Critique

Death Stranding

Développeur : Kojima Productions – Éditeur : Sony – Date de Sortie : 08 novembre 2019 – Prix : 60 €

J’aurais évidemment voulu détester ce jeu dont tout le monde nous parle depuis des années, sans vraiment d’autres raisons que c’est le “génial” Hideo Kojima, créateur de l’effectivement géniale série des Metal Gear Solid. C’est donc parti pour la découverte d’un jeu de fin d’année qui ne passe pas inaperçu et ce, avec beaucoup d’apriori et une vraie volonté de ne pas s’y jeter corps et âme à la première bonne scène venue. Raté.

Bas les Kojimasques

À force de jouer ses cartes mystères à chaque salon avec des trailers plus obscurs que les autres et surtout, après avoir digéré la saga Metal Gear pas toujours très claire scénaristiquement, on attend forcément Death Stranding avec beaucoup de prudence. Un artiste, ça vieillit et Kojima ne dérogera jamais à la règle. Le dernier Spielberg ne vaudra jamais ses productions des années 90, pour prendre l’exemple trop facile du cinéma populaire que mon ami Hideo aime tant. 

Death Stranding c’est l’histoire de notre monde, mais dans quelques années, après une explosion horrible ravageant au moins les États-Unis (clairement, on se fiche du reste du monde dans ce jeu) et laissant pour seuls vestiges des ruines, une pluie faisant vieillir tout ce qu’elle touche et des étranges fantômes vous plongeant dans l’oubli. Je ne suis pas exact dans mes descriptions pour respecter cette idée qu’une critique ne peut pas spoiler mais pour Death Stranding, l’exercice est des plus difficiles. Tentons ! 

Vous jouez un Norman Reedus au visage jamais expressif (une vraie plaie, ponctuée par une VF globalement de qualité, sauf pour cet acteur) se fichant éperdument de tout ce qui se passe dans sa vie de livreur de colis entre plusieurs rescapés de l’apocalypse. Jusqu’au jour ou la Président des UCA, les United Cities of America, lui demande de reconnecter l’Est et l’Ouest dans une grande quête de 50 heures qui fera chauffer vos PlayStation 4. 

C’est ainsi que Death Stranding commence et vous donne l’occasion de briller en prise en main avec cette volonté folle de vous faire reconnecter l’humanité entre elle, créer des ponts entre les gens et souligner grossièrement que nous sommes dans une ère ou Trump est Président de la plus puissante nation mondiale et où les Anglais quittent l’Europe. 

Deliveroutes entre les joueurs

Vous voilà donc à mettre sur votre dos une moyenne de 100 kilos de colis et de partir à l’aventure pour livrer votre paquetage vers une autre ville/un autre endroit à reconnecter au réseau des UCA. La première fois sera scénarisée et votre colis sera on ne peut plus original : l’occasion de vous surcharger et de prendre en main un gameplay d’une qualité, osons le dire, exceptionnelle. Vous avancez et si vous tanguez à droite, vous appuyez sur R2. A gauche, c’est L2. Si vous appuyez sur les deux gâchettes vous maitrisez les deux lanières de votre cargaison et faites preuve d’un équilibre parfait. 

Ce qui va compliquer les choses, c’est le terrain : à l’aide d’un scanner utilisable à volonté vous pouvez identifier la difficulté du terrain : bleu c’est bien, jaune c’est complique et rouge… Vous allez souffrir, voir abandonner. Et là encore on crie au génie tant cette idée de traversée complexe et aux dénivelés bien pensés force le respect, malgré la sortie remarquée d’un Zelda jouant dans la même cour et qu’on croyait bien posé pour définir le genre pendant un moment. Raté Link, Hideo t’as à l’oeil. 

Ajoutez à cela un bébé près du ventre qui vous permet d’identifier des fantômes à ne surtout pas ennuyer et vous aurez l’idée d’une infiltration et d’une étude du terrain proposées qui force le joueur à tenter des choses, à envisager des excès, à faire preuve de prudence et dans tous les cas à apprendre à maîtriser son terrain de jeu. 

Le reste du gameplay à base d’affrontement se résume à frapper des drogués de la livraison appelés les MULES pour les empêcher de vous piller. Dans ce monde de Death Stranding, mourir c’est devenir un “fantôme”. Il faudra donc éviter de tuer vos assaillants sous peine de ne pas aller dans ce sens et alimenter le nombre d’ennemis qui vous guettent. Oui, je sais, c’est génial. Et ça commence fortement à m’ennuyer d’en dire du bien. 

Manque de bol, ce n’est pas l’aspect multijoueur et partage qui viendra me faire dire du mal de la production du meilleur ami de Geoff “Doritos” Kheigley. Bien au contraire tant cela confirme et signe les qualités d’œuvre d’un DeathStranding marquant et totalement unique en son genre ; puisqu’il faut créer des ponts entre les gens et reconnecter les villes de l’Amérique, Hideo propose aux joueurs de créer ce qu’ils veulent dans ce monde pourtant de retour à la nature sauvage (bravo la pollution, vous n’apprendrez jamais). Des caisses de stockage, des générateurs pour recharger vos batteries, des abris pour se reposer mais aussi… Des ponts et de routes pour simplifier le voyage. La boucle est bouclée. 

On se retrouve donc, en plus d’être rapidement accro à la livraison pour faire plaisir à certains PNJ que l’on apprécie plus que d’autres, à ramener tout ce que l’on peut en matières premières pour aider à la construction communautaire de toutes ces structures simplifiant vraiment les nombreux allers-retours à effectuer. 

N’ayez pas honte de le détester

Et c’est là tout le génie d’une œuvre d’art : elle laissera indifférent bien des joueurs qui n’y trouveront pas leur compte. Au delà d’un scénario intense, vaste, plein de bêtises mais aussi de génie, de personnages passionnant (Heartman !), Deathstranding est vraiment un mélange généreux constitué à 90% de livraisons et de quêtes fedex qui pour la première fois dans un jeu vidéo se revendiquent comme telles et font partie intégrante du système. C’est de la folie pure. 

Peut-être que vous allez jouer 5 heures et le détester. Ou juste vous y ennuyer. Le risque est très présent et tout à fait légitime. Par contre, si vous accrochez, vous risquez tout simplement de vivre l’une des aventures vidéoludiques les plus passionnantes et prenantes depuis longtemps, tout en prenant 50 heures de jeu minimum dans la face. Kojima a largement réussi son pari et il y aura, quoi qu'il en soit, un avant et un après Death Stranding. Pour le meilleur et pour le pire.

Image de Skywilly

Skywilly

Rédacteur en chef collectionneur de Skylanders et qui passe beaucoup trop de temps sur ces briques Lego. Heureusement qu'il y a des petits jeux pour s'évader ! Auteur de Le jeu vidéo indépendant en 2015 : Portraits de créateurs

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