepter de prendre des risques. On expérimente, on fonce vers de plus gros navires, on attaque des ports bien défendus, on réussit des fois, on échoue d’autres, mais les échecs, c’est pas important. Si peu important qu’en cas de mort, on ne passe pas par la case Game Over, on réapparaît au dernier port visité.



Il émane de ce petit jeu d’aventures et de simulation une atmosphère véritablement enfantine et innocente. Les références de Don’t Sink et de ses gentils pirates, autres que le très simulatoire Pirates! de Sid Meyers (notamment pour les duels, j’y viens) c’est surtout, je crois, des trucs comme Adventure Time ou Bravest Warriors, des dessins animés qui offrent aux adultes un droit à la régression. Pas pour nous abrutir, mais nous faire retrouver un certain feeling qui est peut-être plus rare, une fois adulte. Feeling difficile à décrire, qui engloberait cette facilité qu’on a, gamin, à se raconter des histoires, et cet émerveillement facile devant chaque facette inconnue du monde ? C’est nébuleux dans ma tête, et c’est pas le sujet ici. En tout cas ce sentiment est présent dans Don’t Sink.

Bien sûr, c’est pas parfait. Sa simplicité le rend un poil répétitif, parce qu’à part affronter d’autres navires et transporter des marchandises, il y a assez peu de choses à faire. Les UI sont assez belles, avec leur typo pirate-pixelisée et leur design minimaliste, mais souvent confuses (par exemple, aucun moyen de voir le nombre de pirates qu’on a à bord de son navire, à moins d’attaquer une ville ou un autre vaisseau, ou d’engager des matelots). Les combats au sabre, beaucoup trop simples, se règlent en martelant le même bouton, enfouissant une complexité et un travail sur le rythme qu’on croit deviner.

Avec tout ça, on se retrouve avec un bon petit jeu, aux visuels bien taillés, qui n’a pas d’autre ambition que de nous faire plaisir pendant quelques dizaines de minutes. Il n’y a pas à en réclamer plus. Unique réel défaut : il n’y a pas de monstres marins.

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